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« L’hôpital mouroir de Ziguinchor » Tel est le titre de l’enquête de nos confrères de Sudonline

« L’hôpital mouroir de Ziguinchor » Tel est le titre de l’enquête de nos confrères de Sudonline

(Avant-propos: Celles et ceux qui croient toujours que les Casamançais sont respectés apprécieront ce témoignage de la presse sénégalaise et se poseront les bonnes questions sur le pourquoi et le comment de tel mépris.)

Pas de service de réanimation, de neurochirurgien, de médecins cardiologue et orthopédiste. Un seul gynécologue et sept sages femmes pour la maternité, un magasin transformé en service d’accueil des urgences, un service d’accueil qui a juste trois lits etc. La liste est loin d’être exhaustive pour énumérer les maux dont souffre l’hôpital régional de Ziguinchor, construite depuis 1970, du temps de la guerre de libération de la Guinée-Bissau pour servir d’antenne chirurgicale aux blessés de guerre. Cette structure hospitalière reçoit la plus petite subvention de tous les hôpitaux du pays, alors qu’elle est fréquentée par les patients des pays voisins de la Guinée-Bissau, la Gambie et parfois de la Mauritanie et du Mali.

 L’hôpital régional de Ziguinchor est construit en 1970. Non seulement les bâtiments sont vétustes, mais ils ne répondent pas aux normes architecturales d’un hôpital moderne. Depuis sa création, à part la petite modification qu’elle a subi pour l’extension de son petit bloc opératoire, la structure n’a jamais bénéficié d’un investissement  pour non seulement élargir ses locaux, mais aussi moderniser ses infrastructures.

La région est reconnue pour son enclavement, d’où les difficultés liées aux évacuations sanitaires.  A cela s’ajoute le fait qu’elle est confrontée, depuis plus de trente ans, à une situation de ni guerre ni paix. Or, une bonne politique sanitaire ou médicale mettrait l’accent sur les régions périphériques en matière d’équipement et d’élargissement du plateau technique pour la prise en charge correcte des urgences médico-chirurgicales.

L’hôpital régional de Ziguinchor échappe, malheureusement, à cette exigence du fait des maux dont elle souffre et qui ont pour nom : la vétusté et l’inadéquation des Infrastructures, l’insuffisance des ressources humaines qualifiées, l’absence des ressources matérielles ou réduites au stricte minimum et parfois vétustes et insuffisance des ressources financières   pour faire fonctionner la seule structure de référence sans équipement de référence. Ces maux sont consignés dans une lettre ouverte en date du 14 juin adressée au nouveau ministre de la santé.

Une urgence sans service de réanimation

C’est la seule structure de référence sans service de réanimation  et avec  un service d’accueil des urgences qui est l’ombre de lui-même. C’est un magasin de la pharmacie régionale d’approvisionnement qui fait office de service d’accueil.  Une salle dénudée, sans équipement. Juste quelques lits, sans draps. Le service d’accueil se contente de trois lits, il n’est pas équipé, faute de moyens. Le secrétaire général de la sous section de la Convergence Sutsas/Sas, Abba Diatta, de rappeler aux autorités ministérielles que « Toute urgence médico-chirurgicale avant d’être évacuée doit d’abord bénéficier d’une prise en charge adéquate ». Il avoue l’impuissance du personnel : « Nous ne pouvons malheureusement pas le faire, vu l’absence totale ou la vétusté d’un matériel adéquat. Chaque jour que Dieu fait nous trahissons la confiance que les populations de la région naturelle de la Casamance et celle des pays limitrophes placent en nous. Pour être sincère avec notre code de déontologie nous ne pouvons pas prendre en charge correctement la majeure partie des urgences médico-chirurgicales et du coup nous devenons un hôpital de référence sans références techniques et médicales ».

En l’absence de prise en charge en réanimation, les malades les plus « chanceux » sont évacués à Dakar, s’ils ne meurent pas tout bonnement dans le lit du service d’accueil. Et parmi eux, beaucoup rendent l’âme avant d’arriver à destination, surtout les patients qui souffrent de traumatisme crânien ou victimes d’accidents graves.

Circulez, il n’y a pas de médecin radiologue

La structure hospitalière manque aussi de médecins radiologues. Pour faire une échographie ou d’autres types de radios, les patients sont obligés de frapper à la porte des rares cliniques privés de Ziguinchor, ou d’aller jusqu’à Dakar. Le seul médecin-cardiologue qui officiait dans cet hôpital, est affecté à Kaolack par le ministère de la santé, sans que ce dernier éprouve le besoin de le remplacer. « Nous ne pouvons pas comprendre que nous restions sans médecin radiologue alors que nous disposons d’un scanner et d’un appareil d’échographie gracieusement offert par la Fondation SONATEL et  un autre partenaire (pour l’échographe) », se désole le responsable syndical.

N’ayez pas de traumatisme crânien

L’hôpital régional de Ziguinchor n’a pas non plus de neurochirurgien. Le seul qui était là et faisait bien son travail est malheureusement retourné dans son pays, parce qu’il y a trouvé mieux. C’est l’hôpital qui l’avait recruté, en le payant sur la base des recettes de la structure hospitalière. La direction de l’hôpital avait saisi le ministère de la santé pour qu’il lui fasse un contrat, mais rien. Elle a aussi proposé au ministère de tutelle d’envoyer des étudiants en CS pour qu’ils viennent faire leur spécialisation à l’hôpital de Ziguinchor, mais il n’y a pas eu de réponse.


Un gynécologue pour la région et les pays voisins

L’hôpital ne dispose que d’un seul gynécologue qui s’occupe à la fois des consultations gynécologiques, de la prise en charge des accouchements compliqués, de la césarienne et du suivi des femmes en état de grossesse hospitalisées. Il travaille tous les jours jusqu’à 6h, le temps d’aller se changer et revenir à l’hôpital. « Il ne peut pas travailler 24h/24h, même s’il le voulait. Il a besoin comme tout le monde de repos, car il peut s’absenter pour des raisons familiales ou autres », explique Abas Diatta. L’hôpital a trouvé un moyen de le faire seconder par un  chirurgien qui l’aide dans la prise en charge des patientes qui doivent faire la césarienne, par exemple. Quant aux sages femmes, elles sont au nombre de sept sur les dix qui travaillaient à la maternité. Les trois ont été affectées dans d’autres structures sanitaires sans être remplacées.

On affecte à Touba le seul chirurgien…

A cela s’ajoute le fait que l’hôpital, officiellement, n’a plus de chirurgien orthopédiste. Le seul qui travaillait à l’hôpital vient de recevoir sa décision d’affection à Touba. Suffisant pour que le personnel vive sous la hantise de voir affecter le seul urologue que le ministère a recruté.

L’on comprend alors la colère du personnel, notamment du syndicat des agents de la santé : « Nous ne pouvons pas comprendre que non seulement le Ministère ne nous dote pas en personnel, mais qu’il continue à nous « pomper » le peu que nous avons. C’est ainsi que des médecins spécialistes, des médecins généralistes, des techniciens supérieurs de santé, des infirmiers et sages femmes d’Etat que nous avons contractualisé avec nos propres maigres moyens pour satisfaire la demande en la matière, ont été recrutés par la fonction publique ou par le Ministère de la santé et affectés dans d’autres structures au lieu d’être fixés au Chrz pour nous permettre de rendre service aux populations et d’alléger nos dépenses en personnel », fait remarquer Abbas Diatta

Les agents étatiques de l’hôpital de Ziguinchor sont affectés sans être remplacés. Le sentiment du personnel est que le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, dans sa politique de répartition équitable et la rationalisation de ses ressources humaines, a toujours laissé en rade le Chr de Ziguinchor. Cela est d’autant plus dramatique que cette région est en guerre depuis trente ans. « Nous ne pouvons pas comprendre que la Casamance, région enclavée de surcroit en guerre que vos services compétents continuent à dégarnir le Chrz de ses maigres ressources humaines. Nous disons donc : A  quand l’arrêt de cette « saignée » ? A quand la « transfusion » du Chrz en personnel ? Si les services du ministère de la santé ne peuvent pas nous transfuser, qu’ils ne  nous créent pas une hémorragie», dira le syndicaliste en chef.

Les droits des populations piétinées, faute de moyens

L’hôpital régional de Ziguinchor est un Etablissement Public de Santé (Eps) et dans le cadre de la réforme hospitalière, il est donc tenu de répondre aux besoins en soins médicaux des populations qui en ont pleinement droit. La direction de l’hôpital n’a pas attendu le concours du ministère de la santé qui n’arrive jamais. « Notre administration, les partenaires sociaux, et l’ensemble du personnel ayant compris cela, ont misé sur le recrutement de ressources humaines de qualité avec les maigres recettes que nous produisons. Oui maigres recettes parce que  nous sommes l’un des hôpitaux qui pratiquons les tarifs les plus bas du pays et cela à juste raison à cause du seuil de pauvreté grandissant de la région pour raison de guerre et d’insécurité. Hélas tous nos efforts en termes de ressources humaines sont restés vains, puisque nous n’avons pas été soutenus par les services compétents du ministère de la santé et de l’action sociale », soutient Abbas Diatta.

L’hôpital, le principal recruteur

En clair, sur les 262 agents que compte le personnel, il n’y a que 83 étatiques. Cela veut que l’hôpital paie 179 contractuels sur fonds propres, issus des maigres recettes. Quand on sait que le ticket de consultation était payé à 1000 F il y a juste quelques mois. Il vient de passer à 2000 F Cf. En plus, l’Etat doit à l’hôpital plus de 300 millions F Cfa. Les imputations budgétaires ne sont pas reversées, les frais pour les césariennes et le plan sésame sont remboursés au compte-gouttes, selon le syndicaliste en chef. Résultat des courses, la gratuité est réduite au strict minimum, parce que l’hôpital a du mal à subvenir à ses propres charges.


La plus petite subvention  sur l’ensemble du pays

La subvention de l’hôpital régional de Ziguinchor est de 288 millions F Cfa , depuis maintenant cinq ans. Comme si les besoins en santé de la région n’évoluaient pas. Au moment, l’hôpital de Kolda reçoit une subvention de 365 millions. Même la subvention de l’hôpital de Ourossogui dépasse celle de Ziguinchor, a précisé le militant du Sutsas. «Nous  nous posons toujours des questions sur les critères d’allocation de subventions données aux hôpitaux et nous avons toujours crié, pour ne pas dire « aboyé » cette discrimination négative à l’égard de notre structure. En vain, malgré les promesses faites ça et là par le ministère et surtout par l’une de ses  plus hautes autorités  d’alors », souligne le syndicaliste. Ce dernier a du mal à comprendre que « des hôpitaux qui sont logés dans la même enseigne que nous en termes d’enclavement ou d’éloignement, mais qui en termes d’activités font moins que nous se retrouvent avec une subvention largement supérieure à la notre. Pire encore, même dans les remboursements des « gratuités » (Plan sésame, imputations budgétaires, césariennes  etc.), nous avons toujours l’une des plus  petites cagnottes », déclare Abbas Diatta.

Ces heures supplémentaires….

Le personnel de l’hôpital dénonce une autre « injustice » en matière de paiement des heures supplémentaires. Les états financiers des heures supplémentaires à payer aux 83 agents étatiques, pour l’année 2011 étaient de 24 millions F Cfa. Mais le ministère de l’économie et des finances, selon le syndicaliste, l’a réduit à 12 millions Cfa sur la base de calculs dont il a le secret. Ce dernier a signifié à la direction de l’hôpital qu’il ne peut pas budgétiser tous les 12 millions F Cfa parce qu’on n’est pas en fin d’année. Conséquence, un seul semestre a été budget, à savoir 6 millions F Cfa. Les autres 6 millions qui restent n’ont pas été remboursés jusqu’à présent, sous prétexte qu’ils sont tombés en fonds libre.
Pour l’année 2012, le ministère de l’économie et des finances a affecté la somme de 3. 744. 000 F Cfa aux ayant-droits. Ce qui est, selon les travailleurs, en deçà du nombre d’heures supplémentaires effectués.

Au même moment, les hôpitaux de Kolda et de Tambacounda, qui ont moins de personnel que celui de Ziguinchor, reçoivent chacun, environ 37 millions F Cfa d’heures supplémentaires, fait remarquer le responsable syndical. Et de se demander si ces heures sont calculés sur la base du grade, de l’indice salarial, du nombre de bénéficiaires et des heures supplémentaires.

147 lits pour plus de 3 millions d’habitants

La capacité d’accueil de l’hôpital est de 147 lits, fruit des efforts consentis par la Direction de l’hôpital qui a créé de nouvelles structures : Orl, la cardiologie, l’Urologie et de pédiatrie, sans qu’elle ait les moyens  financiers de construire de nouvelles  infrastructures pour les accueillir. La parade trouvée est de renforcer les lits dans la salle de la médecine, par exemple. Au départ,  ces lits étaient au nombre de 132. Préciser que l’hôpital régional de Ziguinchor reçoit quotidiennement des patients venus de la Guinée-Bissau, de la Gambie, parfois de la     Mauritanie et du Mali. En plus, les blessés du conflit, aussi bien chez les militaires, que chez les combattants du Mfdc, sont pris en charge dans l’hôpital. Les militaires qui ont plus de moyens, évacuent leurs blessés après les premiers citoyens. Ce qui n’est pas le cas pour les civils, victimes de balles et des mines.

Un désert de 8 ha

Le bâtiment central est confronté à des problèmes d’étanchéité. L’hivernage arrive avec sont lot de problèmes, car l’eau de pluie envahit les salles d’hospitalisation. En plus, le mur couvert de poussière, a reçu un coup de peinture, grâce à un généreux donateur du nom de Bouba Bodian.
Signalons que l’hôpital est construit sur un site de 10 ha, mais il n’y a que 2 ha qui abritent les bâtiments, le reste est un désert.

Sudonline.sn – Envoyé spécial

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