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Casamance : Extrait (1) de la conférence de l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor tenue à la Chambre de Commerce de Dakar le samedi 23 août 1980

Casamance : Extrait (1) de la conférence de l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor tenue à la Chambre de Commerce de Dakar le samedi 23 août 1980

Il m’a été demandé dans le cadre d’une animation culturelle, de présenter le MESSAGE DE LA REINE ALINE SITOE.

C’est un sujet extrêmement délicat, bien sûr, très intéressant, cependant passionnant même, mais trop vaste. Il faut d’abord situer mon intervention dans le contexte d’une Animation Culturelle. Ensuite, ma causerie, je préfère ce mot, car « Conférence« , en ce qui me concerne, c’est beaucoup dire, c’est ambitieux même, téméraire du surcroît ; mon intervention donc, se veut une simple introduction à un débat que je souhaite ouvert franc, concret, démocratique, je veux dire permettant à chacun, quelles que soient ses options politique, religieuses et autres, de s’exprimer librement, totalement et facilement dans notre contexte d’une rencontre culturelle. En outre, ma modeste contribution à cette animation culturelle est un effort de bénévole. C’est un travail qui n’est ni scientifique, ni technique, encore moins littéraire. Veuillez donc me pardonner ces graves lacunes.

Ce que je pense, je le dis. Ce que je sais être la vérité dans sa crudité et dans sa brutalité. Je dis la vérité toute nue sans chercher ni à blesser ni à ménager. J’expose des faits historiques. Ne faites de moi ni un détracteur systématique ni nu thuriféraire inconditionnel. Puisque nous sommes à l’heure de la Casamance.

Je parle de la Casamance avec la flamme la passion la conviction. Et, si faire se peut avec la lucidité la maîtrise de soi la clarté la vérité la dignité et j’ajouterai le courage qu’exigent la noblesse et l’importance d’un tel sujet. Là-dessus, je suis prêt à affronter n’importe quoi et surtout n’importe qui. M’étant défini par ces clarifications faites en matière d’introduction, plaçons quelques dates, disons quelques jalons pour mieux situer le message de la reine Aline SITOE dans son environnement historique.

En 1645 : Gonçalo Gamboa AYALA, nommé premier capitaine du comptoir de Cacheu, fonde Farim, sur le Haut Rio cacheu ainsi le comptoir portugais de Ziguinchor sur la basse Casamance. Il voulait rassembler les commerçants portugais dispersés le long des principaux rois de Guinée.

Le 29 Mars 1828 : Jean Clément Victor DANGLES signe à Mbering (Brin) un traité avec le chef CAYOUNOU qui cédait à la France en toute propriété et pour toujours sans redevance un terrain pour établir un comptoir et ses dépendances.

Le 22 janvier 1836 : Cession de l’île de Carabane à la France par le chef de village de Kagnout.

Le 24 Mars 1837 : DAGORNE, gouverneur particulier de Gorée négocie un traité avec le « Mansa« (Roi) : un Bagnonne mandiguisé dit-on, BODIAN DOFA, accord cédant à la France un terrain à Sédhiou.

En 1885 : Conférence de Berlin : l’Europe se partage de l’Afrique.

Le 12 Mai 1886 : Fameuse convention Franco-portugaise de Paris. Le Portugal cède à la France ses prétendus droits sur la Casamance. En échange, il reçoit de la France le territoire du Rio Cassini, au nord de la Guinée Française. Ces deux pays européens décident ainsi du sort de cette Casamance : un pays africain qu’ils n’avaient même pas encore conquis.

Le 22 avril 1888, à 8h07mn, la France prend officiellement possession de Ziguinchor et dépendances, pour le bonheur te le malheur de la Casamance. Le chef de village est immédiatement destitué pour avoir refusé de faire acte d’allégeance à la France. Ça promet ! Entre la lusitanité et la francité, en attendant la Sénégalité, les Ziguinchorois avaient le plus simplement du monde, choisi la Casamancité, avec cela s’explique un peu plus de sympathie pour la Lusitanité. Oui la Casamance a toujours voulu et voudra toujours quoi que l’on fasse rester elle-même.

Vers 1900 : A Tuba, tout près de Syndina, mort è 82 ans environ, de l’insaisissable Sunkari CAMARA que le commandant DODDS ne parvint jamais à capturer dans le département de Sédhiou, et qui ne déposa les armes qu’usé par l’âge et la maladie.

Le 22 Mars 1901 : Mort à 83 ans, de Ibrahima Fodé KABA DUMBUYA, dans son « Tata » de Médina, dans le Fogny, attaquée par les troupes françaises de colonel ROUVEL.

En 1903 : Sous le commandement du capitaine THIERRY MAUPRAS, les français s’emparent d’OUSSOUYE, la capitale du Kassa, exilent le roi SIHALEBE DIATTA à Sédhiou, ou ils le laissent mourir d’une grève de la faim qu’il avait faite pour ne pas transgresser les lois héritées des ancêtres.

SIHALEBE partit pour son exil sans retour, la lutte continue sous la direction du grand prêtre d’OUSSOUYE : DIAMUYO DIATTA, allié à Hulikabang, roi du village Kakuhaye, en Guinée Portugaise.

Le 17 Mai 1906 : Mort héroïque à Séléky de Djignoeb BADJI ou BASSENE, allias BIGOLO, chef dont le nom a été à un lycée qui n’a pas encore fini de faire parler de lui.

Le 15 Septembre 1912 : le père supérieur de la mission catholique de Ziguinchor rapporte à Monseigneur Hyacinthe JALABERT, vicaire Apostolique de la Sénégambie, que  » jusqu’à ce jour, le pays n’est pas considéré comme pacifié ».

Le 20 Mars 1914 : Des manifestants PORTEURS DE PANCARTES réclament, non pas au gouverneur du Sénégal, mais au gouverneur général de l’Afrique Occidental Française, WILLIAM PONTY non pas une simple  » AUTONOMIE » financière : c’est un euphémisme, mais bel et bien une réelle AUTONOMIE TERRITORIALE ET ADMINISTRATIVE DE LA CASAMANCE.

En 1916 : les missionnaires catholiques de Ziguinchor répètent dans leurs rapports à mon seigneur JALABERT que le pays, la Casamance, surtout à l’Ouest de Ziguinchor, n’est pas encore pacifié.

Le 08 Avril 1916 : le Gouverneur Général CLOZEL écrit au gouverneur du Sénégal COR :  » Le moment me semble donc venue d’envisager comment, soit en transformant les procédés d’administration actuel, soit en modifiant la répartition des troupes stationnées en Basse Casamance, nous pourrions arriver à ce que cette circonscription ne constitue plus une exception et un anachronisme dans l’ensemble de nos territoires de l’Afrique ». (Archives du Sénégal 13 G 303). Ce qui signifie en clair que la Casamance est un pays non  » pacifiée« , encore indépendant.

Oui, chaque fois qu’il s’agira de faire respecter son identité, sa personnalité, ses spécificités, ses réalités, sa mentalité, sa civilisation, se langues et sa culture, et même, pourquoi pas son entité territoriale héritée de l’histoire récente ou lointaine, la Casamance constituera toujours, qu’on veuille ou pas, et selon l’expression du Gouverneur Général CLOZEL «  une exception et une anachronisme« . Si exception et anachronisme sont synonymes d’Indépendance Nationale, je suis absolument d’accord là-dessus. Que personne ne s’y méprenne !

Le 29 Septembre 1916 : Le Gouverneur Général ANGOULVANT constate déjà,  » Il m’apparaît que jusqu’ici, l’administration de la colonie du Sénégal s’est par trop désintéressée de cette portion lointaine mais riche de son domaine, et que c’est à cette négligence regrettable qu’est due la persistance d’une situation intolérable. Je compte tout particulièrement sur vous pour mettre un terme à ces fâcheux errements pour accorder à la Casamance la même attention qu’à n’importe quelle autre partie de la colonie« . (Archives Sénégal ,13 G 38 ? Gouverneur Général ANGOULVANT au Gouverneur du Sénégal De LABRETOIGNE du MAZEL, 29 septembre 1916).

Les choses ont-elles changé depuis 1916 ? La question reste posée. J’en connais vont me répondre déjà :  » L’histoire est un éternel recommencement « . (Ecclésiaste 1,10). Oui,  » rien de nouveau sous le soleil « . C’est bien fait pour la Casamance !

Le 17 Novembre 1917 : C’est au tour du Gouverneur Général VAN VOLLENHOVEN d’avouer :  » Nous ne sommes pas les maîtres de la Basse Casamance, nous y sommes seulement tolérés… il faut que la Casamance ne soit plus une sorte de verrue dans la Colonie dont elle devrait être le joyau« . (Archives du Sénégal, 13 G 384. Le Gouverneur Général LEVECQUE, 17 Novembre 1917).

En 1918 : Premier arrestation à Etama de la Reine Aloendiso BASSENE dans le Royaume Afiladyo, dans l’actuel Département de Ziguinchor. Qualifiée d’empoisonneuse, qui veut noyer son chien l’accuse de gale, cette Résistante est condamnée aux travaux forcés à perpétuité.

Le 5 Mars 1918 : Le Député Blaise DIAGNE arrive dans une Casamance en pleine Résistance Active, pour le Recrutement de nouvelles Troupes en AOF pour le front.

L’AOF qui devait, pour le Recrutement de Décembre 1917, fournir 40 000 soldats, en donna 63 378, dont 47 000 rejoignirent la France avant l’Armistice. (Archives du Sénégal, 4 D 74. Rapport du Gouverneur Général Gabriel ANGOULVANT du au ministre ,26 Septembre 1918).

Il faut croire que, avec les méthodes esclavagistes de recrutement, l’excès de zèle est pour beaucoup dans le surnombre de conscrits.

Le Gouverneur VAN VOLLENHOVEN, après avoir recruté déjà 110.000 dans la fédération de l’AOF, refuse d’exécuter l’ordre d’en recruter 100.000 autres « .

Les opérations de recrutement qui ont eu lieu de 1914 à 1917 en AOF ont été excessives dans leurs résultats comme dans leurs méthodes. Aucun nouveau recrutement n’est possible tant que la colonie ne sera pas complètement en mains et que la population n’aura pas repris une suffisance de confiance en nous pour ne plus redouter les abus du récent passé ». (Archives du Sénégal, 4 D 73. Rapport de VAN VOLLENHOVEN à MAGINOT).

De son côté, le lieutenant-gouverneur du Sénégal, LEVECQUE, appuie VAN VO. « La mesure qui est ordonnée sera pour le Sénégal, si elle est appliquée dans toute sa rigueur apparente, ou plutôt dans toutes la rigueur qui vous est apparue, c’est à dire pour le recrutement de tous les hommes valides, sera pour la colonie un désastre irréparable, les seuls éléments de travail qui y restent actuellement disparaissent » (Archives du Sénégal, 4 D 74 ?). Lettre du lieutenant-gouverneur au Gouverneur Général, 25 Décembre 1917).

Le gouverneur VAN VOLLENHOVEN se fait plus insistant.  » Je vous supplie, Monsieur le ministre, de ne pas donner l’ordre de procéder à de nouveaux recrutements de troupes noires. Vous mettriez ce pays à feu et à sang. Vous le ruinerez complètement et ce sans aucun résultat. Nous sommes allées non seulement au-delà de ce qui était sage, mais au-delà de ce qu’il était possible de demander à ce pays« . (Archives du Sénégal, 4 D 73. Lettres de VAN VOLLENHOVEN à René BESNARD).

Toujours est-il que, sous quelque prétexte que ce fût, ce que VAN VO refusa, BLAISE DIAGNE l’accepta. Hélas ! Et l’on connaît la suite. CLEMENCEAU devient président du conseil 16 Novembre 1917, Les objections soulevées par VAN VOLLENHOVEN, Gouverneur général de l’AOF, ne le troublèrent pas. Il fait nommer le député BLAISE DIAGNE Commissaire de la république chargé du recrutement en AOF et en AEF.

Déléguée direct du ministre des colonies HENRY SIMON, il correspond directement avec lui. Cependant, il ne participe directement aux opérations de recrutements qui restent entièrement confiées au gouverneur général et aux gouverneurs.

En séjours à Paris, VAN VOLLENHOVEN apprend la direction gouvernementale. Il offre sa démission le 17 janvier 1918. Il rappelle ses critiques sur le recrutement mais déplore surtout l’envoi de la mission BLAISE DIAGNE qu’il juge inconciliable avec le décret du 18 Octobre 1904 réglant les pouvoirs du gouverneur général en AOF. Il n’admet de partager le droit de correspondance avec le ministre.

Ne parvenant pas à faire revenir VAN VO sur sa décision, CLEMENCEAU accepte de le remettre, selon son souhait, à la disposition de l’armée. Incorporé avec le grade de capitaine dans un régiment d’infanterie colonial du Maroc ou il avait déjà servi, VAN VOLLENHOVEN est tué au combat le 10 juillet 1918. Il est remplacé à DAKAR par GABRIEL ANGOULVANT qui exercent l’intérim jusqu’en 1919. Ce n’est donc une question raciale qui est à l’origine de la démission fracassante de VAN VO, comme le laissaient entendre certains orateurs lors de célébration du centenaire de la Naissance de Blaise DIAGNE.

Kondiarama (Extrait Numéro 1)

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