La paix en Casamance passe par l’identification du conflit
Il aurait fallu plus d’un demi-siècle de lutte, émaillée de milliers de morts, de massacres de civils d’assassinats contre les personnalités imminentes , de tortures, d’emprisonnements arbitraires, qu’aujourd’hui comme des champignons, pullulent des organismes de recherche de paix en Casamance. Mieux vaut tard que jamais me dira-t-on. Mais où donc se cachaient mes chers frères et sœurs de notre Mère Casamance me demanda l’un? Les bâtons de pèlerins de la paix ne manquaient pourtant pas pendant tout ce temps ! S’exclama l’autre. Même s’il faut saluer la participation citoyenne, nul doute que la paix en Casamance se vend bien à la présidence du Sénégal et ils sont nombreux ceux qui l’ont compris.
Une porte est maintenant ouverte pour des négociations et la Casamance ne peut rater cette occasion pour montrer à la face du monde ce dont elle veut et est capable d’entreprendre même si elle doit se répéter. Déjà en mars 1914, lors de la visite de William Ponty, le gouverneur de l’Afrique Occidentale Française (AOF), les pancartes portées par nos ancêtres portaient des écriteaux : Vive l’indépendance !
Faudrait-il identifier d’abord les causes du conflit avant de favoriser les facteurs de la paix ? Et de quelle paix s’agira-il ?
Le programme de Macky Sall pour la paix relayé par la presse sénégalaise n’est pas nouveau en soi. Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade l’ont déjà implémenté, et c’est le suivant : Les négociations, le désenclavement (terrestre, fluvial, aérien), le développement, le pardon, la réconciliation, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des combattants. Et le tour de magie est joué : Voilà la paix définitive « made in Senegal » aux Casamançais !
Comme nous le constatons cette manière de voir la paix occulte les causes du conflit et de la guerre, en un mot l’histoire de la Casamance. Je ne crois pas que l’on puisse être sincère pour le dialogue quand, de facto, l’on semble ignorer cet aspect fondamental de l’existence même de la Casamance.
Ce conflit, il serait malhonnête de ne pas le reconnaître, est basé sur l’appropriation des droits fondamentaux et légitimes de la Casamance par l’état du Sénégal.
Les droits humains énoncés dans la déclaration universelle de 1948 (Lire la contribution du frère Touré Mandiko dans notre journal) constituent un idéal politique fondé sur des valeurs communes à tous les peuples sans distinction, indépendamment des différences culturelles, religieuses, économiques, sociales et politiques. Ce socle, les régimes successifs sénégalais ont volontairement et systématique empêché au citoyen casamançais d’évoluer dans un espace de liberté, dans des conditions d’égalité, au respect de la pluralité des opinions et de l’intérêt commun. Pire encore, la gestion de l’autorité politique, administrative et militaire a anéanti la dignité et les droits essentiels des individus tout en malmenant la justice sociale dans nos villes et villages.
Qui ne sait pas dans le monde que les ressources naturelles de la Casamance sont abondantes et constituent un enjeu géopolitique de premier ordre ? Ces ressources et ces terres sont spoliées confisquées et non partagées comme certaines promesses politiques le soutenaient.
Pour être respectés, les droits doivent trouver à s’affirmer, notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il convient pour tout Casamançais de garder à l’esprit que la sauvegarde des droits proclamés est aussi en soi un défi à la paix.
Bintou Diallo pour le Journal du Pays