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Casamance : Freedom House ou l’art de maquiller la répression en démocratie

Casamance : Freedom House ou l’art de maquiller la répression en démocratie

Le rapport « Freedom in the World » de Freedom House, publié cette fin de février 2025, nous vend une fable bien propre sur le Sénégal. Pour la 19e année consécutive, l’organisation américaine note un déclin global de la liberté dans le monde, mais – ô miracle – le Sénégal, lui, serait une exception lumineuse en Afrique de l’Ouest. Élevé au rang de « pays libre » en 2024, ce dernier aurait, selon le rapport, renforcé sa démocratie grâce à la victoire de l’opposition face aux manœuvres électorales de l’ancien président Macky Sall. Une belle histoire, presque trop belle pour être vraie. Et pour cause : elle l’est.

De qui se moque-t-on ? Derrière ce satisfait de façade, Freedom House semble avoir soigneusement balayé sous le tapis les réalités brutales qui gangrènent le Sénégal, notamment en Casamance. Cette province autonome depuis la colonisation française, théâtre d’un conflit armé parmi les plus anciens au monde depuis 1982, reste un abcès que Dakar préfère ignorer – et que Freedom House, apparemment, a choisi de passer sous silence.

En 2024, les forces de sécurité sénégalaises, sous les ordres de Macky Sall, ont semé la terreur au nord de Sindian : des massacres ont fait fuir plus de 6 000 villageois vers la Gambie voisine. À Diobé, Bignona, Médina Gounasse, Kédougou, Cap Skirring, Ziguinchor ou encore Diouloulou, une trentaine de jeunes manifestants sont tombées sous les balles des militaires, gendarmes et policiers.

Des centaines d’autres Casamançais, stigmatisés par le régime, ont été arrêtés, torturés, puis jetés dans les geôles de Reubeuss à Dakar, de Kolda ou de Ziguinchor. Où est la démocratie dans ces charniers ? Où est la liberté d’expression dans ces crises étouffées ?

Le rapport de Freedom House préfère applaudir une alternance politique à Dakar sans jamais regarder au-delà de la capitale. Oui, l’opposition a triomphé en 2024 malgré les tentatives de Macky Sall de retarder les élections.

Mais peut-on sérieusement parler de renforcement démocratique quand une partie du pays vit sous la botte militaire, dans un conflit que le pouvoir central refuse d’adresser ? La Casamance n’est pas un détail, c’est une blessure ouverte qui expose l’hypocrisie d’un système – et d’un rapport – qui célèbre des façades plutôt que des réalités.

Et que dire de Freedom House elle-même ? Cette ONG, financée à 75-90 % par le gouvernement américain via l’USAID suspendu par le nouveau président Donald Trump, le Département d’État et le National Endowment for Democracy, a-t-elle vraiment les mains libres pour dire la vérité ? Ses autres soutiens – Open Society Foundations de George Soros, gouvernements européens dociles – ne changent rien à l’affaire : son indépendance est un mythe.

On comprend mieux ce rapport complaisant. Il ne s’agit pas d’évaluer la liberté, mais de polir l’image d’un régime qui sert les intérêts géopolitiques de ses bailleurs de fonds.

Alors, le Sénégal « pays libre » ? Dites-le aux familles des victimes de Bignona. Dites-le aux prisonniers de Reubeuss et de Ziguinchor. Freedom House peut bien publier ses classements ronflants, la vérité, elle, ne s’écrit pas dans les bureaux climatisés de Washington. Elle hurle dans les villages martyrisés de Casamance.

Pierre Coly

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