France : Niveau record de 3,224 millions de chômeurs
L’histoire retiendra que le record en matière de chômage qui datait de janvier 1997, juste avant l’arrivée de Lionel Jospin à Matignon, aura été battu sous François Hollande quasiment un an après son élection à la présidence de la République. D’après les données communiquées jeudi par le ministère de l’Emploi, la France comptait 3.224.600 demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A à Pôle Emploi fin mars, soit 36.900 de plus qu’un mois plus tôt et 29.100 de plus qu’en janvier 1997. Cette hausse, la 23e d’affilée, porte à 321.900 le nombre de chômeurs depuis le début du quinquennat de François Hollande. Soit 40%, en un an seulement, de la hausse enregistrée sous Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012.
«Tous les leviers de la politique de l’emploi sont désormais opérationnels: emplois d’avenir, contrat de génération, sécurisation de l’emploi, a tenu à rassurer Michel Sapin juste après la publication des chiffres, confirmant la tenue d’une nouvelle conférence sociale les 20 et 21 juin. Leur montée en puissance au cours des prochains mois est désormais l’enjeu majeur pour tous les acteurs de terrain.» Une mobilisation nécessaire pour tenir la promesse présidentielle, réaffirmée ce jeudi depuis Pékin par le chef de l’État, d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année.
Reste que si les outils sont effectivement en place, ou presque – le vote définitif de la loi de sécurisation de l’emploi, sur laquelle François Hollande fonde beaucoup d’espoir, a été repoussé au 14 mai pour ne pas froisser les sénateurs du Front de gauche -, ils seront loin d’être suffisants. «On a perdu encore trois semaines», s’est plaint Laurent Berger, le patron de la CFDT, sur RTL. La meilleure preuve est le démarrage poussif des emplois d’avenir, ces emplois-jeunes d’Aubry en 1997 relookés à la mode Hollande 2012, réservés aux jeunes sans qualification de banlieue défavorisée ou de campagne désertée et dont le gouvernement prévoit d’en pourvoir 100.000 cette année. Cinq mois après leur lancement, seuls 10.000 avaient trouvé preneurs fin mars avec un rythme de progression trop lent pour tenir l’objectif de fin d’année.
De nombreuses voix, y compris au sein de la majorité, demandent donc que les critères de sélection soient ouverts, géographiquement ou en termes de diplômes, pour en faire bénéficier plus de jeunes. Impossible, rétorque inlassablement le ministère du Travail, qui refuse de tomber dans les travers des emplois-jeunes de 1997, qui avaient échappé à leur cible, les jeunes sans qualification, pour échoir majoritairement à des jeunes diplômés.
Même sentiment de flottement pour les contrats de génération, ce dispositif qui lie pendant trois ans l’embauche d’un jeune au maintien dans l’emploi d’un senior à coup d’exonération de charges. François Hollande en escompte 500.000 sur son quinquennat, mais les premières remontées de terrain montrent que les entreprises ne se ruent pas dessus. Faute de perspective stable de reprise économique, la frilosité l’emporte, et les employeurs préfèrent différer leurs recrutements, voire tailler dans leur effectif.
Le gouvernement ne croit d’ailleurs pas réellement, sans pouvoir l’avouer, aux incantations présidentielles de baisse du chômage cette année. Pierre Moscovici lui-même reconnaît que la France ne sera pas en mesure de recréer des emplois avant 2015, et le programme de stabilité, qu’il a envoyé il y a une semaine à Bruxelles, anticipe un recul de l’emploi salarié de 0,6% cette année. Soit la destruction de 100.000 emplois supplémentaires, autant qu’en 2012. Associé à une croissance quasi nulle et à des dispositifs étatiques de traitement social du chômage qui tardent à trouver preneurs, la conséquence est donc une hausse inéluctable du nombre de demandeurs d’emploi, au rythme (actuel mais en hausse continue depuis un an) de près de 27.000 par mois.
Figaro /Ibou Camara