Casamance: des militaires sénégalais blessés témoignent
Le pouvoir sénégalais incarné par Macky Sall est dans l’embarras. Il parvient de moins en moins à dissimuler que son offensive militaire, qui devait éliminer les bases du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), a échoué.
Une fois en vie, les militaires sénégalais blessés racontent enfin une version bien différente de celle officielle des forces armées sénégalaises qu’ils décrivent déshonorante pour eux et pour les morts au combat.
Vingt-trois soldats gravement blessés dans les récentes embuscades tendues par des combattants du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), actuellement en soins intensifs à l’infirmerie-hôpital militaire de Ouakam à Dakar, témoignent de leur calvaire.
Dans la forêt de Nyassia, le caporal A* a reçu deux balles qui ont traversé son corps. Il a perdu beaucoup de sang avant d’être secouru et transporté à Dakar. « A 26 ans, je ne comprenais pas ce que c’est, faire la guerre en Casamance. Je n’ai rien oublié de ce que m’ont raconté les adultes! Ce que j’ai vécu ce mois-ci en Casamance est une expérience qui est traumatisante pour toute ma vie. Nous avons subi de lourdes pertes. J’ai perdu six de mes compagnons sur place. C’est terrible. Nous n’avons rien vu venir. Les ordres n’étaient pas claires et la radio n’a pas fonctionné. Au fait, nous nous sommes perdus dans la brousse et on nous a abandonnés… ».
« Regardez moi« , raconte l’adjudant S*, « je ne peux plus me servir de mes jambes et de mes bras. Mais j’ai deux amis qui sont tombés, nos munitions étaient épuisées et lorsque nous quittons les lieux, des obus de Bazookas et de RPG venaient de partout. J’ai eu de la chance. Moi, je peux voir ma famille, pour les autres on ne verra même pas leur corps pour les enterrer dignement. » Larmes…
Le soldat de 1ère classe, C* dira : « Notre hiérarchie nous a trahi. Nous sommes restés deux jours sans ravitaillement parce que nous ne savons pas où se trouvent les rebelles. Nous n’avions que des informations erronées. En quittant Toubacouta, notre véhicule a sauté sur une mine. Je suis projeté près de dix mètres contre des arbres. J’ai eu cinq fractures. Jusqu’à présent je ne sais rien des éléments de ma section et Macky Sall qui n’a aucun enfant ou parent proche dans le contingent nous a sacrifié. Nous sommes les vivants perdants ».
En fin mai 2021, l’armée sénégalaise, épaulée par des mercenaires étrangers, a pilonné à l’arme lourde des villages de Casamance dans la zone contrôlée par le MFDC. Mais, passé le choc, les hommes armés des indépendantistes se sont organisés. Ils sont retournés à ce qu’ils ont pratiqué à merveille de 1983 à 2008 contre les troupes d’occupation sénégalaise: la guérilla. Ces derniers jours, les rebelles sont même passés à l’offensive.
Le MFDC estime avoir le temps pour lui et peut compter sur le soutien d’une bonne partie des Casamançais, une majorité silencieuse renforcée depuis les exactions commises sur les civils par l’armée sénégalaise (massacres, viols, tortures, humiliation aux checkpoints, spoliations des terres, emprisonnements injustes, …).
Antoine Bampoky