Casamance : Promesses électoralistes de Diomaye Faye et Ousmane Sonko face à une crise profonde non résolue.
L’annonce par le gouvernement sénégalais, dirigé par Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son Premier ministre d’origine casamançaise Ousmane Sonko, d’un investissement massif de 53,6 milliards de francs CFA pour la Casamance soulève des interrogations profondes quant à sa faisabilité et ses intentions politiques. À la veille des élections législatives anticipées prévues pour le 17 novembre, cette promesse semble s’inscrire dans une logique électoraliste, cherchant à séduire l’électorat casamançais sans pour autant s’attaquer aux racines profondes du conflit qui ravage la Casamance depuis 42 ans.
Un financement incertain dans un contexte de crise économique
Le plan gouvernemental prévoit de décaisser 23 milliards d’ici la fin de l’année 2024, et 31 milliards en 2025. Ces fonds seraient destinés à la construction d’infrastructures essentielles, telles que des forages, des écoles et des routes, ainsi qu’au retour des services publics dans les zones désertées en raison de l’insécurité. Par ailleurs, 10 milliards devraient être alloués au déminage du territoire, dans le but de faciliter le retour des dizaines de milliers de réfugiés casamançais, actuellement en Gambie et en Guinée-Bissau.
Toutefois, le contexte économique actuel du Sénégal complique la réalisation de ce projet. Avec plus de 6 000 milliards de dettes publiques, des exonérations fiscales massives ayant épuisé les ressources de l’État sous le précédent gouvernement de Macky Sall, et une inflation galopante des prix des denrées alimentaires, la question du financement demeure sans réponse. L’Assemblée nationale, aujourd’hui dissoute, n’a toujours pas voté la loi des finances rectificative, rendant incertain tout engagement budgétaire d’envergure. De surcroît, le Premier ministre Sonko lui-même a récemment reconnu que le pays est en totale faillite poussant des milliers de jeunes à l’exil vers l’Europe. Dans ces conditions, où trouver les 63,6 milliards de francs CFA promis ?
Une instrumentalisation politique à des fins électorales ?
Ce programme d’investissement, annoncé à la veille de la campagne électorale, soulève des soupçons quant à sa sincérité. Certains observateurs y voient un calcul politique destiné à flatter l’électorat casamançais. En effet, les annonces répétées de paix et de reconstruction en Casamance n’ont jusqu’ici guère produit de résultats concrets. Le conflit entre le gouvernement sénégalais et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) perdure depuis 1982, faisant de nombreuses victimes et forçant des milliers de personnes à fuir leurs villages.
Malgré l’annonce de ces nouvelles mesures, la Casamance demeure minée par une insécurité persistante. « 33 villages sont encore abandonnés« , rappelait Ousmane Sonko, en raison des affrontements entre l’armée sénégalaise et les combattants indépendantistes du MFDC. Le simple fait de déminer la région et de reconstruire des infrastructures ne garantit en rien la paix durable. D’autant plus que, comme le souligne l’article, il suffirait « d’un coup de feu » pour que les réfugiés rentrés chez eux reprennent le chemin de l’exil. Le problème casamançais ne saurait être réduit à la question des déplacés : il est ancré dans une revendication historique d’indépendance.
Un manque de vision pour la paix en Casamance
L’une des critiques majeures adressées au gouvernement de Diomaye Faye et de Sonko est son absence de véritable plan de paix pour la Casamance. L’investissement dans les infrastructures et le déminage, bien qu’important, ne suffit pas à résoudre un conflit de cette envergure. Le gouvernement semble ignorer les racines profondes de la guerre, préférant opter pour des mesures superficielles et temporaires. Cette approche rappelle la « politique de l’autruche« , selon laquelle on évite de faire face aux réalités du conflit en espérant que le problème disparaîtra de lui-même.
Le véritable défi pour la paix en Casamance réside dans la nécessité d’un dialogue sincère et inclusif, prenant en compte les revendications du MFDC et des communautés locales. Les causes historiques du conflit, notamment la marginalisation économique et politique de la Casamance depuis l’époque coloniale, doivent être abordées de manière franche et transparente. Le gouvernement ne peut se contenter de repousser le problème à plus tard en multipliant les annonces sans suivi concret.
Les annonces du gouvernement de Diomaye Faye et de Sonko concernant la Casamance risquent de n’être qu’un écran de fumée électoraliste, sans véritable impact sur le terrain. Si l’effort de réintégration des services publics et de reconstruction d’infrastructures est louable, il ne peut se substituer à une véritable stratégie de paix, basée sur une compréhension approfondie des dynamiques historiques et sociales du conflit. Une paix durable en Casamance nécessite plus qu’un plan de financement : elle demande une volonté politique forte, une négociation inclusive avec toutes les parties prenantes, et surtout, la reconnaissance des aspirations légitimes des populations casamançaises.
Antoine Bampoky