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Casamance: Interview exclusive de René Capain Bassène sur la crise et sur son second livre

Casamance: Interview exclusive de René Capain Bassène sur la crise et sur son second livre

Le journaliste, écrivain et observateur du conflit casamançais, René Capain Bassène donne sa lecture sur l’avancée du processus de paix et revient sur les difficultés qu’il est entrain de traverser depuis la publication de son second livre sur la crise.

Interview exclusive du Journal du Pays.

Monsieur René Capain Bassène, pouvez-vous nous dire à quel niveau d’évolution se situe le processus de paix en Casamance ?

Rire. A mon tour, je veux savoir s’il existe réellement un processus de paix en Casamance ?

Pourquoi semblez- vous réfuter l’existence du processus de paix ?

Parce qu’à mon avis, ce qui s’est passé ou qui est entrain de se passer en Casamance dans le cadre de la recherche de la paix est tout sauf un processus de paix.

Expliquez-vous s’il vous plait Monsieur Bassène.

Je suis trop loin d’être spécialiste en la matière, mais je crois savoir qu’un processus de paix doit comporter un contenu bien précis avec une feuille de route contenant un ensemble de mesures, de décisions et d’activités consensuelles, bien planifiées par les parties prenantes en suivant la règle du « avant », « pendant » et de l’ « après » négociations.

Ce schéma n’existe pas pour ce qui concerne ce que vous appelez vous autres processus de paix en Casamance.

En terme de recherche de la paix en Casamance, on assiste depuis 1990 à des démarches éparses mais à la fois unilatérales, avec des médiateurs choisis par l’Etat en l’absence de tout consensus.

Des acteurs qui malheureusement sont automatiquement suspectés par le MFDC qui réfute leur impartialité et leur sincérité dans le cadre de leur mission de rapprochement des parties en conflit.

Ces médiateurs souvent multiples évoluent dans le parfait désordre en se livrant une rude concurrence à travers des pratiques qui en lieu et place de contribuer à résoudre la crise, nous éloignent progressivement de cette paix tant désirée, parce que retardant le déclenchement des négociations.

Mais si vous le voulez bien et pour être conforme avec ceux qui soutiennent qu’il existe un processus de paix ; je répondrai pour clore mon argumentaire qu’absolument rien n’a bougé sur le terrain et qu’en ce moment où je suis entrain de répondre à votre question tout est au point mort, toutes les tentatives de rapprochements des belligérants ont été un échec.

Aucun contact sérieux n’est établi entre un quelconque acteur et une faction de l’aile combattante, encore moins entre un médiateur et une faction de l’aile politique qui d’ailleurs a toujours été contournée par les acteurs préposées au rapprochement des parties en conflits.

Il ne faut surtout pas se fier à la rumeur persistante qui voudrait que des négociations seraient entrain d’être menées en douce entre l’Etat et le MFDC. C’est une contre vérité absolue.

Encore une fois rien n’est entrain de bouger sur le terrain. La seule constance qui sévit en Casamance, c’est cette bombe à retardement qui se manifeste sous la forme d’un climat de ni paix ni guerre caractérisé ou camouflé par la très relative accalmie constatée depuis bientôt une dizaine d’années.

Pour clore ce point, je réitère que jusqu’en ce jour 18 Septembre 2015, rien de concret n’est entrepris ou posé comme acte dans le cadre d’aller vers une table de négociations en faveur d’un retour à la paix en Casamance.

Monsieur Bassène, comment avez-vous vécu les moments qui ont suivi la publication de votre second livre ?

Je n’en ai pas fait un événement particulier. Je vis comme si je n’ai jamais été auteur d’un livre. Pour moi écrire un livre ne relève pas de l’extraordinaire. Je reste sur ma conviction que j’écris par devoir en tant que fils de la Casamance et pour la postérité afin que les générations futures puissent avoir une idée assez précise de ce qui s’est passé. Je ne recherche ni honneur ni gloire à travers mes écrits. C’est juste une façon pour moi d’apporter ma très modeste contribution à la compréhension de ce vieux et complexe conflit qu’est entrain de traverser la Casamance.

Votre livre n’est toujours pas disponible au Sénégal, connaissez vous le pourquoi ?

Je ne peux répondre avec certitude à votre question. Mais, j’ai essayé de rentrer en contact avec Harmattan Sénégal pour savoir pourquoi le livre tarde-t-il à être vendu au Sénégal. La réponse est : « nous hésitons de l’importer à cause du sujet qu’il traite. C’est un livre problématique. Nous ne voulons pas vivre la même situation d’avec le livre du colonel Ndaw et du professeur Omar Sangharé dont les commandes ont été saisies par la douane. Nous ne pouvons ni la récupérer, ni rentrer dans nos fonds parce que les livres n’ont pas été réexpédiés à Harmattan Paris. C’est des millions que nous avons perdu. La seule alternative qui nous reste, c’est de trouver un exemplaire à soumettre en lecture aux institutions compétentes qui ensuite décideront d’autoriser ou d’interdire son importation et sa vente au Sénégal ». C’est à peu prés la même réponse que m’ont servi les responsables de la librairie « Djibekel » de Ziguinchor.

Cette réponse vous a-t-elle convaincu ?

Convaincu ou pas, je respecte la décision des autorités de l’Harmattan Sénégal. Je serai très malheureux de savoir qu’elles ont encore perdu des millions à cause d’une commande de mon livre bloquée par la douane. Harmattan Dakar avait importé et vendu sans problème quelques exemplaires de mon premier livre sur l’abbé Diamacoune. C’est de véritables professionnelles, s’ils hésitent d’importer le second, ils doivent s’être fondés sur des raisons valables. Je ne doute pas que c’est de bonne foi qu’ils ont décidé de ne pas l’importer dans un premier temps.

Comment vivez vous alors le fait que votre livre ne soit pas encore lu par les sénégalais ?

Le fait que ce livre ne soit pas encore disponible dans les librairies sénégalaises ne m’émeut pas du tout. Vous savez, on ne peut pas de nos jours empêcher à un livre de traverser des frontières. A la suite de la publication des bonnes feuilles suivies de mon interview dans le journal « Le Quotidien », les personnes qui portent un intérêt pour le conflit en Casamance ont tout fait pour se le procurer. Beaucoup l’ont acheté sous sa version électronique et nombreux sont ce qui sont parvenus à disposer de livre « physique ». En un mot, le livre est bien lu au Sénégal.

J’ai reçu des feedbacks sous forme de remerciements et d’encouragements de la part de hautes personnalités.

Mais c’est quand même dommage que le commun des citoyens sénégalais ne puisse pas encore le lire. A longueur de journées les gens ne cessent de m’interpeller sur l’endroit où ils pourraient l’acheter.

Je demeure très serein car entièrement convaincu que ce livre qui de nos jours est bien vendu en France et au Canada sera un jour disponible au Sénégal parce que c’est un livre classé dans la rubrique « études africaines », il sera tôt ou tard consulté par les chercheurs et les étudiants pour ne citer que ceux là.

Cela ne va –t-il pas vous décourager et vous amener à renoncer à rechercher et à écrire sur le conflit casamançais ?

Pas du tout, j’ai précisé tantôt que j’écris par devoir et pour la postérité. Un livre c’est pour des siècles, ce n’est pas un article de presse qui a une durée de vie trop courte. Jusqu’à nos jours, les écrits d’Hérodote sont consultés, alors qu’ils ont été rédigés il y a plusieurs siècles ; même les hiéroglyphes sous l’ancienne Egypte ont intéressé les chercheurs modernes et contemporains à l’image du Savant sénégalais Cheikh Anta Diop. C’est pour dire que ce livre sera lu au Sénégal.

Aussi, je vous informe pour vous rassurer que je ne suis pas découragé que je suis très avancé dans la rédaction de mon troisième livre, consacré cette fois a la problématique du retour à la paix. Si le Bon Dieu continue toujours de me prêter vie, il sera disponible courant 2016.

Qu’en est-il des menaces dont vous avez déclarées être victime ?

En effet, depuis la publication en mars 2013 de mon premier livre sur l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, je n’ai cessé de faire l’objet de menaces, de tentatives d’intimidation, de propos malveillants et d’accusations de toutes sortes.

Ces attaques directement orientées sur ma pauvre personne et non sur mes modestes écrits se sont empirées à la suite de mes nombreuses contributions sous forme d’articles sur la gestion du processus de paix en Casamance, et ont atteint leur pic à partir de Juin 2015 avec la publication de mon second livre axé sur le conflit casamançais de 1982 à 2014.

J’ai compris que mes modestes contributions sur la gestion du conflit dérangent certains acteurs qui ont fait de la crise casamançaise leur gagne pain.

Ces derniers sont entrain de s’activer par tous les moyens et procéder surtout les plus lâches pour me contraindre au silence. J’ai compris que quelle que part, je cours un danger permanent. Je suis persuadé et convaincu au vu de ce que je suis entrain de traverser que ma vie est en danger.

Que répondez vous à ceux qui ne cessent de vous demander de clairement décliner votre position ; en somme de dire précisément à quel camp vous appartenez ; si vous êtes du côté de l’Etat ou de celui du MFDC où si vous vous activez pour que vous soit confié le juteux dossier de la gestion du processus de paix en Casamance.

A ceux qui cherchent à me décrédibiliser en me traitant de rebelle voici ma réponse :

Le conflit casamançais est devenu un enjeu économique pour certains lobbies au point de se demander si on peut toujours le qualifier de conflit.

Pour ma part, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’être dans un système c’est-à-dire du côté du MFDC, de l’Etat ou des « messieurs Casamance » pour le faire évoluer. Je puise ma conviction dans la Bible où je suis resté très fortement marqué par l’histoire de Saint Jean le Baptiste.

Ce dernier a vécu et prêché dans le désert, se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, s’habillait avec des peaux de chameaux. Contrairement aux pharisiens, il n’appartenait à aucune synagogue. Il n’était donc dans aucun « système » et cela lui a conféré la possibilité et la liberté de dire de manière claire et directe certaines vérités aux grands dignitaires de sa société ; de traiter les pharisiens et les prêtres qui gravitaient autour de la synagogue d’engeance de vipères, de tancer ceux qui brutalisaient et exploitaient la population en lieu et place de la protéger.

Mais du désert où il se trouvait et où il vivait dans l’extrême désintéressement, les populations s’intéressaient en masse à ses propos… dont les échos dérangeaient une certaine catégorie de la société…

Ainsi, tout comme Jean le Baptiste que j’ai érigé en model de vie, j’ai choisi et décidé de ne jamais appartenir à système en ce qui se rapporte au conflit en Casamance. J’ai rejeté d’alléchantes propositions d’appartenance à des groupes ou lobbies qui s’activent et dont les membres tirent profit du conflit casamançais.

Je ne suis d’aucun bord ni d’aucun rebord, c’est ce qui me donne la latitude de me prononcer très librement sur certains aspects du conflit en Casamance; la possibilité de fustiger et de dénoncer de vive voix mais avec objectivité certains comportements qui à mon avis contribuent à retarder le déclenchement du processus de négociations en faveur de la paix en Casamance, mais également d’encourager et de féliciter toute bonne initiative allant dans le sens de rapprocher les belligérants.

Je précise que je n’ai pas de bailleurs et que je n’en veux pas du tout, je ne suis à la solde de personne. Je n’écris ni pour l’Etat, ni pour le MFDC encore moins pour les messieurs Casamance ou autres acteurs et que je n’ai nullement la moindre prétention à ce que me soit confié le pilotage de l’épineux mais à la fois « succulent » dossier Casamance.

J’écris comme tant d’autres ont eu à le faire avant moi pour contribuer à aider l’opinion de manière générale, à comprendre cette guerre trop lourde de conséquences pour les populations vivant en Casamance et pour contribuer à aider les acteurs à pouvoir trouver des portes de sortie de crises.

Mon objectif c’est de contribuer à « démocratiser les débats » à définitivement « casser » le tabou qui entoure la problématique de la crise casamançaise et sa gestion en recueillant le maximum d’avis contradictoires de la part des principaux acteurs, mais aussi des populations afin de favoriser un espace de dialogue et d’échange pour une meilleure compréhension de cette guerre et de permettre à chacun de pouvoir émettre son opinion dans le cadre de la recherche de solutions durables de sortie de crise.

Enfin, je les invite à lire mon second livre car il les aidera à coup sûr à comprendre beaucoup d’aspects de ce conflit.

Vous n’avez pas que des détracteurs, quel message adressez- vous à ceux qui manifestent un intérêt pour vos contributions et qui se soucient pour votre vie ?

Je tiens à mon tour à leur dire merci… pour toute la peine qu’ils se font pour ma très modeste personne.

Je tiens aussi à les rassurer que je ne céderai jamais face aux menaces et aux fausses accusations contre ma personne provenant d’individus qui luttent pour leur survie sociale, matérielle et économique en lieu et place de s’activer pour aider au retour d’une paix durable en Casamance ; des gens qui croient avoir l’exclusivité d’agir et de parler du conflit et qui sont prêts à frustrer, à marginaliser, à persécuter et à tuer quiconque qui tenterait d’émettre un avis contraire aux discours souvent très faux qu’ils servent à l’opinion et surtout aux autorités du Sénégal.

Je ne me laisserai pas détourner ni décourager par certains individus qui pour des raisons occultes cherchent à me tirer vers le bas.

Je revendique le droit comme tout le monde et surtout en tant que fils de la Casamance de pouvoir donner mon point de vue sur certains aspects de la crise que je suis entrain de vivre depuis ma tendre enfance et sur la gestion du processus de paix en Casamance.

Je vais sans chercher à gêner quiconque continuer à rechercher et à me prononcer si nécessaire sur le conflit casamançais. Je donnerai le meilleur de moi pour apporter un peu de lumière sur certains aspects afin de favoriser encore une fois une meilleure compréhension de ce conflit vieux de trente quatre ans.

Votre dernier mot si vous en avez ?

J’ose espérer que mes détracteurs finiront par comprendre et accepter que ce qui nous lie ou qui devrait tous lier ne soit rien d’autre que l’intérêt que nous portons pour le conflit en Casamance. A cet effet, le seul et vrai combat qui vaille d’être mené, c’est celui pour le retour d’une paix durable en Casamance.

Ce combat nécessite à mon avis l’implication de tout le monde : du plus grand savant au plus petit ignorant. C’est ensemble que nous pourrons faire bouger les choses et espérer arriver à cette paix tant désirée par les populations.

En attendant, je continuerai à suivre les traces de Jean le Baptiste, c’est-à-dire de ne pas appartenir à un système et de continuer à me prononcer librement en cas de nécessité sur la problématique de la crise en Casamance malgré les menaces dont je suis victime.

On me tuera, mais on ne me musèlera pas…Jean le Baptiste est mort décapité…René Capain Bassène est victime de menaces répétitives, mais ne s’est encore fait aucune idée de ce qui l’attend…

Quoi qu’il m’advienne, je remets tout à la volonté du Tout Puissant Bon Dieu en qui je me suis entièrement confié…

Interview réalisée par Abdou Rahmane Diallo exclusivement pour le Journal du Pays

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Commentaires (5)

  • Mendycasa

    Tout le monde a fait ce constat. Le pouvoir illégitime et colonial sénégalais à travers Senghor, Abdou Diouf, Ablaye Wade et Macky Sall , a toujours usé de trois options : Menaces, intimidations et corruption.
    Mais pour se faire il faut d’abord brader nos richesses au détriment du développement durable du pays et de sa population.
    Voici que le Sénégal a décidé de suicider un peuple pacifique pour régner et assouvir une vieille haine tenace de vengeance ou simplement de jalousie.
    N’oublions jamais leurs larbins zélés qui profitent sur notre dos et qui en plus nous insultent sur des airs de :  » Ces Lakakates de la forêt ! »

  • Kolda Nafoure

    hallo zeus, ton information n’est pas assez juste. seul le quart de nos commandes est disponible à kolda. l’émissaire qui est de velingara a préféré fournir ses amis. nous sommes fâchés et attendons le reste de nos commandes

  • CANADA

    Merci à Abdou Rahmane Diallo pour cette interview très révélateur sur la modeste personne de RCB.
    L’histoire a montré que le Bon Dieu a créé les communautés en leur offrant des hommes dont elles ont besoin pour survivre et prospérer. Il reste à ces hommes de mener à bien le rôle qui leur est dû pour servir dignement leur communauté.
    RCB en est UN, avec tout le travail d’information qu’il accomplie pour servir sa communauté et le monde tout entier au risque de sa vie. Que le Bon Dieu, le Tout puissant, te protège de ces détracteurs mal intentionnés, et te donne longue vie, ainsi que ta famille.
    Avec le second livre qui nous est parvenu maintenant, j’ai entamé la lecture de ce cadeau tombé du ciel. Un ensemble de témoignages et de révélations qui interpelle une certaine méconnaissance de ce conflit par la génération actuelle, encore tenue à l’écart. Mais surtout une merveille et une aubaine pour la postérité. Car, ce conflit fait parti de notre histoire, et ignorer son histoire est un préjudice inacceptable qui porte atteinte à la dignité humaine.

    Vive la jeunesse casamançaise bien éveillée!!

    Vive la Casamance LIBRE!!!

  • Katakalousse

    DIEU EST AVEC TOI, LA CASAMANCE EST AVEC TOI. RCB OLOLAL.PERSONNE NE TE POURRA RIEN.VIVE LA CASAMANCE LIBRE

  • Zeus

    Je te remercie René pour ton interview au JDP. J’ai fait la commande de ton livre depuis mes amis en France. Le livre m’est parvenu a dakar sans problème. Nous savons tous comment introduire votre livre en Casamnce, déjà je puis vous dire qu’une centaine est déjà distribuée par des amis à Kolda et environs. Bravo mes amis du Fouladou !!!!

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