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Casamance : Qui a peur du livre de Séverine Awenengo Dalberto ?

Casamance : Qui a peur du livre de Séverine Awenengo Dalberto ?

La présentation du livre de l’historienne française Séverine Awenengo Dalberto, intitulé « L’idée de la Casamance autonome – Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal« , prévue pour le 26 octobre 2024 à la librairie « Aux quatre vents » à Dakar, a été annulée, soulevant une tempête médiatique et de peur autour de cette Casamance marquée par le plus vieux conflit indépendantiste de l’Afrique.

L’ouvrage, publié aux éditions Karthala, promet d’apporter un éclairage sur la question de l’autonomie en Casamance, révélant que cette idée a été envisagée tant durant la colonisation que la décolonisation, tant par des acteurs français que casamançais. Mais qu’est-ce qui motive une telle frilosité autour de cette publication ?

Réactions vives et censure sous-jacente

Le parti de l’Alliance pour la République, qui a dirigé le Sénégal sous l’ex-président Macky Sall, a rapidement exprimé son indignation. Dans un communiqué, il a dénoncé le livre comme étant « dangereux » pour l’unité nationale, rappelant les tensions exacerbées par les mesures drastiques appliquées à la Casamance, notamment un embargo. Cette réaction met en lumière la sensibilité du sujet, enracinée dans l’histoire complexe du Sénégal des présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall et du restant de son régime jugé anti-casamançais.

Elara Bertho, chercheuse au CNRS, a pris la défense de l’ouvrage, soulignant que son objectif n’est pas de promouvoir le séparatisme, mais d’ouvrir un débat nécessaire sur un sujet délicat. « Les sciences sociales doivent être discutées, pas censurées« , a-t-elle déclaré sur Twitter, pointant du doigt l’importance d’une liberté académique.

Un passé douloureux qui ne doit pas être oublié

Le conflit en Casamance, qui a commencé en 1982 après un massacre tragique à Ziguinchor, a laissé des cicatrices profondes. Malgré une diminution des violences, les affrontements sporadiques perdurent, faisant des dizaines de milliers de victimes. Le Sénégal, jusqu’à présent, n’a pas su trouver de solution durable à cette crise, se contentant de mesures répressives qui rappellent les pratiques coloniales.

Les éditions Karthala ont réaffirmé que la publication de cet ouvrage était prévue de longue date et qu’elle n’était pas influencée par le contexte politique. Leur appel à la lecture et à la réflexion est un plaidoyer pour une approche plus éclairée et inclusive du débat sur la Casamance.

Vers un débat inclusif et constructif

La polémique ou la peur entourant le livre de Dalberto pose une question essentielle : comment le Sénégal peut-il aborder sereinement son passé colonial pour mieux construire son avenir ? Il est impératif de permettre des discussions franches sur des sujets sensibles, sans crainte de représailles. La censure ne fera qu’alimenter les rancœurs et les incompréhensions, freinant toute possibilité de réconciliation.

La publication de ce livre pourrait être l’occasion de déclencher un débat nécessaire, explorant les racines historiques du conflit et envisageant des solutions viables pour l’avenir. Il est temps que les autorités sénégalaises et la société civile se réunissent pour engager un dialogue ouvert sur la Casamance, dans le respect de toutes les voix.

En fin de compte, le véritable défi réside dans la volonté collective de tourner la page sur cette histoire douloureuse, pour avancer vers un avenir pacifié et inclusif. Les livres, loin d’être de simples objets, sont des vecteurs de réflexion et de changement. La Casamance mérite d’être entendue, et il est temps que sa voix soit pleinement respectée et intégrée dans le discours national.

Antoine Bampoky

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Commentaires (2)

  • SinkurBadin

    Radio France Internationale écrit :
    « Sénégal: le livre d’une historienne sur la Casamance fait polémique
    Au Sénégal, la polémique enfle autour de la parution du livre de l’historienne française Séverine Awenengo Dalberto sur la Casamance. L’ouvrage devait être présenté samedi pour une séance de dédicace, qui a été finalement annulée par la librairie à la suite d’une controverse alimentée notamment par l’Alliance pour la République, ex-parti au pouvoir.

    Intitulé « L’idée de la Casamance autonome – Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal », l’ouvrage de Séverine Awenengo Dalberto (publié chez Karthala) serait « dangereux » pour l’unité nationale et « remet en question les acquis » sur la paix en Casamance, selon l’ex-parti au pouvoir, l’Alliance pour la République.

    Une attaque injustifiée envers un travail d’historien nécessaire, s’insurge l’universitaire sénégalais Ibrahima Thioub, pour qui parler d’autonomie ne devrait pas être tabou. « Les projets d’autonomie ont existé et alimenté des imaginaires un peu partout en Afrique. Ces projets qui ne sont pas advenus ont laissé des traces dans les mémoires et les historiens doivent y travailler », expose-t-il, au micro de Welly Diallo, de la rédaction Afrique.

    Un rapport « instrumental » entre le monde universitaire et politique
    RFL’État sénégalais rejette l’autonomie de la Casamance, sujet sensible dans le pays. La Casamance, séparée du nord du Sénégal par la Gambie, souffre d’ailleurs encore économiquement des conséquences des combats séparatistes des années 1990.

    Derrière cette nouvelle polémique, l’historien décèle une divergence profonde entre universitaire et politique. « Ce rapport que nos autorités politiques ont avec l’université, un rapport instrumental, de manipulation, de mise en discipline, ça ne sert à rien, ça ne sert pas nos pays », déplore-t-il.

    Début octobre, un plan national de relance a été annoncé par Ousmane Sonko, Premier ministre et ancien maire de la capitale de la région. L’objectif : encourager le retour des personnes déplacées depuis les combats séparatistes des années 1990.

    Un précédent ouvrage d’un autre chercheur français, Jean-Claude Marut (« Le conflit de Casamance – Ce que disent les armes », Karthala), avait été interdit en 2010. »

    Pouquoi la France parle maintenant de la Casamance après l’hommage à la Casamance et de ses vaillants hommes par le Président Emmanuel Macron lors de l’anniversaire de la libération de la France en 1945 ? C’est tout simplement parce que la vérité finit toujours par éclater tôt ou tard.

  • Balla Moussa

    C’est bien le Sénégal qui a peur de la vérité et les vrais Casamançais disent toujours la vérité et la défendent au prix de la vie s’il le faut. Qu’un livre soit interdit au Sénégal, la Casamance s’en moque parce que les Casamançais connaissent la vérité, ce n’est ni le régime ou le parti du criminel Macky Sall qui pourra arrêter la marche de la Casamance autonome vers l’indépendance totale.

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