Editorial: Quel avenir pour la Casamance?
Les coups de projecteurs seront braqués dans ces prochaines semaines sur la Casamance. Les protagonistes sont le gouvernement du Sénégal qui promet des élections en Casamance et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) qui jure de ne pas permettre ces élections sur toute l’étendue de la Casamance. Le bras de fer sera rude et il ne faut pas l’exclure, violent car les militaires sénégalaises ont la mission de s’imposer par la force des armes. L’opposition sénégalaise réunie dans le M23 a déjà vécu l’expérience ces derniers jours.
Pour le MFDC et Attika, ce sera le moment de vérité pour sa crédibilité et son pouvoir réel de mobiliser. Donc, la lumière crue des projecteurs nous révélera la vraie nature de la lutte pour l’indépendance de la Casamance menée depuis 1947 par le MFDC. C’est à dire ses forces, mais encore ses faiblesses, sans oublier son programme de gestion de la crise des huit prisonniers de guerre sénégalais dans ses mains.
La confrontation à laquelle donnera lieu l’arrivée massive de militaires sénégalais et leurs matériels de guerre d’un côté, et les combattants de la résistance casamançaise qui sont en état d’alerte maximum de l’autre, ne présage pas des jours de tranquillité. Devant cette montée de bruits de bottes, les populations casamançaises qui ont tant souffert de cette occupation militaire sénégalaise, ont déjà choisi leur camp et attendent ce moment de pied ferme.
Les appels répétés à la résistance active des indépendantistes de Vélingara, Tanaff, Sédhiou, Samine, Goudomp, Cap Skirring, Diouloulou et Bignona en sont la preuve. L’exercice est d’autant plus nécessaire que ces populations sont de nouveau prêtes à un sacrifice. Quelle ténacité! Cinq siècles de résistance face aux Portugais, Anglais, Français et Sénégalais, l’expression « Invicta Felix » attribuée à la résistance casamançaise est plus qu’édifiante.
La jeunesse de la Casamance qui vient d’enterrer il y a deux semaines leur camarade Jean Michel Cabral et scander dans les rues de Ziguinchor « Vive l’indépendance ! » est une source de dynamisme et par ailleurs porteuse d’espoir d’une relève sure. Le chômage, l’éducation, l’errance sont les maux de cette jeunesse laissée pour compte par les autorités de Dakar. Le boycott des élections sénégalaises est dans ce milieu un mot d’ordre généralisé. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs frappé la porte du maquis sans succès.
A bon droit, on ne doit pas s’étonner de cette volonté d’union sacrée des Casamançais face à un même ennemi qui est l’occupant sénégalais. Cela témoigne de l’intérêt présent, presque quotidiennement, dans le débat politique des populations du « Pays » sur la question nationale.
Indépendantistes, souverainistes, nationalistes, patriotes, les Casamançais veulent s’identifier dure comme fer à ces épithètes. Ils veulent défendre une seule option quant à leur avenir : l’Indépendance.
Les adversaires sénégalais tenteront sans aucun doute de vouloir mettre en contradiction cet élan. Il faut s’attendre donc que les arrestations et les enlèvements de civils, le renforcement des barrages routiers et des fouilles humiliantes, les assassinats sommaires pour les attribuer au MFDC, se multiplient dans les prochains jours. Faire régner la peur et la violence est le seul l’argument que connaît le Sénégal en Casamance.
La priorité des Casamançais n’est pas ailleurs. Elle est dans l’unité. La question nationale casamançaise est tenable, justifiable et justifiée. Elle portera sur notre avenir, l’avenir politique de la Casamance et personne ne devrait avoir honte ou avoir peur de soutenir ce désir de liberté et d’indépendance.