Casamance : Une lutte de longue date, une réalité historique du MFDC et l’exemple du Timor oriental
Dans la quête d’indépendance de la Casamance, il est impératif de comprendre que cette lutte ne repose pas seulement sur des revendications économiques ou régionales. C’est une lutte historique, qui trouve ses racines bien avant l’indépendance du Sénégal et qui ressemble, à bien des égards, à d’autres mouvements d’autodétermination à travers le monde, notamment celui du Timor oriental.
L’exemple du Timor oriental est éclairant. Après des décennies de lutte contre l’occupation indonésienne, ce petit territoire a finalement obtenu son indépendance du Portugal en 1975, puis envahi par l’Indonésie en 1976, avant de retrouver son indépendance en 2002. L’histoire du Timor oriental, longtemps négligée par la communauté internationale, montre qu’une nation, même dominée et annexée, peut retrouver sa liberté. Le Timor oriental a prouvé que les mouvements d’indépendance, même face à une opposition écrasante, peuvent triompher lorsqu’ils sont enracinés dans une légitimité historique et un désir profond d’autodétermination. La Casamance, à bien des égards, partage cette histoire.
En effet, la lutte pour l’indépendance de la Casamance ne date pas d’hier. Le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) a été fondé en mars 1947 par le Professeur Victor Ehumemba Diatta, bien avant que le Sénégal n’obtienne son indépendance de la France en 1960. Cela montre que la revendication d’indépendance de la Casamance n’a jamais été simplement une réaction aux politiques postcoloniales du Sénégal, mais bien un mouvement politique antérieur et autonome. Le MFDC a été créé avec pour objectif l’indépendance de la Casamance, avant même que l’idée d’un Sénégal indépendant ne prenne forme. Cela prouve que la question casamançaise est fondamentalement une question historique et politique, et non un simple conflit interne ou économique.
À l’époque coloniale, la Casamance était une nation distincte, s’étendant de l’océan Atlantique à la rivière Falémé, à la frontière du Mali. Elle possédait sa propre culture, ses propres traditions et ses propres aspirations politiques. Mais en 1960, lorsque le Sénégal accéda à l’indépendance, la Casamance fut annexée au nouvel État sans que ses habitants ne soient consultés. Cette intégration forcée par l’administration coloniale française, qui n’avait que faire des aspirations des Casamançais, a créé une fracture profonde qui persiste encore aujourd’hui.
La création du MFDC en 1947 est la preuve que cette annexion n’a jamais été acceptée. La Casamance n’est pas une région dissidente née d’un conflit postcolonial : elle est une nation qui, depuis plus de 70 ans, lutte pour retrouver son indépendance. Le MFDC, bien avant que le Sénégal ne devienne une République, portait déjà les revendications d’un peuple qui refusait de se voir dilué dans un État centralisé où ses aspirations et son identité seraient ignorées.
L’exemple du Timor oriental renforce cette vision. Pendant des décennies, la communauté internationale a fermé les yeux sur la lutte de ce petit territoire pour son indépendance, tout comme elle tend à minimiser aujourd’hui les revendications casamançaises. Pourtant, comme pour le Timor oriental, la lutte pour l’indépendance de la Casamance est une lutte légitime, fondée sur un droit historique à l’autodétermination. La communauté internationale ne peut continuer à ignorer cette revendication, car le silence ne fera que prolonger le conflit et exacerber les tensions.
Le Sénégal, souvent salué pour sa stabilité, doit maintenant affronter cette vérité historique. La question casamançaise ne pourra jamais être résolue uniquement par des promesses de développement économique ou par des tentatives de répression militaire. Les Casamançais ne luttent pas seulement pour des routes, des écoles ou des hôpitaux ; ils luttent pour leur dignité en tant que peuple, pour leur droit à l’autodétermination, un droit qu’ils revendiquent depuis bien avant la naissance du Sénégal moderne.
La lutte menée par le MFDC est avant tout une lutte pour la reconnaissance historique de la Casamance en tant que nation indépendante, annexée de force par l’administration coloniale française sans l’accord de son peuple. Ce combat, bien que souvent occulté dans le discours dominant, est un combat politique légitime. Comme pour le Timor oriental, il est grand temps de reconnaître que la solution au conflit casamançais réside dans la reconnaissance de cette réalité historique et non dans la simple répression ou le développement économique.
L’histoire nous a montré, avec le Timor oriental, que les aspirations d’un peuple à la liberté ne peuvent être étouffées indéfiniment. Le Sénégal doit faire face à cette vérité : la Casamance est une nation, et le mouvement pour son indépendance est une expression de cette vérité historique. Si le Sénégal veut véritablement résoudre ce conflit et construire une paix durable, il doit commencer par reconnaître la légitimité de cette lutte et s’engager dans un dialogue politique sincère avec le MFDC.
La question casamançaise est une question d’identité, de dignité et de justice historique. Tout comme le Timor oriental a retrouvé sa liberté après des décennies de lutte, la Casamance continue de revendiquer la sienne. Ignorer cette réalité ne fera qu’envenimer la situation. Il est temps que le Sénégal et la communauté internationale reconnaissent l’histoire de la Casamance et engagent un dialogue politique qui respecte les aspirations de son peuple à l’autodétermination.
Emile Tendeng en reportage depuis Dili capitale du Timor oriental