Le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) a pris le contrôle de la localité stratégique de Walikale, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), mercredi 19 mars au soir, après une journée de combats, selon des sources sécuritaires et locales. Située dans la province du Nord-Kivu, à proximité des richesses gisements d’or et d’étain, ceci marque une avancée significative du M23 vers l’ouest, une première depuis l’émergence du groupe en 2012.

Une conquête aux enjeux économiques et militaires

Walikale, un nœud routier dépendant de Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu), deux villes récemment tombées aux mains du M23, est stratégique tant sur le plan militaire qu’économique. La localité, qui compte environ 60 000 habitants, se trouve à une cinquantaine de kilomètres de la mine de Bisie, exploitée par la société Alphamin. Troisième plus grande mine d’étain au monde, Bisie avait suspendu ses opérations le 14 mars face à l’avancée du M23, évacuant son personnel. La prise de Walikale semble désormais nuire à toute reprise rapide de l’extraction, tandis que la proximité de gisements aurifères renforce l’attrait économique de la zone pour le groupe armé.

« Walikale-centre est occupé par le M23, arrivé hier vers 18 heures. Nous nous sommes retirés pour éviter des pertes humaines », a expliqué jeudi un officier des Forces armées de la RDC (FARDC). Une source sécuritaire a corroboré cette information, précisant que des combats se poursuivaient jeudi à Mubi, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest, signe que l’offensive du M23 ne faiblit pas.

Un cessez-le-feu fragilisé

Cette nouvelle conquête intervient au lendemain d’une rencontre surprise, mardi 18 mars à Doha, entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame. Ce dernier est accusé par Kinshasa, ainsi que par des experts de l’ONU, de soutenir militairement le M23 – des allégations que Kigali dément régulièrement. Lors de cette réunion, un cessez-le-feu avait été évoqué, bien que ses modalités restent floues. L’offensive sur Walikale jette un doute sérieux sur la viabilité de cet accord naissant.

Le M23, qui défend les intérêts des populations tutsi de l’est de la RDC, a repris les armes en 2021 après une période d’accalmie. Depuis, le groupe a consolidé son emprise sur de vastes territoires dans les provinces minières du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. En avril 2024, il s’était notamment emparé de la mine de Rubaya, principal gisement de coltan du pays, un minéral essentiel à l’industrie électronique mondiale.

Une offensive d’envergure aux répercussions multiples

L’avancée du M23 à Walikale s’inscrit dans une offensive d’envergure qui a vu le groupe s’emparer de Goma et Bukavu au cours des dernières semaines. Ces succès militaires renforcent sa position dans une région riche en ressources naturelles, tout en exacerbant les tensions entre la RDC et le Rwanda. Si le gouvernement congolais dénonce une agression orchestrée par Kigali, le M23, de son côté, accuse Kinshasa de marginaliser les communautés tutsi et de négliger le développement de l’est du pays.

Pour les habitants de Walikale et des environs, cette nouvelle escalade ravive les craintes de violences et de déplacements massifs. Les ONG locales appellent à une réponse humanitaire d’urgence, tandis que la communauté internationale observe avec inquiétude l’évolution d’un conflit aux ramifications régionales complexes.

Perspectives incertaines

Alors que les combats se déroulent à proximité de Walikale, l’avenir du cessez-le-feu évoqué à Doha reste incertain. La prise de cette localité stratégique par le M23 illustre les défis auxquels fait face le gouvernement congolais pour reprendre le contrôle de l’est du pays. Entre enjeux économiques, rivalités régionales et revendications ethniques, le conflit continue de défier les efforts de paix, laissant la population locale dans une situation de grande précarité.

Saliou Cissé