Casamance: Enquête: expropriation, spoliation et occupation illicite des terres refont surface
Il se passe en Casamance un nouveau phénomène d’occupation , de spoliation ou d’expropriation des terres des paysans au profit de certaines « autorités » le plus souvent d’origine casamançaises , mais qui agissent sous le couvert de gros bailleurs de fonds européens ou provenant du nord du Sénégal.
C’est le cas au niveau des villages d’Effissao dans la commune de Loudia Wolof ,dans la commune de Boutoupa Camaracounda et Niaguis et à l’intérieur même de la ville de Ziguinchor.
Le Journal du Pays a effectué une grande enquête sur cette problématique source ce dont voici la première partie.
EFFISSAO MENACE DE DISPARUTION PARCE QUE VICTIME DE SA POSITION GEOGRAPHIQUE
Effissao, un tout petit village de la commune de Loudia wolof est menace de disparition non par le fait des conséquences du réchauffement climatique, mais par la détermination de certains individus qui ayant des projets de construction d’hôtel en façade de la mer et de ferme agricole se sont vus octroyer par la commission domaniale de la commune de Loudia wolof toute les terres cultivables.
Face à la volonté des habitants d’Effissao d’exploiter leurs terres en cette période d’hivernage, il s’en est suivi des batailles rangées entre eux et les partisans des nouveaux propriétaires sanctionnées par des blessées graves dont certains ont été évacués à l’hôpital régional de Ziguinchor.
Depuis plusieurs années, les habitants d’Effissao sont vainement entrain de se battre pour essayer de récupérer leurs terres des mains de nouveaux propriétaires originaires des villages voisins, mais détenant des documents administratifs attestant que c’est désormais leur propriété privée.
Le premier individu à exproprier les populations d’Effissao de leur terre est monsieur Pascal Kotimagne Manga. Ce dernier a usé de son influence du temps où il était député et président du conseil régional de Ziguinchor pour se faire affecter par le président de la communauté rurale de Loudia Wolof qui n’était rien d’autre que son lieutenant politique toute la partie sud du petit village d’Effissao faisant face à la mer. Pascal Kotimagne Manga s’est vu octroyer dix (10) hectares de terres pour ses activités privées.
Témoignages recueillis sur le terrain :
« Ici on est traité comme des étrangers ; les villages voisins nous surnommes « ba mandingabou » et de plus en plus on cherche à nos exproprier de terres. Et pourtant nous refusons d’être considéré comme des étrangers même si d’après l’histoire c’est les diola qui ont cédé a nos aïeuls les terres où nous habitons aujourd’hui. Ils ne les avaient pas conquéries par les armes, ils ne les avaient pas volées ; ils ne les avaient pas achetées ou obtenues frauduleusement. Ces terres leurs ont été cédées.
Mon arrière grand père fait partie des fondateurs de ce village d’Effissao. C’est ici qu’est né mon grand père en 1896, il était le dernier de la famille. Vous voyez donc que ce n’est pas quelque chose de récent. Beaucoup d’entre nous sommes nés ici et tous nous avons perdu le lien avec nos origines. Nous nous considérerons comme des fils de la Casamance en entier. Nombreux sont les habitants de ce village dont les mamans sont des diola. Il y en a même dont les mamans sont issues de la famille royale de Loudia Diola. Parmi nous, sont nombreux ceux qui sont allés au bois sacré. Il y en a des « assampoul » qui ont été au boukout des diola. Alors pourquoi tout d’un coup vouloir faire de nous des étrangers. Où irons-nous si on nous fait quitter d’ici ? Nous sommes des Casamançais et qu’on arrête ces histoires de terres qui appartiennent à leurs aïeux. Ils ne maitrisent rien du comment nos aïeuls sont venus jusqu’ici. Il faut arrêter ce débat qui consiste à évoquer des générations qui ont disparues il y a plusieurs siècles sans laisser d’écrits. Pendant plus d’un siècle nos parents et les leurs ont vécu dans la paix et l’harmonie. Jamais il n’a été signalé une guerre entre Effissao et Loudia ou Kagnoute pour un problème de terres comme on nous le raconte entre certains villages frontaliers en Casamance. Je suis devenu vieux et j’ai très mal de vivre de pareilles situations. S’ils récupèrent toutes nos terres cultivables que deviendrons nous alors que nous avons comme principale activité l’agriculture ».
« On est souvent pris au dépourvu. Les décisions se prennent à Loudia. La commission domaniale ne prend pas le soin de descendre sur le terrain. C’est tout d’un coup que nous voyons des gens se présenter à nous avec des documents dûment signés par le président de communauté rurale et qui nous informent qu’ils sont les nouveaux propriétaires de terres que depuis plus d’un siècle nous sommes entrain d’exploiter et grâce auxquelles plusieurs générations ont vécu ici ».
« Pascal Kotimagne Magne Manga nous prend pour des gens qui ne réfléchissent pas. Il s’est fait faire un document frauduleux signé par le défunt président de communauté rurale lui affectant les dix hectares de terres en façade de la mer. Au début nous avions baissé les bras croyant qu’il disposait d’un bon document. Mais à la suite d’une plainte et de nombreuses enquêtes nous avons découvert son jeu. En effet, il a utilisé le procès verbal de l’affectation de deux (2) hectares de terres sur demande du commandant de la zone militaire numéro 5 pour extension de la base navale d’Elinkine pour y greffer sa demande. En claire, il a repris le procès verbal et y a ajouté : « et de plusieurs autres demandes ».
« Nous avons les preuves de ce que nous sommes entrain de vous dire. Dans le registre qui se trouve à Loudia Wolof il est clairement mentionné a peu prés ceci: « demande d’affectation de terre formulée par le Colonel commandant la zone militaire N°5 pour l’extension de la base d’Elinkine portant sur 2 ha. La commission s’était réunie à Elinkine, en présence du chef de village d’Elinkine et de quelques sages de ce même village. La lecture du rapport de la commission domaniale prouve que la commission s’est rendue uniquement à Elinkine. Et que nulle part il n’a été mentionné qu’elle s’est rendue à Effissao. D’ailleurs si les membres de la commission étaient arrivés chez nous on serait tenu informé. Pascal Kotimagne Manga nous a donc opposé un document frauduleux et même s’il est parvenu à le modifier ; le Procès verbal de l’affectation des 2 hectares à l’armée saura nous départager. Nous espérons que l’armée en détient une copie et saura nous dire si il y figure la mention « et de plusieurs autres demandes ». C’est même très grave ce qu’il a fait. Nous lui sortirons un jour tout cela. Il a modifié le document de l’affectation de terre à l’armée pour y intégrer son cas en utilisant des termes très subtiles ».
« Comment Pascal Kotimagne à lui seul veut-il occuper dix hectares de terres dans un village où il n’a absolument rien ? J’ai appris qu’il a dit que ces terres appartiennent à sa maman. Elle est propriétaire de tous ses dix hectares jusqu’au lieu même où se trouvent certaines sites sacrés tels que l’endroit où se trouve le bois sacré du village. Cette histoire me fait rigoler. Pascal Kotimagne est certes devenu une autorité ce qui lui a permis d’avoir des documents pour revenir arracher nos terres, mais je crois qu’il connait mal son histoire ou qu’il croit que nous ne connaissons pas son histoire.
S’il est un vrai diola, il doit savoir qu’une femme en milieu diola n’a jamais eu de terre. Elle n’hérite pas de terre. Qu’il nous dise de qui sa maman a –t-elle héritée de cette immense terre dont il réclame la paternité ? Et pourquoi ses demi-frères n’ont pas fait la même chose jusqu’à leur mort alors que contrairement à lui, ils ont vecu toute leur existence à Effissao ?
« Si Pascal nous traite d’étrangers, c’est parce qu’il ignore beaucoup de choses. Je ne vais pas entrer dans les détails pour le moment. Je veux juste lui poser ces questions. Qu’il nous dise pourquoi il est né à Canchuncu en Guinée Bissau ? Pourquoi il a grandi à Kagnoute et non a Effissao ? Pourquoi en ses débuts en politique, il a été traité d’étrangers par les diola ? Pourquoi ses demi-frères du côte maternel ; sont de nom de familles de Sow et non Senghor et enfin pourquoi sa maman a-t-elle été enterrée à Effisao faisant du cimetière de ce village musulman un cimetière mixte ? Sil n’a pas la réponse à toute ces questions nous lui renvoyons au village de Santhiaba Wolof auprès de la famille du défunt Zacharia Khorssa Diallo. Il peut aussi demander au niveau de son village d’ « origine ». J’espère qu’après une telle recherche, il comprendra qu’il est mal placé pour nous traiter d’étranger, jusqu’à vouloir nous arracher nos terres ».
« Pascal se revendique d’une maison à Effissao. Sait-elle comment après avoir divorcée avec monsieur Omar Sow, sa maman a –t-elle eu ce lopin de terre où est construite cette maison familiale dont il veut croire qu’elle lui appartient ? Sait –il pourquoi sa maman a divorcée ? Il ne faut pas qu’il pousse les gens à parler de lui. Nos parents nous ont tout raconté. Qu’il nous laisse de grâce continuer à exploiter nos terres. Il a un salaire et une maison à Dakar. Nous n’avons rien d’autre que ces terres pour pouvoir vivre. Nous supplions de tout cœur monsieur Pascal Kotimagne Manga de se retirer et de nous laisser cultiver les terres qui ont nourri nos ancêtres, qui sont entrain de nous nourrir et qui nourrirons nos enfants. C’est un cri de cœur que je lance à son endroit. Qu’il déchire son document frauduleux et qu’il cesse de déclarer que ces dix hectares appartiennent à sa maman. Ce n’est pas vrai. On ne cherche pas à lui faire du chantage, mais s’il nous pousse à bout, nous lui enseignerons sa propre histoire ».
Le second expropriateur se nomme Abass Bassène. Il réclame une affectation de 30 hectares de terres soit toute la partie nord du village d’Effissao. Face a l’opposition des villageois, il y a eu plusieurs tentatives de règlement du problème auprès des autorités locales et administratives. Mais il s’obstine à exproprier les populations et a menacé devant les autorités de s’attaquer à tout un chacun qui tentera d’exploiter une parcelle de terre se trouvant « dans son domaine ». Il a effectivement mis en application sa menace. Le 8 août 2016, pendant que les paysans de Effissao s’affairaient à nettoyer leurs champs pour y cultiver des arachides. Abass Bassène à la tête d’une meute essentiellement composée de jeunes sont descendus sur les lieux. Ils étaient armés de barre de fer, de gourdins, de fusils de chasse, et de coupe-coupes. Ils ont encerclé ceux qui étaient entrain de travailler, les ont arrêtés et sauvagement battus. Le nommé Aladji Kanté a été grièvement blessé par des coups de coupe-coupes au niveau de la tête, de l’épaule ; du bras et du pied. Il a été évacué d’urgence vers l’hôpital régional de Ziguinchor d’où après deux jours de soins, il lui a été délivré un certificat médical de 21 jours de repos. Ce dernier a porté plaintes au niveau de la gendarmerie d’Oussouye, mais des gens ont intervenu pour que soit réglé ce problème à l’amiable.
« Tout comme Pascal Kotimagne, Abass Bassène nous traite d’étrangers. Nous voulons lui demander de nous dire d’où lui provient son prénom Abass. Il n’est pas authentiquement diola. De nous dire s’il sait pourquoi son Papa porte le prénom de Bidjé qui n’a rien de diola. Qu’il se rapproche des habitants d’Effissao pour savoir comment son père est venu avec son troupeau s’installer à Effissao ? Enfin qu’il cherche à savoir pourquoi lors de la cérémonie du Boukout, quand il s’agissait de vider du vin auprès du fétiche, et que son papa parce que faisant parti des plus anciens s’était proposé de le faire, les sages se sont opposés. J’étais présent quand les vieux ont dit : « Bidje ne peut pas verser du vin auprès de ce fétiche. C’est un étranger ». J’espère que Abass s’en rappelle encore. Maintenant qui de nous est étranger ? Ils utilisent leur position sociale et leurs relations pour nous exproprier de nos terres. Comment une seule personne peut- elle hériter de 30 hectares pour ses activités privées ?
Les autorités locales, administratives et les forces de sécurité sont interpellées. Elles doivent chacun jouer son rôle dans la résolution de cette affaire. Ce n’est pas la première fois qu’un incident se produit dans les terres occupées d’Effissao. En juin et juillet de cette année, les populations de Effissao et les souteneurs de Abass Bassène ont failli entrer en guerre. Le problème a été réglé à l’amiable sans trouver de solutions durable. De nos jours les terres sont déclarées inexploitables jusqu’à ce que soit réglé le problème. Cela veut dire que les populations vont rester sans cultiver et mourir de faim le temps que soit résolu ce problème. Ventre affamé n’a point d’oreille. Si rien n’est fait, il y aura une guerre et des dizaines de morts dans cette zone.
C’est bien dommage que des soient disant fils de la Casamance parce qu’ils occupent un certain rang social, reviennent spolier les terres de leurs frères pour y développer des activités privées. Nous demandons a Pascal Kotimagne Manga, à Abass Bassene et leurs complices et souteneurs de ne pas rallumer le feu en Casamance. Le conflit en Casamance est en partie engendré par ce genre de comportement. Si les autorités ne peuvent pas régler ce problème, le dossier sera remis au Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance pour rendre vérité et justice.
Le prochain article portera sur l’expropriation des terres dans la commune de Ziguinchor.
Essonor/Kondiarama
Zeus
c’est inadmissible de laisser des businessmans de voler les terres des pauvres. ne touche pas à ma terre!