Casamance : L’héritage colonial, la lutte pour l’indépendance et la politique de diviser pour piller (Contribution)
La Casamance est un exemple frappant des conséquences de la colonisation européenne en Afrique.
Comme le Sahel, elle porte les cicatrices des décisions coloniales arbitraires, prises sans considération pour les réalités ethniques, culturelles et géographiques locales. Aujourd’hui encore, la région est le théâtre de tensions et de conflits profondément enracinés, nourris par des décennies de marginalisation et d’exploitation, ainsi que par une lutte pour l’indépendance menée par le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) depuis sa création en 1947.
La Casamance située au Sud de la Gambie et au Nord de la Guinée-Bissau, est une enclave créée par la rivalité entre le Portugal, la France et la Grande-Bretagne. Cette division géographique a accentué l’isolement de ce pays, renforçant un sentiment d’identité distincte parmi ses habitants. Les frontières imposées par les colonisateurs ont arbitrairement divisé les peuples de la région, exacerbant les tensions ethniques et alimentant des frustrations face à la domination du pouvoir sénégalais.
Le MFDC, fondé en mars 1947, incarne ce sentiment d’injustice et la lutte pour l’autodétermination de la Casamance. Ce mouvement est né en réponse à la colonisation européenne, à la marginalisation économique et politique, notamment dans la répartition inégale des ressources naturelles, telles que les terres fertiles et les richesses forestières.
Le conflit entre le Sénégal et les indépendantistes pour une Casamance libre, qui a provoqué des milliers de morts et des déplacements massifs de populations, est directement lié à l’héritage colonial et à la gestion postcoloniale de la région. En effet, bien que la Casamance soit une région riche en ressources naturelles, son développement a été hypothéqué par l’usage de la violence de l’État sénégalais, ce qui a alimenté un profond sentiment d’injustice, renforçant le soutien populaire au MFDC et à la lutte pour l’indépendance.
À l’instar du Sahel, la Casamance a également été le théâtre de jeux de pouvoir internationaux. Durant la guerre froide, le conflit casamançais a attiré l’attention des puissances étrangères, qui ont cherché à influencer les dynamiques régionales pour servir leurs propres intérêts stratégiques et économiques. Sous le couvert d’un discours de développement et de démocratisation, des interventions extérieures ont souvent renforcé la militarisation de la région et l’exploitation de ses ressources naturelles, aggravant les souffrances locales.
Le MFDC, malgré ses divisions internes, continue de représenter un symbole fort de la lutte pour la reconnaissance et l’autodétermination de la Casamance. Cependant, le discours de paix, de développement et de résolution du conflit a souvent ignoré les revendications fondamentales du MFDC, se concentrant davantage sur une approche militarisée que sur la réconciliation et le développement économique inclusif.
Aujourd’hui, la Casamance fait face à de nombreux défis : un conflit latent, une exploitation continue de ses ressources naturelles au détriment des populations locales, et des crises humanitaires récurrentes. Pour comprendre et résoudre ces problèmes, il est essentiel de reconnaître l’héritage colonial, ainsi que l’histoire de la lutte menée par le MFDC pour l’indépendance. Réconcilier la Casamance avec le Sénégal nécessite une prise en compte sincère des griefs historiques et des aspirations autonomistes de ses habitants.
L’avenir de la Casamance dépendra de la capacité des autorités sénégalaises, du MFDC et de la communauté internationale à dépasser les séquelles du colonialisme et à construire un dialogue ouvert et respectueux. Ce processus doit inclure la reconnaissance des spécificités culturelles de la région, une gestion équitable de ses ressources naturelles et des réformes qui répondent aux besoins économiques de ses habitants. Le défi est immense, mais seul un engagement sincère envers la justice sociale et le développement inclusif permettra à la Casamance de trouver une paix durable.
Comme le Sahel, la Casamance témoigne des conséquences profondes des décisions coloniales sur les dynamiques actuelles des régions africaines. Si les leçons de l’histoire sont prises en compte, et si des solutions basées sur la justice, la réconciliation et le respect des réalités locales sont adoptées, la Casamance pourrait devenir un exemple de paix et de prospérité pour l’Afrique de l’Ouest.
Contribution de Mamadou Coulibaly, Enseignant au Mali