Casamance : 38 soldats sénégalais tués à Babonda en 1995 et ce fût la fin d’un mythe
Dans son édition d’août 1995, le Journal du Pays titrait : « Babonda, la fin d’un mythe« .
Lorsque la radio sénégalaise a annoncé la perte de 23 soldats en Casamance, nombreux furent ceux qui furent surpris. Comment pouvait-on croire que le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC), que l’on disait traqué et décapité, puisse frapper avec une telle force? Ceux qui avaient applaudi aux premières heures de « l’opération de ratissage » ont vite déchanté. Un mouvement populaire ne se détruit pas avec de simples mots.
Le 25 juillet 1995, à Babonda, après quinze minutes de combats, le mythe de l’invincibilité des Jambars est tombé en lambeaux. Trente-huit soldats sénégalais ont péri, isolés, sans soutien, sans mandat et sans honneur. Même en situation de conflit, les maîtres du terrain ont respecté les traditions en enterrant décemment les ennemis tués au combat.
Encore une fois, il est évident qu’en Casamance, la lutte légitime pour l’indépendance se poursuivra jusqu’à son terme. Les corps des trente-huit militaires disparus après une embuscade tendue par les rebelles du MFDC ont été retrouvés le mardi 1er août. Ces soldats faisaient partie d’une colonne attaquée le 25 juillet sur la route entre Toubacouta et Babonda, près d’un camp rebelle situé à 18 kilomètres au sud-est de Ziguinchor, la capitale.
L’armée sénégalaise a reconnu « quatorze blessés et les vingt-trois disparus », tout en affirmant avoir infligé de lourdes pertes aux rebelles. Six corps ont été retrouvés dispersés dans la forêt des soldats abattus parce qu’ils tentaient de fuir, et trente-deux autres dans une fosse commune.
Cette découverte porte à soixante-deux le nombre de victimes du conflit en Casamance depuis le 20 juin 1995, date de l’appel au cessez-le-feu lancé par l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, secrétaire général et fondateur du MFDC. Le 6 avril, quatre touristes français originaires de Saint-Étienne avaient disparu dans la région. L’abbé Diamacoune avait rejeté toute responsabilité des indépendantistes et mis en cause le gouvernement sénégalais.
Placé en résidence surveillée à Ziguinchor, l’abbé Diamacoune Senghor avait appelé à un cessez-le-feu, sans succès.
Le déroulement précis de l’attaque rapporté au Journal du Pays
Le mardi 25 juillet 1995, à 11h10, deux sections de l’armée sénégalaise se rencontrent à l’entrée de Babonda, un village situé à 18 kilomètres au sud-est de Ziguinchor. Ils étaient repérés par une patrouille de reconnaissance du MFDC. Les 52 soldats sénégalais se préparent pour la dernière halte avant d’attaquer une base des combattants Atika du MFDC située à 4 kilomètres de là.
12h30 : Les combattants du MFDC encerclent le village avec 32 hommes de l’unité spéciale d’assaut Sembémof.
12h42 : Atika lance l’assaut avec des tirs nourris.
12h44 : La riposte de certains éléments isolés de l’armée sénégalaise persiste.
12h57 : Constat des lieux et mise en place des batteries antiaériennes.
13h15 : Arrivée d’une seconde section de 22 réservistes Atika pour sécuriser le terrain en prévision de renforts sénégalais.
14h00 : Le butin de guerre est rassemblé, comptant 38 militaires sénégalais tués et 2 combattants Atika légèrement blessés.
14h43 : Ramassage des cadavres sénégalais.
16h35 : Enterrement des morts sénégalais dans des fosses communes et incinération des vêtements selon les coutumes.
17h00 : Retour des combattants du MFDC à leur base.
17h30 : Compte-rendu verbal et écrit du Commandant des opérations au Commandant de base.
Butin de Guerre
38 poignards
6 pistolets automatiques (PA)
4 lance-roquettes antichars 89mm (LRAC)
2 mortiers (81mm et 120mm)
3 mitrailleuses A52
26 fusils d’assaut M16
3 lance-grenades M203
3 radios de transmission TRPP
4 cartes de positionnement
7 caisses de munitions
6 compas
4 gilets pare-balles
2 émetteurs-récepteurs FM de poche
2 caisses de pharmacie
36 gourdes
38 casques lourds
5 jumelles
17 grenades offensives
8 grenades défensives
ARDiallo