Entamé depuis le dernier trimestre de l’année 2014, le processus de réunification des différentes factions du MFDC est toujours en cours. René Capain Basséne , nous fait le point sur l’avancée de ce processus à travers cette interview:

• C’est un processus fermé
• Aucun acteur de paix n’y est impliqué
• Le front sud s’est réconcilié
• Il ne reste que l’adhésion de la faction de Salif Sadio pour arriver à une réconciliation générale d’Atika.

Depuis bientôt un peu plus d’un an, nous avons entendu parler d’un processus de réconciliation inter MFDC. En tant qu’observateur averti, pouvez- vous nous confirmer l’existence d’une telle initiative et nous dire à quel niveau d’avancée se situe cette tentative d’unification des différentes factions de ce mouvement indépendantiste ?Pourquoi dites vous que vous refuser d’entrer dans les détails ?

Je confirme sans entrer dans les détails qu’il existe un processus de réunification du MFDC aussi bien dans ses factions combattantes que politiques.

Pourquoi dites vous que vous refuser d’entrer dans les détails ?

Rire- parce que tout simplement, c’est un processus qui est en cours et qui est en train de se dérouler de manière très discrète et fermée. Par conséquent, je ne saurai et ne pourrai m’aventurer à entrer dans certains détails  pour être en conformité avec la nature et l’orientation adoptées par le MFDC concernant ce processus de réconciliation et réunification de toutes ses factions.

Mais pour l’essentiel, retenez que c’est un processus qui est très avancé et qui a engendré de très positifs résultats dans le cadre des retrouvailles inter MFDC surtout au niveau de Atika  son aile combattante.

Comment pouvez- vous parler  de processus à caractère secret, alors que le MFDC est appuyé par des acteurs externes qui  à la fois leur apportent soutien financier et conseils ? Où se trouve donc l’aspect secret dont vous évoquez si on sait que ces derniers  à leur tour rendent compte à leurs partenaires et aux autorités de l’avancement de leurs activités ?

Si par hasard il y a un acteur qui vous a informé avoir appuyé ou être en train d’appuyer le processus de retrouvailles des différentes factions du MFDC, retournez lui dire très poliment qu’il vous a raconté de trop fausses histoires.

Je sais une chose, le processus d’unité du MFDC est strictement fermé. Dans un premier temps il ne concerne pas l’ensemble des factions. Il se déroule de manière séparée selon les factions concernée.  En plus claire, les combattants après s’être farouchement combattus ont pris conscience que cela ne faisait que les affaiblir et ont décidé de se retrouver pour laver le linge sale en famille. A cet effet, ils ont mis sur pied un comité chargé de mener à bien le processus de réconciliation inter combattants. Aucun acteur n’est impliqué. Même les leaders ou autres membres des ailes politiques civiles intérieures ou extérieures sont exclues de ce processus et ne reçoivent de manière officielle aucune information dans ce sens.

C’est pareil pour les factions politiques, qui après s’être séparés pour des raisons de leadership ont décidé de se retrouver pour ensemble harmoniser leurs positions en vue de devenir plus crédibles et plus efficaces dans leurs activités. Nous sommes donc à ce stade de lavage du linge sale dans chacune des différentes composantes du MFDC. Ce qui est important à noter est que chacune d’entre elles est en train de régler ses problèmes sans aucune implication directe ou indirecte d’un acteur  extérieur.

Ceux qui prétendent être en train d’appuyer le processus de réconciliation n’ont d’autres motivations que celle de chercher à faire de la récupération d’une initiative dont ils ne savent comment elle est venue.

Certains acteurs ayant été officieusement informés de ce processus de réunification inter combattants, ont tenté en vain d’entrer en contact avec ces derniers pour voir comment ils pourraient s’y greffer et jouer un rôle…dans l’objectif de mieux se positionner et de paraitre les plus crédibles aux yeux de l’opinion.

C’est sans à ceux-là que vous êtes en train de faire allusion.

Vous avez parlé de résultats positifs dans votre intervention, pouvez-vous nous dire en quoi consistent ces dits résultats ?

Concrètement, les discutions intra combattants ont abouti dans un premier temps à une réunification de tout le front sud. Cette réunification s’est étendue jusqu’au niveau de certaines factions au niveau du front nord c’est-à-dire dans le Bignona. En plus claire, il règne de nos jours une bonne entente entre les factions de Kassolole dirigée par César Atoute, celle de Aquithia sous les ordres de Ibrahima Compass et celle de Diakayes qui depuis un peu plus d’un an est passée du commandement de Lamarana à celui de Assambane.  Le processus est en train d’être poursuivi pour atteindre la faction de Djilanfary menée par Salif Sadio.

Au vu de tout ce qui s’est passé entre eux, croyez-vous que Salif Sadio acceptera l’unité ?

Je crois que rien n’est impossible en matière de négociations. Salif Sadio a déclaré publiquement qu’il est favorable à dialoguer avec les autorités du Sénégal ; je ne vois pas alors pourquoi il ne serait pas partant pour des retrouvailles avec ses frères d’armes dans le but d’aller vers un véritable processus de paix.

Vous savez, je ne suis pas du même avis que ceux- là qui soutiennent qu’il est impossible de parvenir à une réunification totale du MFDC. Le mouvement, je le reconnais comporte plusieurs factions au niveau de toutes ses composantes : militaire, politique civile intérieure comme extérieure. Mais il faut heureusement ou malheureusement admettre que toutes les entités se réclament du même MFDC et partagent entièrement la même philosophie : que le Casamance n’a jamais été partie intégrante du Sénégal et le même objectif : celui de lutter pour l’obtention de l’indépendance de la Casamance.

Le problème qui s’est posé au sein de cette rébellion et qui a engendrer ce que beaucoup qualifient d’ « éclatement » en de multiples factions  est d’ordre purement  organisationnel ou institutionnel. Le MFDC s’est en effet fissuré pour une simple question de leadership. C’est des querelles de positionnement, de légitimité et de légalité entre ceux qui aspirent à diriger ce mouvement qui ont conduit à cette malheureuse situation.

Mon souhait le plus absolu est que toutes les factions militaires et politiques du MFDC parviennent à se réconcilier et à parler d’une seule voix. C’est à mon avis une des principales conditions pour engager un processus de négociations sincère avec l’Etat du Sénégal en faveur du retour de la paix en Casamance. Cela d’autant plus impératif puisque toutes les factions se sont déclarées favorables au dialogue autour d’une table avec les autorités sénégalaises.

Nous savons tous, qu’aucun chef ne peut à lui seul faire cesser la guerre. L’histoire a démontré que les négociations partielles ne nous mèneront jamais vers le chemin de la paix durable.  Le dernier exemple nous provient de l’accord de cessez le feu décrété de manière unilatérale  par Salif Sadio en avril 2014. Il avait suscité beaucoup d’espoir, sans produire de résultats probants sur l’avancement du processus.

Voici pourquoi j’encourage ce processus de réunification afin que ce mouvement parvienne de manière consensuelle à désigner un chef d’Etat major qui sera chargé du commandant des troupes combattantes et un secrétaire général qui saura parler au nom du mouvement et qui s’occupera du processus de dialogue en faveur de la paix.

C’est beau, tout ce que vous êtes en train de dire, mais accepter Monsieur Basséne que l’unité du MFDC est un idéal qui risque de ne jamais être atteint.

Rire – pourquoi êtes vous aussi pessimiste ? Je vous ai dit un peu plus haut que ce processus est le fruit d’une prise de conscience de la part du MFDC et qu’il se déroule sans aucune intervention extérieure. Cela prendra le temps que cela pourra prendre mais je demeure persuadé qu’ils parviendront à se retrouver autour de l’essentiel. Un processus de négociation peut aller très vite, tout comme il peut prendre beaucoup de temps. Mais celui a le mérite d’avoir quelques acquis inimaginables il y a quelques mois.

Beaucoup disent que Salif Sadio, n’acceptera jamais de se retrouver avec les autres. Qu’en pensez-vous ?

C’est qui les autres ? Ne sont –ils pas ses propres frères d’armes ? Ces compagnons de galère et de guerre ? Laissons le processus se poursuivre et prions que l’objectif visé soit atteint.

Pour ma part, je suis convaincu qu’ils parviendront à se réconcilier au vu de ce qui est en train de passer sur le terrain. Les querelles entre frères ont toujours existées. Pour ce qui concerne le MFDC, l’atmosphère s’est beaucoup détendue avec le temps. Le dernier affrontement entre les hommes de César et de Salif remonte à 2006. Nous sommes en fin 2016, donc pratiquement dix après. Et depuis cette date, il n’a jamais été  notée de tension ni d’escalade entre ces deux factions.

William Shakespeare disait : « offenser c’est ce qu’il y a de plus humain ? Mais pardonner c’est ce qu’il y a de divin en l’homme ». Les combattants se sont entre offensés en un certain moment de l’histoire de leur lutte, mais  Dieu merci, ils sont tous des croyants et ils doivent pouvoir se pardonner afin de pouvoir harmoniser leur position en vue des futures négociations avec l’Etat du Sénégal en faveur de la paix.

Comment selon vous cette unité dont vous parlez interviendra –t-il ?

Le MFDC pourrait parvenir à se réconcilier à condition :

1-Que chaque faction ou chaque leader de groupe accepte de prendre de la hauteur dans ses appréhensions par rapport aux autres et qu’il accepte de tout laisser tomber au nom de la paix et de l’unité. Cela renforcera leur crédibilité quand à leur disposition d’ouvrir des négociations avec le Sénégal.

2-Que les factions acceptent de discuter avec objectivité et grande lucidité et que les leaders acceptent de se laisser guider par leur conscience et éclairer par leur raison.

3-Que chacun d’entre eux fasse table rase sur tout ce qui s’est passé entre eux ; même si je reconnais que ce sont des événements inoubliables. Ils pourront y arriver s’ils intègrent dans leur désir de se retrouver une logique pacifique faite de pardon et de compassion des uns envers les autres pour ne pas dire  entre eux. C’était  tout le génie de Nelson Mandela et de Martin Luther King…

4- Qu’ils arrêtent de tenir rigueur des paroles prononcées ou des méfaits commis par l’un ou l’autre « sous l’influence de la rivalité ou de leur guerre interne » car aucun d’entre n’a d’emprise sur tout ce qui s’est passé entre eux ou qui a été dit…

5- Qu’ils comprennent que refuser de se départir de leur rancœur et de leur haine, c’est accepter que des acteurs malveillants aient le contrôle sur eux. C’est permettre à des  individus « toxiques » de continuer à semer la Zizanie dans leurs têtes et de parvenir à leur objectif de vivre du conflit.

6 -Enfin qu’ils parviennent à donner une orientation claire à leur volonté d’aller vers la paix.

Je crois que tous ces éléments sont pris en compte à travers ce que  j’ai appelé « prise de conscience »  du MFDC en faveur des retrouvailles et de la paix en Casamance. Ils en sont tellement conscients qu’ils ont pris la sage décision d’exclure de leur processus tous les intervenants dans le processus de paix car conscients  qu’un linge sale se lave en famille et que la réorganisation du mouvement ne peut se faire que par les membres du MFDC.

Interview réalisée par Abdou Rahmane Diallo exclusivement pour le Journal du Pays.