Vingt-deux ans après l’un des plus grands drames de notre histoire, l’État sénégalais continue d’écrire, ligne après ligne, le livre noir du mépris. Ce week-end, à Ziguinchor, les familles des victimes du naufrage du Joola ont marché. Marché dans le silence de l’État. Marché dans l’indifférence des autorités. Marché jusqu’au Mémorial-Musée… pour y trouver une porte fermée.

On interdit à un peuple de pleurer les siens. On refuse aux familles le droit d’entrer dans un lieu qui a été construit sur les cadavres de leurs enfants, de leurs pères, de leurs mères. Que reste-t-il à comprendre ? Sinon que le Sénégal ne veut ni justice, ni vérité, ni paix pour la Casamance.

26 septembre 2002 : une tragédie, une trahison

Ce jour-là, plus de 2 000 vies ont été englouties. La grande majorité étaient des fils et filles de la Casamance. Ils ont été entassés comme du bétail sur un bateau prévu pour 580 personnes. Ils ont été sacrifiés sur l’autel de l’irresponsabilité et du mépris. Et que s’est-il passé depuis ?

Rien. Aucun procès. Aucun coupable. Aucune reconnaissance. Ce n’est pas de l’oubli. C’est une décision politique.

Une Casamance abandonnée, encore une fois après l’embargo 2023-2024 de Macky Sall

Quand un drame frappe Dakar, l’État envoie ministres, médias, fonds et enquêtes. Quand la Casamance pleure, on détourne les yeux, on bâillonne la douleur. Pire : on ferme les portes du mémorial pendant une marche d’hommage pacifique. On empêche des mères de prier pour leurs enfants. On refuse aux survivants un lieu de recueillement.
Cela dépasse l’humiliation. C’est une nouvelle agression contre les Casamançais.

Le Joola n’est pas un accident, c’est un symptôme

Le naufrage du Joola, c’est la vérité nue sur le traitement réservé à la Casamance par l’État sénégalais : négligence, invisibilisation, marginalisation. Ce drame aurait pu être évité. Ce drame aurait dû être jugé. Ce drame aurait pu rassembler un peuple… mais l’État en a fait un mur.
Il n’y a pas eu d’enquête digne. Il n’y a pas eu de reconnaissance officielle des fautes. Il n’y a pas eu de justice. Il n’y a eu que le silence. Et quand les familles veulent faire mémoire, on les empêche même de pleurer.

La mémoire est à nous. La justice aussi.

Le peuple casamançais n’a pas oublié. Il n’oubliera jamais. Les visages des disparus, leurs histoires, leur dignité bafouée — nous les portons dans nos cœurs, pas dans les vitrines verrouillées d’un musée contrôlé depuis Dakar.
Il est temps de reprendre notre mémoire, notre deuil, notre dignité.
Il est temps d’exiger une justice réelle, pas un silence institutionnalisé.
Il est temps de reconnaître que derrière le Joola, il y a une volonté de maintenir la Casamance à genoux.

Retenons ceci:

Si l’État sénégalais refuse la justice, alors c’est au peuple de Casamance de la rendre.

Chérif Mbaye membre de PASTEF – Belgique