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Sénégal : Les déboires militaires en Casamance, raisons du changement à la tête de l’armée sénégalaise

Sénégal : Les déboires militaires en Casamance, raisons du changement à la tête de l’armée sénégalaise

Le 26 décembre 2024, une décision significative a été prise par les autorités sénégalaises : le colonel Simon Ndour, d’ethnie sérère comme le président Bassirou Diomaye Faye, ancien chef de mission des Nations Unies en Centrafrique, a été nommé chef d’état-major de l’armée de terre, succédant ainsi au général Magatte Ndiaye, qui a été mis en veille sous le contrôle direct du chef d’état-major général des armées. Ce changement à la tête de l’armée de terre intervient dans un contexte marqué par des tensions internes et des critiques croissantes concernant la gestion des opérations militaires, notamment en Casamance et dans les pays voisins comme la Gambie et la Guinée-Bissau.

1. Des échecs militaires sur le terrain
L’un des principaux facteurs expliquant ce changement de leadership réside dans les difficultés rencontrées par l’armée sénégalaise lors de ses interventions dans les zones de conflit, notamment en Casamance. Depuis des décennies, la Casamance est en proie à un conflit armé imposé au Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) depuis décembre 1983. Malgré les efforts militaires répétés, l’armée sénégalaise n’a pas réussi à venir à bout des combattants indépendantistes. L’échec à pacifier ce territoire, notamment dans le contexte d’une insurrection persistante et complexe, a pesé lourdement sur la réputation du commandement militaire, à commencer par le général Magatte Ndiaye.
Le 5 juin 2024, un tragique incident a exacerbé cette situation. Sous le règne de Bassirou Diomaye Faye, fraîchement élu président du Sénégal avec le plébiscite en Casamance, des bombes tirées par les troupes sénégalaises ont tué une mère et son bébé au nord de Sindian, dans le cadre des opérations contre les forces combattantes Atika du MFDC. Ce genre de tragédie, impliquant des victimes innocentes, a provoqué des vagues de mécontentement tant au niveau national qu’international. L’opinion publique, déjà sensibilisée aux souffrances des populations civiles, a vu dans cet événement une démonstration de l’inefficacité et du manque de contrôle de l’armée sénégalaise, ce qui a conduit à une remise en question du commandement militaire en place.

2. Les tensions transfrontalières avec la Gambie et la Guinée-Bissau
Au-delà des déboires en Casamance, l’armée sénégalaise est également impliquée dans des opérations transfrontalières en Gambie et en Guinée-Bissau, où elle a été accusée de violences et d’abus. Les populations locales ont dénoncé des exactions, y compris des viols et des meurtres, en particulier dans les zones frontalières, où les troupes sénégalaises sont censées lutter contre les combattants du MFDC.
Le 26 novembre 2024, l’échec retentissant du « VIP-Day » en Gambie a mis en lumière les difficultés croissantes du Sénégal à maintenir la paix et à gagner le soutien des populations locales. L’événement, censé célébrer la deuxième patrouille conjointe des armées sénégalaise et gambienne contre les combattants indépendantistes, a viré au fiasco. Malgré des moyens financiers et logistiques considérables, l’événement a été largement boycotté par les autorités locales, qui ont refusé de se prêter à ce qui a été perçu comme une mascarade. L’humiliation publique a terni l’image de l’armée sénégalaise, exacerbant la critique de sa présence en Gambie.

3. Des revers militaires et une gestion calamiteuse des opérations
La gestion des opérations militaires dans la région frontalière, notamment avec la Gambie, a également connu des revers cuisants. Le 11 décembre 2024, une embuscade tendue par les combattants du MFDC a fait plusieurs victimes parmi les soldats sénégalais, alors qu’une colonne de militaires était en route pour le village gambien de Bambara. En dépit de l’équipement et des renforts, les troupes sénégalaises ont été prises au piège, ce qui a conduit à des pertes humaines et à un repli stratégique. Deux soldats sénégalais ont été tués, et six autres ont été blessés dans cet affrontement.
De telles pertes dans des opérations mal coordonnées ont exacerbé les critiques contre le commandement militaire, déjà fragilisé par les tensions internes et les échecs répétés. L’armée sénégalaise se trouve de plus en plus confrontée à des défis qu’elle peine à relever, et le général Ndiaye est devenu un bouc émissaire facile pour les détracteurs du régime de Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko.

4. La nécessité d’un nouveau leadership
Dans ce contexte, le changement à la tête de l’armée sénégalaise s’explique par une volonté de réagir face à ces déboires militaires. Le colonel Simon Ndour, avec son expérience internationale, notamment en tant que chef de mission des Nations Unies en Centrafrique, incarne un leadership qui pourrait être perçu comme plus pragmatique et adapté aux enjeux actuels. Sa nomination vise à insuffler une nouvelle dynamique et à rétablir la crédibilité de l’armée sénégalaise, tant auprès de la population que sur la scène internationale.

5. Un changement nécessaire mais insuffisant ?
Le changement de leadership dans l’armée sénégalaise est sans aucun doute un signal fort du président Bassirou Diomaye Faye, qui cherche à répondre aux critiques croissantes concernant la gestion des conflits internes et externes. Toutefois, ce changement de chef d’état-major, bien qu’important, ne résout pas tous les problèmes structurels et stratégiques auxquels l’armée est confrontée. Le manque de soutien populaire, les abus commis contre les civils et l’incapacité à se battre dans les forêts denses en Casamance, continuent de miner la position de l’armée sénégalaise.
Si la nomination du colonel Ndour peut apporter un renouveau en termes de stratégie et de gestion, il sera crucial que le Sénégal mette en œuvre des réformes profondes pour restaurer la confiance des populations locales et garantir le respect des droits humains dans le cadre de ses opérations militaires en Casamance, en Gambie et en Guinée-Bissau. Le défi est de taille, et le nouveau chef d’état-major devra redoubler d’efforts pour réussir là où tous ses prédécesseurs, depuis 1960, année de l’indépendance, ont échoué.

Antoine Bampoky

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