Nos confrères de Jeune Afrique ont rencontré Elie Diatta, secrétaire général de l’école de football des naufragés du Joola.
Il y a presque 10 ans, le 26 septembre 2002, le ferry Le Joola, qui assurait la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor (Casamance), chavirait au large des côtes gambiennes, provoquant la mort de près de 1 900 personnes. C’est la pire catastrophe de l’histoire maritime. Depuis, le navire gît à 20 mètres de profondeur et la justice n’a toujours pas été rendue.
Elie Diatta, ancien secrétaire général de l’association nationale des familles de victimes et rescapés du naufrage du Joola, et actuellement secrétaire général de l’école de football des naufragés du Joola, explique ce qu’il reproche au Sénégal et ce qu’il attend du nouveau gouvernement sénégalais. Elie Diatta a perdu son frère dans le drame.
Que reprochez-vous à la justice sénégalaise, qui a classé le dossier sans suite en 2003, en concluant à la seule responsabilité du commandant de bord, officiellement disparu dans le naufrage ?
Nous avons des professionnels du droit au Sénégal, mais la justice n’est pas libre ici. Les 10 ans du naufrage, c’est l’occasion pour cette justice de rouvrir le dossier et de punir les responsables. Nous pensons que la justice sénégalaise peut se rattraper, car c’est honteux.
Y a-t-il un suivi psychologique pour les familles de victimes et les rescapés ?
Le drame a engendré des traumatismes chroniques, qui réapparaissent quelques années après.
Non. C’est d’autant plus grave que le drame a engendré des traumatismes chroniques, qui réapparaissent quelques années après. Pour nous soutenir, nous essayons d’échanger avec les familles. Certains sont devenus fous, des enfants ont quitté l’école. Ils ne pouvaient plus suivre les cours, car le naufrage était constamment dans leurs têtes.
Qu’en est-il du devoir de mémoire ? Abdoulaye Wade, l’ancien président, était en train de faire construire un monument à la mémoire des victimes, sur la Corniche de Dakar. Qu’en pensez-vous ?
Nous ne concevons pas que ce monument soit érigé à Dakar, nous avons besoin d’un endroit pour nous recueillir ici en Casamance. [Il existe un petit monument à Ziguinchor, près de la gare maritime, en très mauvais état, NDLR]. La mer n’est pas un cimetière, il faut renflouer le Joola pour que nous puissions faire le deuil. Nous n’avons même pas de subventions pour entretenir le cimetière. Pour se souvenir, nous voulons aussi que le 26 septembre soit un jour férié, pour permettre à tout le monde de prier pour la mémoire des naufragés.
S’il n’y avait pas eu de Français dans le naufrage, le dossier du Joola serait totalement enterré.
Macky Sall a reçu les familles de victimes et les rescapés lors du conseil des ministres décentralisé, qui s’est tenu le 27 juin dernier à Ziguinchor. Qu’est-il ressorti de cette réunion ?
Nous avons soulevé tous les points que nous souhaitions, comme le renflouement du bateau, la réouverture du dossier, la prise en charge des familles du point de vue psycho-social ainsi que des orphelins.
Macky Sall nous a dit qu’il remobiliserait tous les partenaires européens qui voulaient renflouer l’épave. Il a déploré le fait que la justice sénégalaise n’est pas pris ses responsabilités et il souhaite relancer le dossier. Nous sommes très satisfait de cette audience.
Soutenez-vous les familles des victimes françaises ?
Oui, car le travail qu’ils abattent est extraordinaire. Nous les avons toujours soutenus. S’il n’y avait pas eu de Français dans le naufrage, le dossier serait totalement enterré. Nous espérons que Macky Sall aidera la justice française à avancer.