Casamance : Silence sous les palmiers : quand les journalistes de la chaîne Al Jazeera sont expulsés manu militari par la gendarmerie sénégalaise

Il y a des images qui ne passeront jamais à l’écran. Des vérités qui resteront confinées aux carnets de notes, bloquées aux portes de l’aéroport, confisquées avec les caméras. Ce dimanche 13 avril 2025, au Cap-Skirring, station balnéaire paisible de Casamance, ce n’est pas un fait divers qui s’est produit. C’est une gifle assénée à la liberté de la presse, en plein cœur de l’Afrique.
Une équipe de la chaîne Al Jazeera — dûment accréditée, précisons-le — a été interpellée dès son arrivée à l’aéroport. Leur tort ? Avoir voulu documenter le retour des déplacés de guerre – s’il y en a vraiment comme le claironne l’Etat du Sénégal, dans cette province meurtrie de plusieurs décennies de conflit, mais toujours digne, qu’est la Casamance. Leur mission journalistique ? Donner la parole aux oubliés de l’histoire. Leur récompense ? Des menottes invisibles, des interrogatoires musclés et une expulsion déguisée.
Nicolas Haque, correspondant chevronné de la chaîne, accompagné de sa camerawoman Magali Rochat, ont subi un double affront : interpellés une première fois par la police sénégalaise à l’aéroport, ils ont ensuite été de nouveau arrêtés à leur hôtel par la gendarmerie sénégalaise. Interrogés séparément pendant une heure, comme des suspects, ils ont vu leur matériel de travail et leurs passeports confisqués, avant d’être « gentiment » escortés pour être renvoyés à Dakar.
À quoi assiste-t-on exactement ? À une dérive sécuritaire ? À une paranoïa politique mal dissimulée ? Ou pire : à une tentative calculée de bâillonner une presse étrangère trop curieuse, trop libre, trop indépendante ?
Le communiqué de l’Association de la Presse Étrangère au Sénégal (APES) est sans équivoque. Cette interpellation est une entrave sans précédent dans l’histoire sénégalaise à l’exercice du journalisme. Depuis 1963, jamais une équipe de journalistes étrangers n’avait été traitée avec une telle défiance. Jamais la voix du reportage n’avait été muselée de façon aussi brutale.
Ce qui s’est joué dimanche au Cap-Skirring dépasse un simple excès de zèle. C’est un signal inquiétant. Le Sénégal, longtemps considéré comme un bastion de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, glisse-t-il lentement vers un modèle où les journalistes sont des intrus en Casamance, des gêneurs à neutraliser ?
La Casamance, elle, attend toujours que l’on raconte son histoire. Mais les micros sont éteints. Les caméras ont été rangées. Et les témoins, une fois encore, ont été privés de leur voix.
Restera-t-il au peuple Casamançais la force de dire non à cette dérive ? Resterons-nous spectateurs d’un paysage médiatique qui se fissure ? Ou choisirons-nous de défendre le droit fondamental d’informer et d’être informé ?
La démocratie ne s’arrête pas aux bureaux des ministères sénégalais à Dakar. Elle vit — ou meurt — sur le terrain. Là où les journalistes risquent tout pour nous livrer la vérité.
Aujourd’hui, en Casamance, au Cap-Skirring, elle a été prise en otage.
Pierre Coly
Commentaires (5)
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Anonyme
J’ai deux questions à la Cédéao : Face à cette expulsion injuste décidée par le Sénégal à l’encontre de journalistes d’Aljazeera une question à la Cédéao sur la protection des journalistes se pose.
Face à l’arrestation d’autre journaliste comme Simon Pierre Faye, Abdou Nguer, ainsi que des journalistes Oumar Ndiaye et Fatima Coulibaly et compte tenu de la résolution (…) sur la protection des journalistes dans le monde et la politique de la Cédéao en la matière : Que fera la Communauté en réponse à ces violations de la liberté d’expression commises par le Sénégal ?
Carlos
Une honte absolue ! Museler des journalistes accrédités pour avoir voulu révéler la vérité sur les déplacés de Casamance, c’est cracher sur la liberté de la presse et trahir la dignité humaine. Le Sénégal de Diomaye-Sonko et des députés casaçais doivent répondre à cette infamie !
Zeus
……Le peuple casamançais, héroïque dans sa quête de liberté, ne peut être réduit à un décor de carte postale pour touristes. Il est temps de dire stop à cette oppression sénégalaise déguisée, stop à cette colonisation moderne qui censure et exile. La démocratie et l’indépendance ne se négocient pas, elle se défendent sur le terrain, là où chaque mot, chaque image compte. Vive la Casamance libre et indépendante.
MyGambia
La Casamance n’est pas seule, ses blessures sont les nôtres, son combat est le nôtre. Exigeons justice pour Al Jazeera, pour les Casamançais, pour le droit d’informer ! Wassalam
Anonyme
SI COMME LE DIT SONKO ET DIOMAYE QU’IL Y A LA PAIX EN CASAMANCE, QUE LES REFUGIES SONT RETOURNES DANS LEUR VILLAGE ET POURQUOI IL FAUT CHASSER LES JOURNALISTES INDEPENDANTS ETRANGERS. QU’EST CE QU’IL Y A ENCORE A CACHER EN CASAMANCE ?????? OU BIEN LA CASAMANCE EST UNE ZONE TOTALEMENT MILITARISEE. APRES L’EMBARGO DE MACKY SALL VOILA LA CENSURE DE DIOMAYE. QUELLE MERDE !!