Casamance : Amiral Farba Sarr, seul obstacle à la Paix en Casamance ?
Le conflit en Casamance, qui perdure depuis plus de quatre décennies, reste une source de tension majeure au Sénégal, en Gambie et en Guinée-Bissau. La paix, souvent annoncée comme imminente, semble constamment s’éloigner. Et parmi les acteurs centraux de cette impasse, l’amiral Farba Sarr joue un rôle déterminant. Nommé par l’ancien président Abdoulaye Wade, soutenu par Macky Sall et reconduit par le nouveau chef de l’État Bassirou Diomaye Faye, Farba Sarr, qui dirige le Comité Ad Hoc pour la paix en Casamance, incarne une stratégie qui, loin de favoriser un règlement du conflit, contribue à exacerber les divisions et à retarder la recherche d’une solution durable.
Depuis sa prise de fonction, Farba Sarr a opté pour une approche essentiellement militariste, négligeant les dynamiques politiques, culturelles et sociales qui sous-tendent le conflit casamançais. En dépit de quelques accords symboliques, tels que celui signé en août 2022 à Bissau entre Lansana Fabouré et César Atoute Badiate, ces initiatives n’ont guère contribué à un apaisement global de la situation. L’accord en question, signé sous l’égide du président Umaru Sissoco Embalò et de l’ONG Humanitarian Dialogue, n’a impliqué que des figures secondaires ou marginales des indépendantistes du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Badiate, malade et retiré des affaires depuis des années, et Fabouré, ancien trésorier de la faction Diakaye, n’ont pas la capacité d’engager l’ensemble du mouvement rebelle. Ces accords ponctuels et souvent limités illustrent la faiblesse de la stratégie de Farba Sarr, qui s’appuie sur des acteurs peu influents au lieu d’inclure les vrais leaders politiques et militaires du MFDC.
L’une des erreurs majeures de Farba Sarr réside dans l’exclusion de plusieurs acteurs clés du processus de paix. La puissante et influente diaspora casamançaise, qui a toujours joué un rôle crucial dans le dialogue inter-casamançais et l’aide humanitaire aux réfugiés et aux déplacés, est systématiquement tenue à l’écart. Pourtant, la diaspora, avec son influence politique et économique, pourrait être un partenaire essentiel dans la recherche d’une solution. De plus, les responsables politiques légitimes du MFDC, qui ont encore un poids réel sur le terrain, ne sont souvent pas intégrés dans les négociations.
Mais ce n’est pas tout : les responsables religieux, longtemps considérés comme des médiateurs capables d’apaiser les tensions, ainsi que les femmes des Bois sacrés, respectées pour leur rôle traditionnel dans la préservation de la paix, sont également négligés par Farba Sarr. En Casamance, où la spiritualité et les coutumes locales jouent un rôle fondamental, leur exclusion du processus démontre une incompréhension profonde de la complexité de la situation.
La société civile, les étudiants et les groupes de femmes – tous des acteurs essentiels dans la quête de la paix – sont également marginalisés. Ces groupes, pourtant au cœur du tissu social casamançais, sont relégués à des rôles secondaires ou purement symboliques, alors qu’ils pourraient jouer un rôle actif dans la médiation et la réconciliation. L’exclusion de ces forces vives empêche la mise en place d’un dialogue véritablement inclusif et représentatif de la diversité des voix en Casamance.
Cette stratégie d’exclusion a également alimenté un climat de méfiance, non seulement au sein du MFDC, mais aussi parmi la population casamançaise. Les négociations orchestrées par Farba Sarr ont souvent été perçues comme des manœuvres destinées à diviser les factions rebelles ou à imposer des solutions unilatérales. Le maintien de cette approche par Bassirou Diomaye Faye, avec la nomination du général Magatte Ndiaye à la tête de l’armée de terre, reflète une volonté de poursuivre une politique de confrontation armée plutôt que de rechercher un véritable dialogue.
L’absence de feuille de route claire et cohérente a entraîné des initiatives désorganisées, favorisant les divisions. La rivalité entre les différents groupes mandatés pour négocier avec le MFDC, dont celui de Farba Sarr composé de Boubacar Diouf, Charlemagne Preira, Abdou Cissé, César Coly, Pape Cissé, les commissaires Niane, Fabouré et Mendy, a contribué à fragmenter le processus de paix. Alors que le groupe GRPC de Robert Sagna, un ancien ministre, s’active à proposer des solutions alternatives à l’indépendance, Farba Sarr et son équipe poursuivent leurs propres négociations parallèles, sans coordination ni concertation avec les autres acteurs.
Le manque de coopération entre ces groupes notamment avec la plateforme des femmes, le COSPAC, l’ANRAC, GRPC, CCC, Kabonkétor, chacun cherchant à s’imposer comme le principal interlocuteur du pouvoir, empêche toute avancée significative. En juin 2013, par exemple, alors que Robert Sagna négociait à Sao Domingo avec les éléments de César Atoute Badiate, Farba Sarr menait en parallèle des discussions à Rome avec la communauté de Sant’Egidio. Cette absence de stratégie unifiée n’a fait que prolonger le conflit.
En conclusion, tant que Farba Sarr continuera à mener des négociations basées sur la division, l’exclusion des acteurs clés, et la militarisation du processus, la paix en Casamance restera hors de portée. Le gouvernement sénégalais doit impérativement revoir sa stratégie en intégrant la diaspora, les responsables religieux, les leaders politiques légitimes du MFDC, ainsi que la société civile. Sans une approche inclusive et concertée, la Casamance continuera de souffrir, et le rêve de paix restera une chimère.
ARDiallo