Prémonition ou dernières confidences dont le contenu du texte était puisé  dans votre troisième livre a été publié dans le Journal du Pays.

Pouvez –vous  nous confirmer que ce sont vos dernières confidences ou que réellement vous sentez  le danger venir vers vous ? Votre vie est –elle réellement en danger ?

C’est quelqu’un qui après avoir lu mon livre a jugé nécessaire de partager ces informations sous forme d’article de presse. Tout comme vous, des individus m’ont exprimé leur inquiétude après avoir lu ces extraits de texte de mon 3^e livre. Je confirme que c’est bien moi qui ai rédigé ce qui a été publié. Et c’est bien ce que je suis en train de traverser comme situation. Une chose est claire, mes écrits m’ont apporté beaucoup plus d’ennuis que de bonheur. Sans le vouloir ni l’imaginer, J’ai dérangé certains grands lobbies qui vivent du conflit et qui à tout prix veulent obtenir mon silence.

Comment vivez-vous donc ces moments difficiles ?

Ma façon de vivre n’a pas changée. Je continue toujours mes recherches et je profite de l’occasion pour vous annoncer que je suis en début de rédaction de mon projet de quatrième livre sur la crise en Casamance.

Sur quoi portera- t- il exactement ?

Rire. Le premier livre a porté sur la personnalité de l’Abbé Augustin Diamacoune, précisément sur son degré d’engagement et de responsabilité sur l’éclatement du conflit en Casamance, le second livre est entièrement consacré au conflit en Casamance de son début à 2014 : il apporte des renseignements inédits sur la naissance de la crise, sur son évolution, sur la crise interne au MFDC et sur beaucoup d’autres aspects méconnus ou trop peu connus du conflit, le troisième porte sur la problématique du retour de la paix en Casamance en mettant un focus particulier sur les facteurs bloquants le retour de la paix en Casamance et sur une proposition de solutions de sortie de crise avec un chapitre qui demande si à la fin de la guerre on va juger oui ou non les auteurs de violations des droits humains.

Pour ce quatrième livre,  je veux « quantifier le conflit ». Vous savez, quand on parle de cette crise, on entend souvent dire : « il y a beaucoup de morts », « beaucoup d’arrestations », « de nombreux disparus »,  des milliers de réfugiés » etc. c’est costaud comme ambition, mais je crois que je vais y arriver même si je suis confronté à d’immenses difficultés de logistique. Je suis en train de chercher des partenaires à cet effet. Si quelqu’un peut m’aider à en trouver, je peux lui faire parvenir le projet de recherche.

A mon avis c’est capital. Il faudra qu’on arrive à déterminer le nombre exact ou presque exact des disparus, des morts, des emprisonnés, des familles déplacées, des victimes de mines etc. C’est important car même la première et la seconde guerre mondiale ont été « quantifiées ». Cela favorisera une lecture beaucoup plus claire des conséquences humaines et matérielles de la guerre en Casamance.

Croyez-vous pouvoir parvenir à publier un tel livre ?

En tout cas j’y tiens. Si Dieu continue à me prêter vie je crois que j’y parviendrai. Cela me prendra le temps qu’il faudra. Seulement je peux y aller très vite si je parviens à trouver un partenaire. A ce propos je soumets cette sorte de demande à tous les lecteurs : « Aidez-moi à trouver des partenaires acr il me faut mener une veritable enquete au pres des populations, village par village, quartier par quartier. C’est un cri de cœur. C’est une initiative dont le fruit constituera un grand apport pour les futures générations et pour les futures chercheurs. C’est une enquête très délicate à tous les niveaux, … il me sera très difficile d’y parvenir tout seul sans soutien. Je veux rapporter « le conflit casamançais en chiffres ».

Si on vous comprend bien, vous semblez ne pas avoir peur des menaces que vous avez évoquées dans votre livre.

Dans le livre j’ai juste informé sur la situation que je suis en train de traverser. Et même si par ailleurs ma vie est en danger, j’ai précisé que jamais je ne me laisserai tirer par le bas, jamais je ne me laisserai distraire ou intimider par des gens qui n’ont d’autre préoccupation que celle de vivre du conflit. Si j’avais peur j’aurais arrêté mes activités d’investigations. Je n’allais plus continuer à me prononcer sur la crise en Casamance et j’aurais retrouvé la paix.

Je considère comme un sacerdoce ce modeste travail d’investigations et de production de livres sur le conflit en Casamance. C’est à mon avis ma part de contribution, mon apport sur la compréhension et la résolution de ce douloureux conflit. C’est d’ailleurs pourquoi  je le fait avec  abnégation tout en  m’évertuant  à demeurer objectif au mieux de moi-même. Si je dois en mourir, j’aurais en partie atteint mon objectif de laisser à la postérité des « traces de souvenirs de ce douloureux épisode de l’histoire de la Casamance ».

Concernant la gestion du processus de paix, nous assistons à une sorte de cacophonie entre le MFDC qui dit avoir coupé les liens avec les acteurs de paix, et ces mêmes acteurs de paix qui soutiennent être en contact direct de négociation avec les chefs rebelles. Qu’en est –il réellement ?

Je sais une chose et je n’ai cessé de le répéter tout au long de mes interventions. Depuis octobre 2014 plus aucun acteur de paix n’a eu accès dans « son » maquis ?

Pourquoi dites –vous « son » maquis ?

Parce que les principaux acteurs de paix s’étaient partagé les maquis casamançais. Ils avaient chacun sa fonction et ses combattants, son maquis avec lequel il était seul habilité à parler ou autorisé à accéder.

Pourquoi selon vous ce blocus contre les messieurs Casamance ?

C’est une décision qui émane des combattants eux-mêmes. Vous savez, les acteurs de paix dans leur dynamique de concurrence ont fini par perdre la confiance d’Atika. Conscients qu’ils constituaient un facteur de division en leur sein, les combattants ont décidé de tout couper avec eux et de se consacrer à leur processus de réconciliation et de réunification intra combattants.

Justement en parlant du processus de paix intra combattants il y a des acteurs qui ont déclaré y avoir été décisifs. Qu’en est –il ?

Ce n’est pas vrai. Ceux qui le disent racontent des contres vérités absolues. C’est un processus que j’ai suivi depuis son déclenchement et que je suis toujours puisqu’il est en cours. Ces acteurs ne maitrisent rien de ce qui est dit ou décidé lors des rencontres. Je précise que c’est un processus exclusif. Aucun acteur n’est impliqué même si certains avaient essayé d’entrer en contact avec les combattants en leur proposant de leur apporter un appui financier assez consistant pour qu’ils puissent bien mener leurs rencontres. Ils ont été déboutés parce que les combattants ont compris leur jeu, qui n’est rien d’autre qu’une tentative de récupération des fruits de ce processus.

Il y a aussi certains acteurs de paix qui soutiennent être toujours en contact avec certains chefs du Maquis. Qu’en dites –vous ?

C’est possible que des acteurs aient toujours gardé des contacts avec certains chefs. Mais c’est juste par téléphone et pour tenter sans succès de les convaincre de les recevoir. Ce n’est pas dans le sens d’engager des pourparlers avec eux. L’organisation dans le maquis a changé. Toutes les décisions se prennent désormais de manière collégiale. On n’est plus à l’heure où c’est le chef qui décidait de tout. Donc même si quelqu’un est en contact avec un chef, c’est à titre privé voir « amicale ».

De nos jours, Cesar Atoute ne peut à lui seul prendre la décision de négocier avec un acteur sans au préalable avoir consulté et reçu l’aval de son entourage. Aussi une des décisions majeures de Atika c’est de ne plus s’ouvrir aux messieurs Casamance jusqu’à la fin du processus de réunification. Vous comprenez dès lors que ce n’est pas Cesar Atoute Badiate qui va portez en lui la responsabilité historique de saboter cette dynamique de retrouvailles en s’engageant dans un autre processus de négociations.

Vous semblez dire que César Atoute n’est pas en train de négocier avec aucun acteur de paix ?

Oui, César n’est en train de négocier avec personne. Si quelqu’un vous dit être en train de négocier avec lui, c’est faux. Et Gérôme  « Ban Ki mun » un de ses trop proches collaborateurs a eu à préciser lors d’une interview que les portes du maquis sont fermées aux messieurs Casamance depuis octobre 2014.

Je crois que cette intervention dans la presse suffit pour clore les débats. Retenez que César Atoute ne peut pas enfourcher deux chevaux surtout que le projet de réconciliation intra combattants émane de sa faction. Il ne peut donc pas avoir un pied dans la réunification et un autre dans des négociations. C’est aussi valable pour la faction de Compass Diatta et celle de Salif Sadio.

Retenez qu’aucun de tous ces chefs n’est entrain de ne négocier aussi bien en privé qu’en public avec un quelconque médiateur. Je pèse mes mots à ce propos.

D’où puisez-vous votre certitude dans vos réponses.

Du terrain. Je suis en contact direct avec le terrain… Il y a des acteurs qui dans l’intention de me décrédibiliser essayent de faire croire aux gens que je suis quelqu’un de très mal informé. Mais je précise et mes détracteurs le savent très bien que je puise mes informations à la source et non aux sources. Je défis tout un chacun qui soutiendrait le contraire et je suis prêt à le répondre partout où il le souhaiterait. Il faut que les acteurs de paix acceptent que pour le moment ils ne peuvent rien mener avec aussi les combattants du MFDC que les leaders des factions politiques et civiles de ce mouvement. L’une des raisons de leur exclusion c’est la dynamique des retrouvailles enclenchée par toutes les composantes du MFDC.

Comment analysez-vous les différentes activités menées ça et là par certains acteurs de paix ?

C’est de la pure farce. C’est des activités sans aucun impact sur la recherche de la paix en Casamance. Ils n’ont rien apporté de nouveau. Leur discours ne se limite qu’à énumérer des faits qui datent de très longtemps et à raconter des contres vérités. Par exemple on les entend déclarer dans la presse : «  nous avons rencontré les combattants, ils sont tous d’accord pour déposer les armes et pour s’ouvrir aux négociations », ce qui est faux car tous nous savons que depuis 2012 toutes les factions se sont déclarées favorable au dialogue et par conséquent à la cessation de toute activité militaire en vue de prouver leur disposition à dialoguer. Aussi d’aucuns parmi eux dans l’objectif de donner l’impression qu’ils sont entrain de travailler ont expliqué « avoir retrouvé » par on ne sait quel miracle « la confiance des combattants qui les auraient choisis ou désignés comme médiateurs». C’est faux. Les derniers médiateurs choisis étaient l’imam Fansou Bodian et le Cardinal Theodore Adrien Sarr. Depuis le départ pour la retraite du Cardinal, aucune autre personne n’a été désignée par le front sud.

C’est juste des acteurs qui vivent difficilement la période de léthargie qu’ils sont entrain de traverser. Le MFDC s’est pour le moment débarrassé des messieurs Casamance. Mais puisque la nature a horreur du vide, des individus tentent à travers des combines et des manœuvres dont ils sont les seuls à détenir les secrets à se repositionner. Ils sont prêts à tout, quitte à faire éclater la dynamique de retrouvailles des combattants pour pouvoir reprendre du service…

Les différentes rencontrent organisées dans certaines localités, ne sont que de la pure communication événementielle. C’est juste pour permettre à certains acteurs d’occuper la Une des medias pour neutraliser leurs concurrents. Il est clair que dans la réalité ces manifestations et rencontres n’ont aucun impact sur ce qui est appelé processus de négociations.

René Capain Basséne, pouvez- vous nous résumer la situation qui en ce moment prévaut en Casamance ?

C’est invariablement la situation de « paix armée » ou de ni guerre ni paix ». Sur le terrain parfois on à l’impression qu’il n’y a plus de guerre et parfois on se réveille avec des inquiétudes a la suite d’un acte du genre braquage perpétré dans un lieu ou d’un affrontement qui s’est déroulé quelque part.

Attention à ce que vous êtes entrain de dire. Est-ce que les braquages et les affrontements sont toujours d’actualité ?

Oui malheureusement : le 15 mai 2017, il y a eu un premier affrontement au niveau de Bantacountou entre les forces sénégalaises et les éléments de la faction de Compass. Le lendemain 16 mai 2017, ces mêmes éléments de Sikoune ont tendu une embuscade à l’armée sénégalaise au niveau du village d’ Akintou. L’armée a réagit et il s’en est suivi un affrontement à l’arme lourde qui a duré plusieurs heures. Akintou se trouve à moins de trois kilomètres de Goudomp. Vous pouvez vérifier mes propos.

Pour les braquages, il y en avait en début mars sur l’axe cap-skiring- Ziguinchor, entre les villages de Darsalam et d’Etomé : 4 motos jakarta et un vélo ont été récupérées par des individus lourdement armée. Un autre s’est produit à Niagha dans le Sédhiou : 6 motos jakarta ont été récupérées.

Ce sont des événements qui réveillent la peur et qui rappelle l’existence de la guerre. C’est dommage que tous les acteurs de paix qui de nos jours sont entrain de faire le choux gras des medias, soient restés muets face à une telle situation. Aucune voix ne s’est élevée ne serait- ce juste pour condamner.

Je termine par dire qu’en Casamance, on est toujours en situation de guerre, et que les autorités doivent profiter de cette accalmie qui y prévaut pour chercher à ouvrir un dialogue avec le MFDC.

Interview réalisée par ARDiallo