Casamance / Contribution d’un humanitaire américain (R.H. Lee) : Stagnation forcée des droits de l’homme
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J’ai passé les deux dernières semaines à parcourir la Casamance, une province luxuriante en proie à un conflit sans fin : Diouloulou, Bignona, Ziguinchor, Cap Skirring, Bambali, Kolda, Tambacounda, Kédougou et Sabodala. J’ai pu y découvrir un pays riche en culture et en potentiel, mais qui suffoque sous le poids de la répression, de la corruption et des promesses non tenues. Un rapport effrayant de notre équipe de terrain, publié alors que le Sénégal célèbre un an de mandat sous la présidence de Bassirou Diomaye Diakhar Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko, confirme une triste réalité : rien n’a changé en matière de droits de l’homme en Casamance depuis 1960.
Depuis plus de six décennies, l’élite dirigeante de Dakar vend à la population une illusion de progrès de la paix. Le nouveau gouvernement, porté au pouvoir par une vague d’espoir, a promis des réformes. Au lieu de cela, nos collègues sur le terrain dressent un tableau d’abus incessants : libertés publiques bafouées, droits bafoués et une population qui réclame justice. Les Casamançais ne réclament pas l’aumône ; ils réclament ce qui leur appartient : droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Pourtant, le gouvernement sénégalais semble sourd à leurs appels.
Le rapport ne mâche pas ses mots. Les citoyens sont victimes de discrimination, d’arrestations arbitraires et, pire encore, d’humiliations et de tortures dans les casernes de gendarmerie et dans les prisons surpeuplées. L’agitation sociale est à son comble, les manifestations se multipliant alors que les habitants réclament non seulement de meilleures conditions de vie, mais aussi une totale indépendance vis-à-vis d’un système qu’ils considèrent comme oppressif et envahisseur avec une armée omniprésente. Du viol aux agressions physiques, des voix réduites au silence aux moyens de subsistance réduits à néant, la liste des violations est ahurissante. La liberté d’expression ? De réunion ? Le droit au travail ? Tout est assiégé.
La corruption, ce vieux fléau, s’envenime comme une plaie ouverte. La bureaucratie étouffe les opportunités et les emplois, lorsqu’ils existent, sont attribués à des personnes bien placées. Le rapport cite une statistique stupéfiante : 72 % des emplois salariés occupés par des Sénégalais en Casamance sont obtenus par népotisme ou par corruption pure et simple. Dans le même temps, la violence est devenue un élément sinistre de la vie quotidienne, érodant le tissu social et menaçant toute une génération de décadence morale.
Notre équipe dénonce ces « pratiques scandaleuses », une justice défaillante ou manifestement partiale et un gouvernement complice de la propagation des maux sociaux. Elle est solidaire des militants casamançais, dont le combat pour l’indépendance et la dignité est aussi juste que désespéré.
Et puis il y a Sabodala, où la terre saigne de l’or et où les étrangers en récoltent les bénéfices. L’exploitation sauvage de cette précieuse ressource se déroule sans égard pour les locaux, qui ne voient pas la richesse. C’est une tragédie emblématique de la situation de la Casamance : une région pillée depuis l’époque coloniale, dont les habitants sont livrés à eux-mêmes pour les miettes.
Ce problème ne concerne pas seulement le Sénégal, c’est une honte mondiale. Les États-Unis et le monde libre ne peuvent pas fermer les yeux sur un peuple fier qui est écrasé sous ses pieds. Les Casamançais méritent plus que de la sympathie ; ils méritent que des mesures soient prises. Alors que je m’apprête à quitter ce coin blessé de l’Afrique de l’Ouest, une vérité demeure : tant que leurs voix ne seront pas entendues, le rêve de liberté ici ne restera qu’un rêve.
Richard Henry Lee & Community
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