Niger : Une transition militaire prolongée de cinq ans se dessine après les Assises nationales de Niamey

Le Niger s’apprête à vivre une nouvelle ère politique marquée par une prolongation du régime militaire au pouvoir. Le rapport final des Assises nationales, tenues fin février à Niamey, a officiellement été remis ce lundi au général Abdourahamane Tiani, chef du régime en place depuis le coup d’État de juillet 2023. Ce document, fruit de consultations approfondies, propose une transition d’au moins cinq ans sous l’égide des militaires, une décision qui suscite déjà des débats dans un pays confronté à une insécurité croissante et à des défis socio-économiques majeurs.
Un tournant historique pour le Niger
Lors d’une cérémonie solennelle au palais de la présidence, en présence d’anciens chefs d’État, dont Mahamadou Issoufou (2011-2021), et de diplomates étrangers, le général Tiani a salué ce rapport comme un « tournant dans la marche de notre pays ». « Travaillons pour l’existence de notre pays, particulièrement en ces temps difficiles », a-t-il déclaré, reconnaissant que le Niger, miné par les attaques jihadistes, « fait face à une insécurité » persistante. Ces propos, relayés par la radio d’État, soulignent l’urgence d’une réponse forte et coordonnée face à la menace terroriste qui frappe la région du Sahel.
Le rapport, remis par Mamoudou Harouna Djingarey, ancien haut fonctionnaire des Nations unies et président des Assises, est le résultat de six jours de travaux intenses réunissant plus de 700 participants, civils et militaires. Parmi les principales recommandations figurent une transition d’une durée minimale de cinq ans, renouvelable en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire ou de l’agenda de la Confédération des États du Sahel, une alliance récemment formée avec le Mali et le Burkina Faso.
Une transition sous contrôle militaire
Les Assises ont également proposé des mesures visant à renforcer l’autorité du régime en place. Parmi celles-ci, l’élévation du grade du général Tiani, qui passerait de général de brigade à général d’armée, symbolisant ainsi une consolidation de son pouvoir. Par ailleurs, les participants ont recommandé la dissolution des partis politiques actuels et l’élaboration d’une nouvelle charte régissant leurs activités, une décision qui pourrait redéfinir le paysage politique nigérien.
Le général Tiani, qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum en juillet 2023, a appelé à l’unité nationale dans un contexte marqué par des divisions politiques et sociales. « Ce n’est plus le moment de rancœur, de division, d’adversité stérile », a-t-il affirmé, invitant « les Nigériens à apprendre dorénavant à se pardonner ». Cet appel à la réconciliation intervient alors que le pays tente de surmonter les conséquences du coup d’État et de rétablir une stabilité politique.
Des perspectives incertaines
Si les recommandations des Assises sont entérinées par le général Tiani, comme cela est fortement attendu, le Niger s’engagera dans une période de transition prolongée, où les dirigeants actuels auront le droit de se présenter aux prochaines élections. Cette perspective soulève des questions sur l’avenir démocratique du pays, notamment en ce qui concerne la restauration d’un processus électoral transparent et inclusif.
La présence d’anciens présidents, comme Mahamadou Issoufou, à la cérémonie de remise du rapport, semble indiquer une certaine forme de légitimation du régime actuel. Cependant, la dissolution des partis politiques et la révision des règles du jeu démocratique pourraient susciter des tensions, notamment parmi les forces politiques et la société civile.
Un contexte régional volatile
Le Niger, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, fait face à une montée en puissance des groupes armés jihadistes dans la région du Sahel. La Confédération des États du Sahel, récemment créée, vise à renforcer la coopération sécuritaire entre ces pays. Cependant, cette alliance, ainsi que la prolongation de la transition militaire, pourrait isoler davantage le Niger sur la scène internationale, où les partenaires traditionnels, comme la France et les États-Unis, ont exprimé des réserves quant à la légitimité du régime.
Alors que le général Tiani s’apprête à officialiser les recommandations des Assises, le Niger se trouve à un carrefour décisif. La prolongation de la transition militaire pourrait offrir une stabilité à court terme, mais elle pose également des défis majeurs en termes de gouvernance, de droits démocratiques et de relations internationales. Dans un contexte régional marqué par l’instabilité et la violence, les choix politiques du Niger auront des répercussions bien au-delà de ses frontières.
Saliou Cissé
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