Casamance: Fin tragique du cessez-le-feu décrété par Salif Sadio
Dimanche 27 avril 2014, Salif Sadio avait déclaré dans une interview amplement relayée par les medias nationaux et internationaux avoir décidé d’observer « un cessez le feu » unilatéral pour favoriser les négociations qu’il est entrain de mener avec l’Etat du Sénégal sous la médiation de la communauté de Sant Egidio. Cette annonce n’a fait que long feu car peu de jours après le jeudi 8 et vendredi 9 mai il ya eu des combats avec mort d’hommes entre les éléments de Salif Sadio et ceux de l’armée sénégalaise dans l’arrondissement de Sindian.
Un cessez le feu unilatéral et dont seuls les signataires connaissent les clauses
Salif Sadio avait fait comprendre que « son cessez le feu unilatéral » est une preuve de respect des engagements et clauses signés à Sant’Egidio, à Rome, en février 2014 entre ses émissaires et ceux du Président Macky Sall dans le cadre des négociations pour le retour d’une paix durable en Casamance.
Et pour vanter ou mieux convaincre l’opinion, de la qualité de « son cessez le feu », Salif Sadio avait annoncé avoir « reçu une copie du document renfermant les clauses signées et que désormais lui et ses mandataires peuvent circuler librement ».
Du cessez le feu sporadique au retour des combats
C’est pourtant sur la base de sa déclaration que quatre de ses éléments en civile et sans armes ont pris l’initiative de se promener « librement » au sein de certaines localités dans le Sindian… interpelés par les forces de sécurité, ils n’ont pas voulu obtempérer ; il s’en est suivi une fusillade qui a couté la vie à un de ses combattants et un autre grièvement blessé.
En guise de revanche, les éléments de Salif Sadio à leur tour se sont attaqués à l’armée. il s’en est résulté un affrontement qui a duré plusieurs heures et ayant occasionné des victimes de part et d’autre provoquant du même coup la fin du « cessez le feu » unilatéral.
Le peuple a marre de la guerre…
La crise n’a que trop durée. Les casamançais ont assez de cette guerre. Ils ne veulent plus entendre les détonations des kalachnikovs et autres armes lourdes. Le peuple veut connaître une vie paisible et c’est pourquoi il ne veut pas d’une paix bricolée et des cessez le feu sans effet.
…et ne veut plus d’annonce de paix sans effet.
Et pourtant, Salif avait annoncé que leurs deux délégations s’étaient entendues sur le contenu d’un document relatif « aux mesures de confiance mutuelle et où elles s’engagent à tenir un comportement qui puisse favoriser les négociations pour le retour de la paix en Casamance et réduire les souffrances des populations».
Ainsi pour une bonne partie de l’opinion, une telle déclaration provenant de Salif Sadio, ce chef rebelle qu’on a toujours mythifié et qualifié de redoutable et de radical, d’indépendantiste pur et dur avait suscité un gros espoir. Sa décision ainsi que sa démarche unilatérale ont été positivement appréciées et aveuglément applaudies par une bonne frange de la population avide de paix et de stabilité… C’était compréhensible.
Pour ma part j’ai envie de demander à Salif Sadio et Sant Egidio la nature des accords qu’ils ont signé à Rome. S’agit –il d’un « accord de cessez le feu » ou d’un « accord d’attisez le feu » ? En tout cas pour les populations c’est « un cessez la guerre et faisons la paix » qui est vivement souhaité.
Les populations sont –elles des « otages » de la volonté des belligérants ?
En effet, quelques jours après cette annonce de Salif Sadio, il est triste de constater que tout le gros espoir qu’avaient les populations pour un retour à la paix s’est fondu, laissant la place à la peur, la panique et l’incertitude avec des affrontements à l’arme lourde qui ont contribué à réveiller la psychose de la guerre auprès de ces mêmes populations qui aujourd’hui sont entrain de se poser d’innombrables questions sur leur devenir sans jamais obtenir la moindre réponse. Quand est ce que seront t-elles délivrées de cette stressante et ennuyante atmosphère de ni paix et de ni guerre qui prévaut en Casamance ?
… Et tous sont favorables à une paix durable, négociée dans l’unité, la vérité et la sincérité.
Salif Sadio doit faire preuve de beaucoup plus d’humilité et doit comprendre que quelle que soit sa « puissance »,il demeure malgré tout, trop petit et ne peut à lui seul négocier quelque chose de sincère et de durable au nom du MFDC et pour toute la Casamance. La Casamance n’est pas sa propriété exclusive, elle n’est pas son bien. C’est une terre qui appartient à tout un ensemble de communautés et dont chacune a son mot à dire sur le devenir ou sa pierre à apporter dans le cadre de la reconstruction de la paix.
C’était vraiment absurde de croire que le seul Salif Sadio malgré tous les attributs et pouvoirs qu’il s’est arrogé pourrait par je ne sais quel miracle faire revenir à lui seul la paix en Casamance. C’est trop prétentieux de sa part.
Cela est aussi valable pour Sant’Egidio qui à son tour doit ouvrir grandement les yeux et comprendre que la société sénégalaise et casamançaise en particulier, renferme ses spécificités et qu’il leur serait impossible à eux seuls d’arriver à une paix durable en Casamance, à travers des négociations avec une seule faction. Une paix durable, c’est un très délicat travail qui nécessite l’implication de tous les acteurs et à tous les niveaux.
Tous les observateurs avertis et Sant’Egidio avec eux, savaient pertinemment qu’un cessez le feu unilatéral ne saurait prospérer.
La prouesse de la médiation de Sant’Egidio…
De toutes les façons, l’histoire retiendra que Sant’Egidio aura été le médiateur ayant obtenu de Salif Sadio le « cessez le feu unilatéral » le plus éphémère pour le moment de l’histoire de la crise casamançaise.
René Capain Bassène : Observateur du conflit en Casamance, journaliste et auteur du 1er livre sur l’abbé Augustin Diamacoune Senghor