SEPT ANS APRES SON RAPPEL A DIEU (13 JANVIER 2007- 13 JANVIER 2014) QU’EN EST –IL DE L’HERITAGE DE L’ABBE DIAMACOUNE ?
Sept ans après sa mort, nous avons essayé de jeter un regard sur l’héritage de l’abbé Diamacoune auprès du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance en interrogeant Monsieur René Capain BASSENE observateur de la crise casamançaise et auteur du premier livre sur sa personne.
Monsieur René Capain BASSENE, cela fait exactement sept ans jour pour jour que nous a quitté l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Pour vous qui l’avez fréquenté et qui avez publié un livre intitulé « l’abbé Augustin Diamacoune Senghor par lui même et par ceux qui l’ont connu » si on vous demandait ce qu’est devenu l’héritage de l’abbé Diamacoune Senghor au sein du MFDC que nous répondriez vous ?
Je vous remercie. Mais avant de tenter de donner mon humble et très modeste avis en guise de réponse à votre question, je tiens à m’incliner sur la mémoire de ce grand homme qu’était l’abbé Augustin Diamacoune et prier que le Bon Dieu le reçoive dans son paradis.
Pour revenir à votre question, je préfère au risque de vous décevoir essayer de me prononcer sur un seul aspect de sa vie, mais que je juge très important et qui aurait pu être le principal héritage de l’abbé aux différents leaders du MFDC : c’est sa grande humilité et son attachement aux valeurs culturelles et ancestrales casamançaises malgré qu’il était un prêtre catholique.
Pouvez-vous Monsieur Bassène être un peu plus claire dans votre réponse en expliquant ce que vous voulez dire par l’attachement de l’abbé Diamacoune aux valeurs culturelles et ancestrales casamançaises comme héritage ?
Bien, j’ai choisi d’évoquer ce point parce qu’il est en en phase avec l’actualité. Aujourd’hui, tous les observateurs sont unanimes que nous sommes en face d’un Mouvement comportant plusieurs factions rivales, avec un MFDC divisé au niveau de son aile politique extérieure, morcelé au niveau de son aile politique intérieure et déchiré au niveau d’Atika son aile combattante. A l’origine de cette situation, une farouche querelle de positionnement et de leadership qui dans son aile combattante à abouti à une horrible guerre fratricide.
Chaque faction cherchant à imposer son leader tantôt comme chef d’état major général, tantôt comme secrétaire général et dans certains cas les dirigeants des factions n’hésitent pas à s’arroger de ces deux titres à la fois. On assiste ainsi impuissant à des querelles de leadership sans réel fondement, avec des auto-nominations ou des titres octroyés sur aucune base et tout cela en totale contradiction avec les textes qui régissent ce mouvement dont un des articles stipule que seul un Secrétaire Général élu peut nommer un chef d’Etat major. Ils en sont tous conscients mais semblent faire ce qu’ils veulent et ce pour des raisons dont ils sont les seuls à maitriser.
Ce qui est étonnant est que pour tous ces acteurs, l’histoire est encore très récente et beaucoup d’entre eux sont contemporains de l’abbé Diamacoune. Par conséquent, ils connaissent tous les valeurs qu’incarnait cet homme pourtant considéré par l’opinion et par eux mêmes comme le leader charismatique du MFDC.
Même s’il n’est pas le fondateur du MFDC et particulièrement l’instigateur de la rébellion armée en Casamance, l’Abbé Diamacoune demeure celui qui de par ses écrits et ses discours a été le premier a oser publiquement réclamer l’indépendance de la Casamance. Nkrumah Sané témoigne dans une de mes interviews avec lui et je le cite :
« J’ai connu l’abbé Diamacoune le 8 avril 1982. Il est pour moi l’homme qui a réveillé le MFDC même s’il n’en était pas le père fondateur. Il était le premier héritier du MFDC que nos aînés et qui sont les pères fondateurs nous ont légué. L’abbé Diamacoune était le seul casamançais authentique comme il aimait le dire qui a eu le courage de braver toute la peur du monde pour réveiller le MFDC et donc l’Abbé Diamacoune est un tout pour moi comme la Casamance l’est et je n’arrêterai jamais de le remercier de tout mon cœur et j’avais pris l’engagement de son vivant avant qu’il ne nous quitte que ses vœux sur la Casamance seront complètement exaucés à savoir la libération totale de la Casamance » fin de citation.
Ceux qui ont bougé le 26 décembre 1982 pour réclamer à leur manière l’indépendance de la Casamance s’étaient largement inspirés des écrits de l’abbé qui dés 1978 avait adressé du village de Hilol dans le département de Bignona une lettre au président Léopold Sédar Senghor pour lui réclamer l’indépendance de la Casamance.
Mais bien qu’étant devenu par la force des choses le théoricien de la revendication du MFDC, et qu’il soit resté jusqu’à sa mort le leader charismatique de la rébellion, jamais je dis bien jamais et j’insiste sur ce JAMAIS l’abbé Diamacoune ne s’est autoproclamé a un quelconque poste de responsabilité ou de commandement au sein du MFDC. Tous les titres et responsabilités qu’il assumait lui ont été conférés sans qu’il ne fasse un quelconque lobbying. Il était un homme très humble, un homme qui n’aimait pas les honneurs et la gloire.
Quand je lui demandé comment monsieur l’abbé êtes vous devenu chef de la rébellion ; il me répondait invariablement, « je ne suis pas un chef, ils m’ont donné des responsabilités et je fais tout de mon possible pour les assumer au mieux de moi, chez nous en Casamance les postes de responsabilités ne se tiraillent pas. En casamance, la royauté ne s’arrache pas, le titre de chef de fétiche ou de village ne se tiraillent pas on les donne à ce que le peuple aura choisi et jugé apte a les assumer. Le plus souvent, certaines personnes s’exilaient pour ne pas être choisis ». C’est pour dire que Diamacoune vivait tous ces titres comme une lourde charge et me disait a chaque fois, « il faut priez pour moi pour que la Casamance de demain ne pleure pas a cause de moi ».
Cela dit voici pour moi un discours et un comportement qui devrait être le principal lègue de Diamacoune à l’ensemble du MFDC qui de nos jours est devenu un mouvement totalement divisé avec trois chefs d’état major et plusieurs prétendants au titre de secrétaire général qui se livrent une rude bataille de leadership.
C’est essentiellement cette course aux titres et aux honneurs qui fait que depuis la mort de l’abbé Diamacoune Senghor, le mouvement ne parvient toujours pas à trouver un secrétaire général et un chef d’état major.
Quel serait donc votre message à l’ endroit de tous ceux que vous qualifier de prétendant aux honneurs, au MFDC et aux autorités sénégalaises ? ?
A ceux qui se battent pour des titres : C’est juste leur dire de réécouter et d’analyser dans leur conscience ces paroles de l’abbé : « le pouvoir ne s’arrache pas, il se donne et le plus souvent pour refuser d’être choisis, certains préféraient s’exiler parce que ce n’est pas facile d’être responsable et cela d’autant plus s’il s’agit d’être chef d’un mouvement de libération armée ».
Au MFDC : je rappelle que le peuple a soif de paix. Trente ans de guerre c’est trop et c’est vieux. Les casamançais sont lassés de la situation de ni guerre ni paix qu’ils sont entrain de vivre. Je lance un appel a l’unité du MFDC dans son ensemble autour de l’essentiel, c’est-à-dire une unité qui leur permettrait de parler d’une seule et de se choisir un ou des interlocuteurs qui vont négocier avec le gouvernement sénégalais. Qu’ils arrêtent de prendre en otage les populations casamançaises de par leurs nombreuses factions rivales. Et qu’ils comprennent que l’héritage de Diamacoune ce n’est pas uniquement la revendication de l’indépendance de la Casamance, mais c’est également l’intégration dans leur vécu quotidien de certaines valeurs qu’il incarnait et que j’ai citées plus haut : l’humilité et l’attachement aux valeurs traditionnelles dont ils devraient s’en référer et les intégrer dans leur vie…
Aux autorités du Sénégal : l’abbé Diamacoune était tres peiné quand dans les dernières années de son existence, le mouvement a commencé à exploser en plusieurs factions. C’est ainsi que jusqu’à sa mort il s’est toujours battu pour l’unité du MFDC et pour le retour de la paix en Casamance. Il faut donc aider à perpétuer cela. Pour ma part, je demeure convaincu que l’unité du mouvement demeure le seul préalable à des négociations sérieuses et que les négociations partielles ou séparées telles qu’elles sont pratiquées sur le terrain n’auront pas le succès recherché. Je suggère d’étudier les voies et moyens d’aider à l’unification rapide du MFDC puisque toutes les factions sont favorables et disposées a cet effet.
Votre mot de la fin
Juste une prière à l’endroit de tous les acteurs impliqués dans la recherche de la paix en Casamance. Qu’ils s’unissent et donnent de leur mieux sans souci de recherche d’honneur ni de gloire, mais au nom de la paix pour aider le MFDC à s’unir. Ce n’est pas impossible et c’est à mon tres humble avis encore une fois, la voie la plus fiable pour arriver à une relance du processus de paix.
ARDiallo