Casamance : 2024, la résistance inébranlable face à l’oppression
La Casamance, n’a cessé de résister à l’oppression et aux violences de l’Etat sénégalais depuis des décennies. Loin d’être un simple « contretemps » dans l’histoire de la nation sénégalaise, la lutte pour l’indépendance casamançaise incarne un combat de survie, un refus catégorique de l’assimilation imposée par Dakar. En 2024, ce conflit historique semble atteindre une nouvelle intensité, avec des événements qui viennent nourrir les rancœurs, rallumer la flamme d’une révolte populaire et internationaliser le débat sur l’autodétermination des Casamançais.
La répression militaire en Casamance ne faiblit pas. Entre janvier et décembre 2024, des centaines de civils ont été arrêtés, torturés et enlevés dans des conditions inhumaines, témoignant d’une stratégie de terreur systématique destinée à écraser toute forme de résistance. Le cas des arrestations arbitraires à Ougonor ou à Batanding Boudiakène, où des familles entières ont été frappées par les violences militaires, illustre parfaitement cette brutalité. Plus encore, l’assassinat de Landing Camara en janvier, le massacre de Boffa-Bayotte en 2017 et la multiplication des embuscades du MFDC montrent que les Casamançais, malgré la répression, n’ont pas rompu le lien avec leur quête de justice et de dignité.
Les commémorations, telles que celles du naufrage du bateau le Joola ou celles de 18 et 26 décembre en hommage aux victimes du massacre de 1982 et 1983, ne sont pas seulement des moments de mémoire, mais des cris d’alarme. Ces événements, loin de s’estomper avec le temps, deviennent des symboles puissants de l’indépendance non reconnue. Ils alimentent la résistance populaire et renforcent les convictions de ceux qui continuent de revendiquer le droit à l’autodétermination.
La victoire électorale de Bassirou Diomaye Faye en mars 2024, obtenue grâce à un soutien massif de la Casamance, a nourri un espoir temporaire. Mais la déception est vite arrivée. Lors de son premier discours, le 3 avril, par mépris, Diomaye Faye n’a pas évoqué la Casamance, et la majorité casamançaise a ressenti un vide, une absence d’engagement pour les droits du peuple. Dès lors, l’indépendantisme casamançais, incarné par le MFDC, a réagi avec force, dénonçant l’inaction de l’État et rejetant les promesses vaines des autorités sénégalaises.
Face à un gouvernement sénégalais qui continue de soutenir les milices criminelles à Diakaye et d’envoyer l’armée contre les populations civiles, les jeunes Casamançais prennent les devants. Dans des actions de protestation menées en 2024, ils ont dénoncé la violence militaire et réclamé le retrait des troupes sénégalaises de leur terre. Une grande partie d’entre eux a fait sienne la cause de l’autodétermination, exigeant non seulement la fin des massacres, mais aussi la reconnaissance internationale des crimes de guerre perpétrés depuis 1982. Le soutien à des personnalités comme Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye s’inscrit dans une démarche de résistance politique contre la domination de Dakar, mais il ne faut pas se tromper : les Casamançais ne réclament pas seulement un changement de pouvoir, mais bien l’indépendance, un retour aux racines d’un territoire historiquement autonome, nié volontairement pendant trop longtemps par l’histoire officielle du Sénégal.
L’annulation de la présentation du livre « L’idée de la Casamance autonome » de Séverine Awenengo Dalberto en octobre 2024 est un autre exemple d’intolérance à l’égard de la parole casamançaise. L’État sénégalais redoute la remise en question de son autorité sur cette Casamance rebelle, et cherche à étouffer les voix qui portent l’idée d’une Casamance autonome, voire indépendante. L’histoire de la Casamance, qui remonte à l’époque coloniale, est marquée par des luttes incessantes pour l’autonomie. Depuis la manifestation de 1914 à Ziguinchor jusqu’aux révoltes modernes, chaque génération de Casamançais a payé un prix fort pour cette résistance.
Pourtant, à chaque défaite, une nouvelle génération se lève. De la mobilisation pour l’indépendance au soutien aux prisonniers politiques, la Casamance démontre qu’elle ne se résigne jamais à l’injustice. La situation tragique de René Capain Bassène, emprisonné dans une cellule délabrée et malade, ou encore les 200 jeunes emprisonnés lors des rafles militaires, montrent que la répression est omniprésente. Mais c’est dans la résistance et la solidarité que naît l’espoir, et dans le refus du silence que s’affirme la revendication pour une Casamance libre et indépendante.
La Casamance n’est pas une région du Sénégal. Elle est un phare de lutte, une terre de résistance qui résiste à l’oubli et à l’inhumanité. Si l’histoire officielle du Sénégal continue de la réduire à une simple « insurrection« , les Casamançais, eux, savent qu’ils portent un combat bien plus vaste : celui d’un peuple qui n’a pas cessé de rêver de sa liberté, d’un peuple qui, par-delà les décennies de souffrances, n’a jamais accepté de se soumettre. La lutte pour l’indépendance de la Casamance ne fait que commencer, et en 2024, elle devient un symbole de la résistance contre la répression.
Emile Tendeng
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