Conflit en Casamance : Rhétorique populiste et complotiste d’un PM « Casamanquais ».
Lors de sa campagne électorale en vue des légistiques en Casamance, le PM sénégalais Ousmane Sonko a fait des déclarations sur le livre faisant l’objet de polémique et d’interdiction ou de censure et traitant de la question du statut politique de la Casamance. Le Cercle des intellectuels et universitaires du MFDC communique ce qui suit.
1- De la casamancité opportuniste à la sénégalité zélée : dans la foulée de sa campagne en vue des législatives sénégalaises, comme à l’accoutumée chez les politiciens sénégalais, on assiste à l’usage malsain du plus vieux conflit en Afrique à des fins électoralistes.
Pour le PM Ousmane Sonko, la recherche obstinée d’envergure nationale en dépit de la casamancité encombrante est consubstantielle à l’itinéraire politique de toute élite casamancaise évoluant au Sénégal. Plus de 40 ans d’indépendantisme ne laissera aucun casamançais indemne, surtout dans la vie politique sénégalaise.
Dans sa lutte politique pour arriver à ce niveau de responsabilité, Sonko, à l’instar des élites casamançaiss qui l’ont précédé, au rythme de la persécution avec son cortège de victimes en Casamance, la casamancité rebelle et rendant équivoque le contrat national avec le Sénégal, a nourri son ascension.
Au point de réaliser son rêve nourri par un régionalisme qui a côtoyé le nationalisme du MFDC par sa fonction de PM du Sénégal. Comme pour rassurer les Sénégalais, il fallait être plus royaliste que le roi, il fallait démentir ses détracteurs qui craignaient une infiltration de l’Etat sénégalais par le MFDC.
2- Jacques Charpy, la peur du livre et du débat : Alors, les choses se clarifient. D’abord par le plan économique pour la Casamance et l’hostilité à toute idée de statut politique de la Casamance, qui représente le contenu idéologique de la lutte pour l’indépendance que mène le MFDC.
Son hostilité au livre scientifique de Séverine Awenengo Dalberto (chercheuse au CNRS) intitulé : « L’idée de la Casamance autonome : Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal », s’articule sur le fait que Charpy aurait clos le débat sur le statut politique de la Casamance.
Ce qui est saugrenu dans cette polémique hostile, c’est que Charpy le français donc envoyé par l’Etat français qui conspirerait contre le Sénégal, reste une référence pour délégitimer le droit de la Casamance à l’indépendance ou à l’autonomie. Or Sonko ignore par un manque de culture historique, que Charpy nous a servi un témoignage au lieu d’un arbitrage en plagiant le livre hautement scientificité de Christian Roche « Conquêtes et résistance en Casamance ».
Aussi, en dépit de la fourberie de Charpy, Sonko ignore qu’il existe une réponse de Diamacoune et du MFDC à ce témoignage. Si le MFDC a réclamé un arbitrage, c’est pour que le colonisateur qui est créateur des états-nation africains, élucide sa part de responsabilité dans la gestion administrative et institutionnelle du territoire casamançais.
La raison fondamentale réside dans deux faits historiques que sont : l’antériorité de la création du MFDC en 1947 par rapport à la naissance du Sénégal indépendant témoignant logiquement du fait que ce mouvement n’est pas régionaliste ni lobbyiste – deuxième fait, c’est l’enjeu de l’alliance entre le MFDC et le BDS pour affronter Lamine Guèye. Une alliance qui ne consistait pas en l’indépendance du Sénégal mais en un processus d’indépendance dans la communauté française, avec la perspective politique d’un choix souverain des casamançais de poursuivre ou non le compagnonnage.
Or une alliance n’est pas une fusion et par conséquent il y a forcément une contrepartie politique pour la Casamance. Et cette contrepartie fut de cheminer ensemble, ce qui faisait dire à Diamacoune que la Casamance était avec le Sénégal et pas dans le Sénégal. D’où le droit politique et le projet de se prendre en charge, de redéfinir son statut en temps opportun. Au demeurant, c’est cette volonté politique qui justifiait très tôt en 1979 les courriers pacifiques de Diamacoune adressés au président Mitterrand.
On connait la suite : la répression de la marche mémorable de 1982 par un Etat jacobin qui finit par reconnaitre que l’option militaire menait à une impasse. Ce qui amena le président Abdou Diouf à accepter le témoignage de Charpy.
Quoi qu’ait dit Charpy, ou quoi que comploterait la France en faveur de l’autonomie de la Casamance selon la supposition du PM Sonko, le droit à l’indépendance ou l’autonomie est le résultat d’une lutte politique inspirée de l’histoire et du droit des peuples à l’autodétermination comme le stipule la charte des Nations Unies.
Il ne s’octroie. Il est donc absurde de s’attendre ou de concevoir qu’un Etat souverain garantisse ou octroie la souveraineté à un peuple. Nous rejetons le complotisme qui infantilise la Casamance, en dévalorisant des décennies de lutte, comme si nous étions des marionnettes d’une puissance néocoloniale.
3- Brève interprétation du livre en question : tous les livres traitant du conflit en Casamance de celui de Jean Claude Marut à l’article de Dominique Darbon en passant par celui de Omar Diatta, ont vainement fait l’objet de censure. La vitrine de la démocratie, l’auteur du livre Solutions interdisent l’ouvrage de Séverine Awenengo Dalberto. Au nom de la défense de l’Etat unitaire et pour prévenir une supposée déstabilisation du Sénégal par la France, Ousmane Sonko apparait comme un policier de la pensée.
Celle que nous estimons nécessaire pour enrichir le débat sur la question de la Casamance, comme dimension historique des enjeux du processus de pourparlers politiques. La scientificité de l’ouvrage repose sur des faits, la cohérence des faits et des évènements, l’écho des témoignages d’acteurs éminents, des archives coloniales.
L’idée majeure, selon notre interprétation de l’ouvrage, consiste au fait que le conflit en cours émane d’un processus équivoque de construction politique de l’Etat-nation sénégalais, d’un passé différentiel entre le territoire casamançais et les 4 communes Citoyennes française matrice de l’ETAT nation sénégalais.
Elle consiste aussi à reconnaitre que le « NON » majoritaire de la Casamance au référendum de 1958 inscrit dans le sillage d’un embryon de nationaliste ou d’indépendantisme à travers la création du MFDC, rendaient problématique et critique la constitution même de l’Etat-nation sénégalais.
L’ouvrage nous apprend également que l’intégration de la Casamance dans le Sénégal a toujours été problématique comme l’a d’ailleurs affirmé Mamadou Dia, modèle politique du néo panafricanisme gauchiste sénégalais.
4- La question de la Casamance ou le primat du politique sur l’économique : Tous les régimes qui se sont succédé à la tête de l’état ont obstinément et maladroitement promu la recette du développement, comme pour substituer le tout économique et sécuritaire au primat du politique.
Ainsi, ils prétendent qu’avec des pacotilles de milliards d’investissement, ils feront miroiter aux militants et combattants du MFDC une vie matérielle. Dans cette pratique, les milliards investis sans être contrôlés depuis tous ces régimes est perçue comme une injection forcée du développement sans aucune concertation au préalable.
Du coup, les populations ne s’approprient pas de quelque chose qu’on leur apporte de l’extérieur, avec tout l’effet paternaliste qui le caractérise. Or tout développement non concerté, non approprié perd en efficacité. D’ailleurs le paradigme développemental est conçu du dehors et imposé. Concevoir notre propre développement fait partie des objectifs de la lutte pour l’autodétermination de la Casamance.
Pour nous MFDC et le peuple casamançais en lutte, tout doit passer par la disparition de la loi sur le domaine nationale comme condition structurelle de la restructuration de l’agriculture, la riziculture.
Celle-ci fut la première victime coloniale et endo-coloniale du démantèlement de notre système socioéconomique. La priorité absolue doit être accordée à l’agriculture comme locomotive avec comme axes, principaux la mécanisation , la formation à la création et à l’invention et la mise en place de mécanisme financier autonome auto gérée par les populations.
Un plan qui aurait pour finalité l’instauration d’un salarial paysan, d’un système de coopérative. De là s’enclencheront tous les autres secteurs de la vie économique de la Casamance. Ceci est un schéma sectoriel du plan socioéconomique de développement de la Casamance libre ou en lutte, qui pourrait l’expérimenter dans les zones libérées.
Dans la même foulée, on pourrait expérimenter un type de gouvernance et d’administration alternatif au cours de cette lutte, à la faveur d’un processus de paix ou le jeu politique remplacerait la guerre, à la faveur d’un accord de paix.
Cela dit nous ne sommes pas entrés dans le maquis pour de raisons développementales. Car il n’est pas besoin de conflit armé pour engager l’œuvre de développement. La raison réside dans la question politique, consistant au droit des peuples à l’autodétermination comme le stipule la charte des Nations Unies consacrant les droits de l’homme et des peuples.
Cependant, pour nous le droit abstrait théorique doit avoir de la substance. Ici, la substance, c’est l’histoire des luttes pour l’indépendance durant des siècles, une histoire qui fournit un condensé mémoriel de la résistance. Des figures et faits historiques sont légion, ce n’est pas le lieu ici de les rappeler tous.
La question politique consiste en un contentieux colonial et postcolonial non élucidé, quant au statut administratif et juridique de la Casamance, au regard des archives et autres fondements qu’aborde le livre que Sonko veut, tel un dictateur, interdire.
Elle consiste enfin en une expérience compagnonnage de quelque décennies grâce à l’alliance entre le BDS et le MFDC qui nous a appris la nécessité vitale de tracer notre chemin politique en toute liberté. Par conséquent, toute solution au conflit, passera par des pourparlers de paix qui aborderaient les trois dimensions de la question de la Casamance : historico juridique, politico économique et socio culturelle.
Le MFDC a toujours appelé à ces pourparlers et à ce contenu en précisant que, vu la nature de la question, un médiateur étatique ou inter étatique en soit le garant et conjointement avec lui l’Etat du Sénégal et le MFDC désigneraient un terrain neutre où se dérouleraient ces pourparlers.
Accorder le primat au politique revient à rendre l’économique souverain, efficace et durable.
5- Bienvenue au maquis pour que Attika t’enseigne la vraie résilience : Si, néanmoins, Ousmane Sonko PM du Sénégal, président de Pastef, veut nous prouver son arrogance et son paternalisme de casamanquais inspirés par Pierre Goudiaby ATEPA et Alioune Tine concepteurs discrets de la théorie d’anthropologie politique Agon et Dianbone, rêvant de tuer l’idée d’Independence, alors, il serait le bienvenu dans le maquis fondé entre autres par le grand homme que nous partageons avec lui : son oncle Nfamara Sonko. Au moins, il en sortirait avec des leçons de plus de 40 ans de maquis casamançais depuis 1962 comparativement à celle de son Pastef qui n’est qu’un bébé moustachu !
Sa proposition ou sa promesse électoraliste consistant à fermer les cantonnements militaires sur le front de la guerre contre Atika, nous parait une duperie, parce qu’au même moment son président renforce la présence militaire du Sénégal en Gambie sous la bannière de la CEDEAO, non pas pour la démocratie mais pour protéger leur « gouverneur » Adama Barrow, pour conjurer le retour de Jammeh et toute alliance stratégique entre le MFDC et les souverainiste gambiens, pour lesquels deux chantres du souverainisme n’ont aucune empathie. Quel paradoxe !
Il sait en âme et conscience que les opérations menées par le Général Kandé qu’ils ont affecté en Inde non pas parce qu’il aurait démantelé les bases de Attika au front sud, mais pour son zèle en faveur de la CEDEAO et son projet de restaurer Bazoum séquestré par ses amis de l’AES, n’ont pas atteint leur objectif. Celui de forcer la paix par les armes.
Fait en Europe le 5 novembre 2024
Le Cercle des Intellectuels et universitaires du MFDC (CIUC)
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