Casamance: Déforestation de Médina Yoro Foula dans le Fouladou : Comprendre les véritables soubassements de cette poudrière
« Un peuple fait son histoire mais subit sa géographie» Chancelier Bischmarck
Vécues toujours comme des cas de mauvaise conscience, les questions Casamançaises fussent-elles politiques, économiques ou culturelles ont toujours été suspendues aux calendes grecques faute de volonté politique ou pour inadaptation volontaire des approches par rapport aux réalités locales. Cette partie du Sénégal que d’aucuns considèrent comme un accident historique ou géographique a constitué globalement pour les quatre gouvernements qui se sont succédé dans notre pays un véritable point d’achoppement tant les populations de ce milieu sont tiraillées entre plusieurs affinités socio historiques, linguistiques et culturelles sous régionales que nos experts de tout bord n’ont jamais réussi à dénicher.
Ainsi, coincé dans ce cercle de feu, Médina Yoro Foula que beaucoup ignorent, fait partie des tout derniers départements (2008) érigés avec les retouches administratives parfois tâtonnantes de l’ex président Wade plus assoiffé d’un électorat gagnant et souvent pour assouvir des ambitions plutôt politiques.
Ce cordon vert, dernière réserve énergétique du Fouladou avec sa grande forêt de « Djimara » fait aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises, un véritable négoce pour les exploitants en parfaite connivence avec parfois des autorités locales et des réseaux de commerçant et des leaders religieux ayant les mains libres. L’exploitation anarchique de cette partie qu’il faut considérer sans exagération comme l’Amazonie du Fouladou constitue sans nul doute une des premières blessures infligées à Greenpeace, aux écolos, à l’association des amis de la nature j’en passe dont l’amitié avec la nature n’existe que par des déclarations ou des dénonciations sans suite.
Comprendre les dessous de cette poudrière en veilleuse nécessite une approche élargie, un double éclairage historico-géographique globale de la Casamance et surtout géopolitique prenant en charge :
1- La position géographique de la Casamance ou particulièrement de Kolda ;
2- L’échec de la politique de décentralisation en zone sud ;
3- La faible capacité d’organisation des populations locales et de la société civile en manque d’alternatives et de moyens face à la complexité de la situation et de l’incapacité de nos pouvoirs à mieux maîtriser les flux de réseaux qui jouent tantôt le rôle de tampon tantôt de sentinelle de la surveillance pour garantir la sécurité des puissances étrangères à l’image de la chine et de pays tels que la Gambie qui est le point de chute immédiat.
1- La position géographique de la Casamance : une véritable aberration historico-géographique :
Plus besoin de le dire, les historiens les plus circonspectes sont unanimes à reconnaitre que la Casamance est l’une des dernières poches de résistance à l’occupation coloniale allant presque de 1920 vers 1944 date de la capitulation de la reine Aline Sitoé Diatta avec l’affaire d’EFFOK (village de la région de Ziguinchor dont les habitants se sont révoltés contre l’occupant voulant tuer le colonel Français Sajous). Cette dame incarne la résistance et l’abnégation, un comportement très symbolique qu’il faudrait lire avec philosophie parce qu’ayant ses retombées sur la suite de l’histoire de toute la Casamance, faite de turbulences, d’oppositions farouches pour une justice plus équitable et un regard beaucoup plus tourné vers les populations.
Une telle césure historique constitue virtuellement le premier signe de menace pour la balkanisation de notre pays qui comme l’affirme à juste titre Sylvie Fanchette : « Jusqu’à présent, n’est pas parvenu à assurer l’intégration des populations de Casamance au sein du territoire ». Comment appréhender une telle situation?
De l’avis de l’analyste des questions politiques, Babacar Justin Ndiaye, il serait plus approprié de parler de : « rythme décalé de la pénétration, des grimaces de la géographie, le tout sur fond de mal gouvernance datant de la période postcoloniale ». En effet, cette situation concerne globalement les régions de Ziguinchor et de Kolda en l’occurrence Médina yoro Foula qui à cause de l’écran territorial de la Gambie a nécessairement plus d’affinités anglaises que Françaises (fréquentation même par certains des écoles Gambiennes, ou préférant des soins de santé à Banssang un des hôpitaux les plus équipés de la Gambie, utilisant les produits de consommation de première nécessité venant du pays de Yaya Diamé (sucre, tabac, lait, thé, huile, savon etc. ). Une telle position peut avoir deux pendants : d’abord elle est vécue par les populations comme un mépris que la géographie aurait crée les enfonçant dans une position d’enclavement par rapport au reste du pays, si les autorités compétentes n’y prennent pas garde, ensuite mathématiquement le plus proche voisin est notre premier interlocuteur puisque nous partageons les mêmes vécus.
D’un autre côté, il faut être d’un tout autre esprit pour ne pas accepter avec Mouhamadou Mbodj, coordonnateur national du forum civil l’idée que les questions Casamançaises ont toujours été conçues du point de vue des approches comme des problématiques à connotations régionales ou régionalistes et non comme des défis qui concerneraient tout bon Sénégalais. Cette perception très réductrice est de nature à complexifier la situation et à responsabiliser les seuls Casamançais comme s’ils étaient les seuls coupables et appelés à résoudre cette question.
2- Une décentralisation ratée :
Avec la pression des bailleurs et la poussée des grandes puissances dont la France préoccupée par la recherche de légitimité politique et économique en Afrique, notre pays comme la plupart de ses pairs a été vite contraint de céder certains secteurs stratégiques (éducation, économie). Ce qui marque le tournant du désengagement avec ses conséquences souvent non planifiées. Le désir de responsabiliser les populations et de leurs conférer plus de pouvoirs a précipité la naissance de la décentralisation dont les premiers germes ont vu le jour en 1972 au Sénégal.
Acculé par la menace d’une désagrégation de son tissu social général et face à la poussée de velléités identitaires qui commençaient à se manifester, le Sénégal a fait recul, tournant le dos non sans contrainte majeure à la stratégie de « l’Etat centralisateur » hérité de l’esprit colonial. En Casamance, cette transition dans un contexte assez particulier de pression à la fois interne et externe de notre pays a été vécue comme une douloureuse expérience. Dans la mesure où la décentralisation a été un processus parachuté ici voire largué, son appropriation a été du coup un échec patent (populations non préparées au processus, leaders des collectivités (conseillers et présidents de communauté rurales) non rompus aux tâches de la gouvernance locale, aux techniques de communication de proximité, sans moyens pour faire face au destin de leurs peuples).
Par conséquent, les modes de gestions des ressources locales relevaient plus de schémas individualistes pensés en toute liberté que d’une vision politique préalablement élaborée par l’Etat. Ce vide a été compensé par la naissance de réseaux clientélistes constitués le long de la frontière de Médina Yoro Foula jusque vers la zone de Bounkiling qui constitue la ligne de transit avec l’implantation de Villages satellites (Gounas) et de Loumas qui servent autant de transit que de trafic de tous produits). (Grossistes ou détaillants).
Laissés à eux-mêmes, les élus locaux ont cédé aux groupes et réseaux par un mécanisme très subtil de corruption pour l’accès aux terres et aux ressources. La stratégie d’implantation des « colons » dans le Médina Yoro Foula se prête parfaitement à ce type de schéma avec en toile de fond la création des premiers villages témoins dont celui de Médina Mandakh allant jusqu’à 2.000 âmes (S.Fanchette).
Outre ces données, il faut noter que la ruée vers Médina Yoro Foula s’explique aussi par la chute du bassin arachidier obligeant les populations de cette zone (les halpullareens) et wolofs à migrer vers la recherche de terres plus fertiles. Ce mouvement encadré par des marabouts et certains politiques explique en partie pourquoi suite à l’implantation de ces populations les premiers signes de révolte des autochtones n’ont pas pu prospérer.
D’ailleurs, pour les nouveaux venus l’argument juridique (loi sur le domaine national qui postule à peu près que le droit de propriété à une terre est astreint à sa valorisation et son occupation) constituait une béquille de plus pour conforter leur siège.
Cette vision est perçue du côté des « fouladounabés », autochtones comme un signe d’envahissement, d’où un choc de perceptions entre l’anthropologie socioculturelle qui cautionne un peu l’idée d’une parentalisation de la terre en tant que legs des ancêtres et le droit foncier.
En interrogeant aussi la géographie sociale, nous comprenons que le mode d’habitat chez les peuls est significatif du type de relation qu’ils entretiennent avec le bétail en particulier les vaches. C’est pourquoi excellant plus dans l’élevage que dans l’agriculture, conçue comme une activité complémentaire, pour les populations de cette zone la préservation de la forêt qui est le défi de premier ordre a pour finalité celle de planifier de facto la survie du bétail et de le mettre dans un environnement sécurisé, résultat de la faiblesse de la population située dans la forêt.
3- La faible capacité d’organisation des populations et de la société civile :
Visiblement, la notion d’organisation et de regroupement sans nier son existence n’a pas encore fait ses preuves au Fouladou. Celle-ci n’a rien à voir avec les relations de voisinage et l’esprit communautaire qui sont sans nul doute les piliers de la stabilité des groupes sociaux.
Mais, la quasi absence de réseaux bien structurés et dont la seule raison d’être est de défendre les intérêts locaux est cas d’école. D’un tout autre point de vue, l’idée d’une société civile forte demeure encore à l’état de latence, emprisonnée et prise en otage par le défaut de moyens et la faiblesse d’appuis ponctuels.
En agrégeant l’ensemble de ses données, on comprend pourquoi la forêt de Médina Yoro Foula demeure un gâteau exposé à l’appétit infini de puissances avides de marchés comme la Chine. Sous l’aile protectrice de nos voisins Gambiens et avec la complicité active de politiques, de réseaux religieux, de lobbys économiques les populations locales environnantes faute d’issues heureuses aux exigences familiales préfèrent brader des troncs d’arbre contre des motos venant (Lyfan, Number one, TVS, Djakarta).
Or, avec l’érection tardive de Médina Yoro Foula en département qui n’a jusque là aucun gramme de goudron, l’enclavement profite aux exploitants invisibles dans leur forfait. Les autorités de contrôle (douane, agents d’eaux et forêts et autres) n’ont pas encore les moyens de contrecarré ou de ralentir ce désastre écologique que nos populations vivent chaque jour avec le plus grand mépris.
Il est donc à craindre qu’avec l’infiltration de grands commerçants (gros porteurs de camions) qui s’activent de plus en plus au trafic de charbon et de bois vers Kaolack et Dakar le tout dernier joyau vert des Koldois deviendra un désert à ciel ouvert.
« Malheur et honte à ceux qui pensent que par une politique de prédation et de lapidation des ressources publiques à travers des mécanismes frauduleux, ils s’enrichiront ».
« Malheur à ceux qui pensent que par une utilisation abusive des ressources publiques à des fins personnelles, par le complot d’esprits qui se croiraient malins, ils participent au développement de leur nation ».
« La véritable citoyenneté est de prendre conscience que la terre a été attribué à toute l’humanité
et non à une portion congrue d’individus, ou à une génération qui n’est que poussière vue la population mondiale et l’évolution démographique, que nous avons l’impérieux devoir de réserver comme le fait présentement le peuple Américain une partie de nos ressources aux futures générations pour ne pas donner un coup de fouet à la continuité de la vie ».
Ghansou Diambang, Sociologue et travailleur Social / -Koldanew-