Casamance : De la tolérance intéressée sénégalaise à la haine du Casamançais
Autrefois laboratoire de la traite des esclaves en Afrique avec Gorée comme porte d’entrée et port d’attache des flottes négrières mais aussi comme plateforme de la colonisation française, le Sénégal devient progressivement une civilisation périmée. Il a renoncé à la politique pour donner place à la haine de la Casamance. Il n’est plus qu’une sorte d’assemblée rébarbative de copropriétaires maraboutiques.
Cette formule semble parfaitement adaptée à ce que nous vivons aujourd’hui. Les extrêmes sont devenus monnaie courante, y compris chez ceux parmi les membres du PASTEF, que l’on qualifiait autrefois de raisonnables qui grimpent à leur tour, le cœur léger, dans le train des outrances contre les Casamançais y compris contre l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko.
Dans un univers où c’est la modération qui étonne, la pratique démocratique fait désormais systématiquement appel aux dérives. Une culture belliqueuse s’est implantée dans le paysage politique et sociétal sénégalais.
Dans sa guerre du Péloponnèse, Thucydide avait décrit cette mécanique de la haine des autres débouchant fatalement sur la guerre totale. Subtilement, Thucydide suggère l’inutilité de l’éradication de l’adversaire car toute victoire totale est par définition dangereuse, déstabilisante. La victoire totale porte en son sein les graines de la perversion, car les démocrates ne valent dès lors pas plus que les oligarques. Si l’objectif des Sénégalais était certes de pérenniser leur système colonial en Casamance, l’essence de la démocratie, pourtant, est de ne pas réduire son adversaire au silence, encore moins de l’éradiquer du système.
C’est dans l’espoir que nous soyons victorieux et libres demain que nous Casamançais se battons aujourd’hui. La violence sous toutes ses formes ne peut être évitée qu’à la condition expresse d’abandonner ce mythe de la victoire totale rêvée par les Sénégalais sur la Casamance sera nécessairement la voie royale vers la violence.
Qui disait que l’impasse et que le doute mènent à la tolérance envers l’autre, je mettrai en garde contre la polarisation et la tyrannie.
Saviez-vous que les modérés de Corcyre furent massacrés ? Leur hésitation à prendre parti (entre démocrates et oligarques) fut interprétée comme une injure envers ceux qui risquaient leur vie pour leurs convictions. L’existence même de ces modérés à Corcyre comme en Casamance – et leur survie – était devenues un affront aux polarisés de tous bords. Pour les belligérants des deux extrêmes, la modération n’était plus acceptable. La modération n’était plus que lâcheté, voire complicité. Moralité : même un démocrate est capable de se transformer en dictateur, si c’est pour de bonnes raisons…
La démocratie sénégalaise est devenue aliénante, elle tourne parfois au totalitarisme. Elle n’a plus rien à apporter à la Casamance et au monde. Elle n’est plus qu’une sorte d’assemblée de copropriétaires rébarbative. Ses disfonctionnements à tous les niveaux douchent toute espérance d’une vie meilleure. Ceux qui ont vécu l’ère de Macky Sall ne démentiront pas.
Pour beaucoup d’autres, Le Sénégal est synonyme de brutalité, de brimades. «Il faut obliger les gens à être libre», lançait Jean-Jacques Rousseau. «Le prix de la liberté est la vigilance éternelle», avertissait Thomas Jefferson.
Mais à quoi sert-il d’être libre et miséreux, libre et jamais considéré ? Les Casamançais ont définitivement tourné la page de la soumission et ont choisi d’être libre et indépendant.
Que cela serve d’exemple à tous ces clairons de la rancune encouragée par des responsables politiques sénégalais et leurs médias stipendiés.
Emile Tendeng