De l’Algérie indépendante à la Casamance
Il y a 50 ans, le 5 juillet 1962, l’Algérie accédait à l’indépendance après plus de sept années de guerre. Le conflit, qui a déchiré la France du général Charles de Gaulle, a aussi marqué la Casamance d’une autre manière. Regard sur les traces que la guerre d’Algérie a laissées ici.
1956: Le Mouvement autonome de la Casamance (MAC) est née sous la direction d’Assane Seck et de Louis Dacosta. Les Casamançais trouvaient impressionnant et s’enflammaient des déclarations pro-FLN (Front de libération nationale d’Algérie). Le journal « La voix de la Casamance est née ensuite » pour porter loin, très loin la voix de la libération de la Casamance tout en dénonçant la souffrance du peuple sous l’occupation. Ici, on s’est intéressé à tous les mouvements d’émancipation, que ce soit le Vietnam ou la lutte des Noirs aux États-Unis. Mais l’Algérie, on s’en sentait plus proches à cause de la langue française et du continent africain.
La colonie d’implantation, c’est un peu ce qu’est la Casamance, c’est-à-dire celle où on envoie des citoyens sénégalais s’installer: Lébous pour l’exploitation du bois, Baol Baol pour le commerce et le trafic de tout genre, Sérers et Toucouleurs pour la pêche, Wolofs pour l’administration. Ceci explique les enjeux de l’occupation et ses implications humaines. Surtout, aussi que bien des colons sénégalais sont en Casamance pour des raisons autres qu’économiques et administratifs. Ceux-là notamment les militaires sénégalais, ils ont une seule supériorité dans la vie, c’est d’être quand même, malgré leur malheur, supérieur aux Manjaques, aux Ndiagos, aux Soccés, aux Lakakats, aux Niacks, aux Kawkaws, aux Diolas, bref aux Casamançais. Pour eux, l’idée d’égalité n’est pas acceptable car se serait de leur enlever la seule supériorité qui leur reste.
Mais comment s’est caractérisée l’influence de cette guerre sur les mouvements indépendantistes casamançais MFDC et MAC ? La guerre d’Algérie a permis à l’histoire casamançaise de se détacher un peu de la référence française. Mieux, en prenant la leçon de la guerre d’indépendance en Algérie, les mouvements indépendantistes se sont agrippés à une revendication politique qui exclut tout recours à la violence. Les gens ont bien vu que ce n’est pas en posant des bombes qu’on allait obtenir notre indépendance, mais que c’était par un mouvement démocratique.
Qu’est-il resté de cette passion après l’indépendance de l’Algérie ? Des liens, des amitiés peut-être. Beaucoup de Casamançais sont partis étudier en Algérie et y sont revenus avec l’esprit indépendantiste beaucoup plus étoffé. La guerre d’Algérie est donc présente chez nombre d’intellectuels.
Loin de s’estomper, aujourd’hui, le souvenir de cette effervescence demeure vivace auprès de tous les Casamançais.
Pourtant, rappeler cet épisode permettrait certainement une valorisation de la société algérienne en tant que société qui a contribué intellectuellement à l’histoire de la lutte de l’indépendance de la Casamance.
Emile Tendeng