Selon René Capain Bassène journaliste et observateur de la crise en Casamance, le processus de paix en 2014 n’a connu aucune avancée pour cause :

–          une absence d’engagement politique ferme  de la part des autorités du Sénégal qui se traduit par une absence de vision et un manque de contenu à donner au processus de négociations

–           des échecs de toutes les initiatives des messieurs Casamance aussi bien nationaux qu’étrangers

–          une multitude d’activités de recherche de paix sans effet ni impact dans le processus

–          une pléthore de négociateurs évoluant dans une totale anarchie sur le terrain.

Interview exclusive réalisée par le Journal du Pays.

René Capain Bassène, nous sommes à la fin de l’année 2014, pouvez-vous nous donner votre lecture de l’avancée du processus de paix en Casamance ?

Je ne crois pas que pour ce qui se passe en Casamance concernant la résolution de la crise on puisse parler de processus de paix. C’est plutôt des activités ponctuelles menées par certains acteurs dans le but de tenter de résoudre une crise bien précise. C’est souvent des interventions « événementielles » qui n’ont rien à avoir avec un processus de paix qui  à mon modeste avis est un ensemble d’activités bien planifiées et qui comportent  un « avant », un « pendant » et un « après » bien agencées et qui aboutiraient à amener les parties en guerre à se retrouver autour d’une table de négociation.

Si on vous comprend bien, vous semblez dire qu’il n’existe pas de processus de paix en Casamance.

C’est bien ce que je viens de dire en soutenant qu’on ne peut pas parler de processus de paix en Casamance. Il y avait juste des déclarations d’intentions fortement médiatisées de la part de l’Etat du Sénégal et des différentes factions politiques et combattantes du MFDC  qui avaient manifesté leur volonté de se retrouver autour d’une table de négociation afin de trouver une issue heureuse au conflit. Hélas ces annonces qui avaient suscité un vif espoir et un grand engouement au niveau de l’opinion  sont entrain de fondre comme du beur au soleil parce que rien de concret n’est noté sur le terrain.

Qu’est ce qui selon vous est à l’origine de cette désillusion des populations ?

Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer dont entre autres : le manque de vision des autorités sénégalaises, l’absence de contenu à donner au processus de paix, la division du MFDC en plusieurs factions rivales, mais surtout la multiplicité des acteurs de paix qui évoluent dans une totale anarchie sur le terrain.

Qu’est ce que vous insinuez par manque de vision de la part des autorités du Sénégal ?

Dés le moment où le MFDC dans son ensemble s’est dit favorable au dialogue,  il appartenait à nos autorités de définir une vision pour y parvenir. C’est à elles que revenait la charge de tracer les grandes orientations que devait épouser le processus de négociations et de s’évertuer à trouver les moyens nécessaires à cet effet et également de se fixer un échéancier du fait qu’elles dirigent le pays pour un temps bien déterminé. C’est cet engament politique des autorités qui a manqué. En lieu et place, le gouvernement a préféré confier cette mission de recherche de la paix à des individus ou à des groupes d’individus à qui il n’est soumis aucun cahier de charge sans doute à cause du fait que ces acteurs choisis sont considérés comme des spécialistes en recherche de paix ou qu’ils se sont autoproclamés comme tels.

Vous voulez dire que ces acteurs choisis par l’Etat ne sont pas à la hauteur ?

Je ne l’ai pas dit. Mais le fait que l’Etat ait  choisi  de s’appuyer  sur plusieurs acteurs à la fois pour un même objectif me semble inefficace surtout que ces derniers évoluent dans une totale anarchie sur le terrain. Figurez vous que ces chargés de recherche de la paix se livrent une sorte de concurrence, cherchant chacun à paraitre le meilleur aux yeux de l’opinion et du MFDC; alors qu’ils devraient s’organiser et évoluer de façon complémentaire.

Certains d’entre aux sont parvenus  tant bien que mal à se tailler leur faction combattante  qu’ils considèrent comme des chasses gardées et auprès des quelles ils sont les seuls à pouvoir accéder et dialoguer. Malheureusement leurs  nombreuses initiatives se sont souvent soldés par un échec total pour ce qui concerne le dialogue avec les combattants ou qu’ils sont sans impact réel sur la fin de la guerre en Casamance.

Et aussi bien les messieurs Casamance nationaux qu’internationaux, ils ont pour dénominateur commun en 2014 l’échec dans toutes leurs tentatives unilatérales de recherche de la paix en Casamance.

 Pouvez-vous à travers des faits ou des exemples concrets étayer vos propos ?

Bien, je m’en vais citer  ces quelques faits :

Pour ce qui concerne les négociations directes avec les combattants il y a :

–          l’échec des négociations par le Cardinal Théodore Adrien Sarr  et Robert Sagna face au refus catégorique de César d’autoriser la  construction des pistes de production ainsi que la reprise ou poursuite du déminage humanitaire en Casamance.

–          le cessez le feu trop éphémère obtenu par la communauté Sant Egidio et l’amiral  Farba Sarr avec Salif Sadio et qui s’est terminé dans le sang quinze jours après son annonce à grande pompe dans la presse.

–          les nombreux séminaires stériles organisés à Sao Domingo par le comorien Ahmed Said et son groupe avec les factions d’Ibrahima Compass Diatta et Ansoumana Lamarana Sambou.

Et pour ce qui concerne les activités sans impacts sur comment relancer les négociations, je citerai pèle mêle  l’organisation de rencontres ; de marches suivis de remises de mémorandum aux gouverneurs, préfets, sous préfets, de tournés de sensibilisation régionales, nationales et internationales, de cérémonies de prières  traditionnelles, de récitals de coran, de messes et autres forme de priere dans les églises… en faveurs de la paix.  ces activités menées essentiellement par les groupes d’acteurs qui n’ont pas accès aux maquis comme la plate forme des femmes, Usoforal, la convention des étudiants, le groupe de Amsatou Sow Sidibé, le mouvement M3K n’ont en réalité aucun impact direct sur le retour de la paix contrairement à ce que soutiennent leurs promoteurs. C’est juste des événements fortement médiatisés et dont l’effet disparait aussitôt après annonce dans la presse.

Je précise à ce niveau qu’aucun de tous ces acteurs n’est de façon directe ou indirect l’auteur de l’accalmie qui prévaut en Casamance. Aucun d’entre eux à l’exception de la tentative échouée de Sant Egidio n’est parvenu à signer ou faire signer un accord de cessez le feu. Je suis souvent surpris d’entendre des gens dire que nous avons contribué à l’obtention de la relative accalmie qui prévaut en Casamance. Ce sont des contre vérités, des fausses déclarations pour faire croire à l’opinion mais surtout à leurs bailleurs qu’ils sont entrain d’enregistrer de bons résultats sur le terrain. Ces acteurs ont réussi à cacher leurs échecs à travers une bonne campagne de communication. Demandez leur quelle est la zone qu’ils ont pacifié et comment y sont –ils arrivés ?

La vérité est que cette relative accalmie provient d’une volonté du MFDC et de l’Etat de manifester leur engagement à négocier. Et pour cela chaque partie est obligée d’adopter une attitude pacifique pour ne pas que l’opinion la traite  de manque de sincérité. Ce n’est encore une fois l’œuvre d’aucun acteur, mais c’est une situation qui s’est imposée au vu des différentes déclarations d’intentions de la part des belligérants.

Cela dit, il n’a été noté rien de spécial en cette année 2014,  par rapport au retour de la paix en Casamance sinon que l’accalmie relative qui y règne depuis quelques année a fini par convaincre certaines populations déplacées et refugiées à retourner au bercail et à essayer de développer des activités leur permettant de retrouver une vie quasi normale comparée à celle d’avant leur départ en exile.

Vos propositions pour arriver à relancer le processus de paix en 2015 ?

Elles  ne sont pas spéciales. Je demanderai humblement  aux hautes autorités sénégalaises de reprendre en main la question de la relance du processus de paix ou à défaut de mieux organiser la pléthore des messieurs et mesdames Casamance pour arriver à une synergie d’activités afin de pouvoir de façon harmonieuse et coordonnée booster le processus pour arriver à une paix sincère en Casamance.

Votre dernier mot monsieur Bassène.

Pour cette fois ci ma conclusion n’aura aucun rapport avec le sujet de l’interview. Vous me permettrez de remercier tous ceux qui trouvent un plaisir à lire mes modestes contributions sur le processus de paix et sur la crise casamançaise de manière générale. Je profite de l’occasion pour présenter à tous mes vœux les plus sincères. De tout mon cœur, je souhaite santé, bonheur, prospérité et succès a tous. Qu’ensemble l’année 2015 nous soit douce et légère.

ARDiallo