Catalogne : Rencontre en Suisse des indépendantistes catalans et du parti au pouvoir en Espagne
Des négociations entre des représentants de la gauche au pouvoir en Espagne et du parti indépendantiste catalan Junts de Carles Puigdemont ont commencé samedi en Suisse, probablement à Genève. Elles se tiennent dans la plus stricte confidentialité.
La première rencontre «s’est bien déroulée», a dit le négociateur du parti socialiste (PSOE), Santos Cerdan, avant de quitter Genève pour Madrid. Ce proche du premier ministre Pedro Sanchez, cité par l’agence dpa, n’a pas fait de commentaires sur le contenu des discussions ni sur l’éventuelle présence de M. Puigdemont.
Le lieu exact des négociations, près de la cité de Calvin, n’a pas non plus été officiellement indiqué. Mais la télévision nationale espagnole RTVE et le journal El País ont annoncé qu’elles se déroulaient au bout du Léman.
Le secret entourant le lancement des négociations, en présence d’un médiateur international inconnu, provoque une vive controverse en Espagne.
En échange du soutien de ses députés à la reconduction au pouvoir mi-novembre de Pedro Sanchez, Junts per Catalunya a obtenu l’adoption prochaine d’une loi controversée d’amnistie pour les indépendantistes poursuivis par la justice mais aussi l’ouverture de négociations sur «la reconnaissance de la Catalogne comme nation».
Et en raison de leurs «divergences profondes» sur cette question et de leur «méfiance mutuelle», Junts et les socialistes se sont dotés, mentionne leur accord, d’un «mécanisme (…) international ayant pour fonction d’accompagner, vérifier et suivre tout le processus de négociation».
Carles Puigdemont avait fui l’Espagne après l’échec de la tentative de sécession de la Catalogne en 2017 pour échapper aux poursuites judiciaires.
Disant vouloir garder la plus grande discrétion, ni M. Sanchez ni Junts n’ont souhaité dévoiler l’identité du médiateur. Selon la RTVE, le médiateur serait le Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire (CHD). Cette organisation privée, basée à Genève, avait déjà accompagné la dissolution de l’organisation séparatiste basque ETA en 2018.
Pour la politologue Cristina Monge, de l’université de Catalogne, le choix de la Suisse ne doit rien au hasard. Selon elle, M. Puigdemont cherche «à mettre en scène» l’idée selon laquelle la crise catalane est un «conflit politique qui a besoin d’une médiation pour être résolu» et non une violation de la légalité par les séparatistes, qui ont organisé en 2017 un référendum malgré son interdiction par la justice avant de déclarer unilatéralement l’indépendance.
Interrogé jeudi sur la télévision publique, Pedro Sanchez a défendu l’idée d’une médiation internationale. «Ce mécanisme est exceptionnel», a-t-il reconnu mais la crise séparatiste en Catalogne qui constitue «l’un des principaux problèmes (…) vécus par ce pays depuis 45 ans» et la fin de la dictature franquiste en 1975 est «également exceptionnelle», s’est-il justifié.
«Si deux parties ne s’entendent pas et qu’une troisième nous accompagne (…), c’est une bonne nouvelle car cela peut nous aider à parvenir à un accord», a-t-il ajouté.
Les positions des indépendantistes et des socialistes sur l’avenir de la Catalogne seront toutefois difficiles à rapprocher tant elles sont antagonistes.
Carles Puigdemont réclame à cor et à cri l’organisation d’un référendum d’autodétermination, une ligne rouge pour les socialistes qui rejettent une telle consultation contraire à la Constitution espagnole.
Ils prônent pour leur part un renforcement de l’autonomie de la riche région du nord-est de l’Espagne, peuplée de près de 8 millions d’habitants et déjà dotée de larges compétences. L’opposition de droite, qui va encore descendre dans la rue dimanche à Madrid, dénonce elle la «soumission» de Pedro Sanchez aux indépendantistes catalans.
ARDiallo