Afrique : Une plainte historique pour corruption, blanchiment et recel d’argent contre Bolloré

Onze ONG d’Afrique de l’Ouest et de France portent plainte contre le géant français, exigeant la restitution de milliards détournés et la justice pour les populations flouées.
Une plainte d’une ampleur inédite vient d’être déposée contre le groupe Bolloré, l’un des empires industriels français les plus puissants. Onze ONG issues de cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Togo, Guinée, Ghana, Cameroun, Côte d’Ivoire) ainsi que de France, regroupées sous la bannière de Restitution Afrique (RAF), ont saisi le parquet national financier (PNF) à Paris. Les accusations ? Recel, blanchiment d’argent, et corruption systémique ayant permis au groupe Bolloré d’obtenir des concessions portuaires dans plusieurs pays africains, sans appel d’offres, en échange de soutiens financiers et politiques.
Cette plainte, révélée par les médias français, met en lumière des pratiques opaques qui, selon les ONG, ont privé les États africains de milliards d’euros, tout en enrichissant indûment le groupe Bolloré. Les sommes en jeu sont colossales : 5,7 milliards d’euros, issus de la vente de Bolloré Africa Logistics à l’armateur italo-suisse MSC en 2022, sont aujourd’hui au cœur des soupçons de blanchiment.
Un système de corruption institutionnalisé
Selon les plaignants, le succès du groupe Bolloré en Afrique repose sur des « stratégies d’influence délibérées » et des « liens étroits avec les élites politiques et économiques locales ». Vincent Bolloré, figure emblématique du groupe, est directement mis en cause pour ses relations privilégiées avec des responsables politiques africains et des proches des cercles du pouvoir. Ces relations auraient permis au groupe d’obtenir des concessions portuaires majeures au Togo, en Guinée, au Cameroun, au Ghana et en Côte d’Ivoire, sans aucune transparence ni concurrence.
« Le groupe Bolloré a bâti son empire en Afrique sur des pratiques corruptrices qui ont spolié les populations locales« , dénonce Jean-Jacques Lumumba, président du collectif Restitution Afrique, au micro de BFMTV. « Cette plainte est historique car elle est panafricaine. Nous voulons non seulement punir les corrupteurs, mais aussi redistribuer les fonds détournés à ceux qui en ont été privés. »
Une plainte qui s’appuie sur des précédents judiciaires
Cette action judiciaire s’inscrit dans un contexte où le groupe Bolloré est déjà sous le feu des projecteurs pour ses pratiques en Afrique. En 2021, le groupe avait conclu une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec le PNF, payant 12 millions d’euros pour solder plus de dix ans de poursuites pour corruption au Togo. En 2024, le PNF a requis que Vincent Bolloré soit renvoyé en procès pour corruption. Une décision qui pourrait être rendue prochainement par un juge d’instruction.
Une loi française au service de la justice africaine
La plainte des ONG s’appuie sur une loi française votée en 2021, qui permet que les actifs confisqués dans des affaires de corruption internationale financent des projets de développement bénéficiant aux communautés touchées. RAF exige ainsi que les fonds saisis soient réaffectés aux populations africaines lésées par les pratiques du groupe Bolloré.
« Cette plainte est un signal fort envoyé aux multinationales qui pensent pouvoir exploiter l’Afrique en toute impunité« , explique Me Antoine Vey, avocat des plaignants. « Nous voulons que justice soit rendue, non seulement pour les États, mais aussi pour les populations qui ont été spoliées.«
Une affaire qui dépasse les frontières
Cette plainte panafricaine marque un tournant dans la lutte contre la corruption en Afrique. Elle met en lumière les mécanismes complexes par lesquels des multinationales exploitent les ressources et les infrastructures africaines, souvent avec la complicité des élites locales. Elle interroge également sur le rôle des États occidentaux, dont la France, dans la régulation des activités de leurs entreprises à l’étranger.
« L’Afrique n’est plus un terrain de jeu pour les multinationales« , déclare un membre de RAF. « Nous exigeons la transparence, la justice et la restitution de ce qui nous a été volé. »
Quelles suites pour Bolloré ?
Si la plainte aboutit, elle pourrait ouvrir la voie à des poursuites judiciaires sans précédent contre le groupe Bolloré et ses dirigeants. Elle pourrait également inciter d’autres pays africains à se joindre à cette lutte pour la justice et la restitution des fonds détournés.
En attendant, cette affaire rappelle une vérité cruelle : l’exploitation économique de l’Afrique par des intérêts étrangers reste une réalité. Mais elle montre aussi que la résistance s’organise, et que les voix africaines commencent à se faire entendre, même dans les tribunaux européens.
Saliou Cissé
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