Casamance : Premières clameurs pour l’Autonomie dès 1914
L’histoire regorge parfois de moments oubliés ou méconnus qui marquent des tournants décisifs dans les aspirations d’un peuple. En mars 1914, Ziguinchor, alors capitale de la Casamance, a été le théâtre d’une manifestation exceptionnelle, résonnant avec des revendications audacieuses et avant-gardistes pour l’époque. Les habitants ont accueilli le gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française (AOF), William Ponty, avec des pancartes arborant des slogans sans équivoque : « Vive la Casamance », « Vive Ponty », « Vive l’Autonomie ».
Un cri du cœur pour la liberté
Cette scène n’est pas l’écho d’une simple excentricité locale. Les pancartes brandies par les populations de Ziguinchor témoignent d’un mouvement collectif, d’une vision d’avenir partagée par un peuple aspirant à la liberté, à l’autonomie et, peut-être déjà, à l’indépendance avant même la création en 1947 du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Ces revendications ne venaient pas d’un groupuscule marginal, mais d’une communauté qui, même sous le joug colonial, osait exprimer ses rêves d’autodétermination.
Le rôle clé de William Ponty
Séverine Awenengo Dalberto, historienne française et chercheuse au CNRS, explore cet épisode marquant dans son ouvrage « L’Idée de la Casamance autonome ». Elle souligne dans les pages 99 à 101 l’accueil chaleureux et significatif réservé à Ponty lors de sa visite à Ziguinchor. Gouverneur général réputé pour son approche réformiste et sa proximité avec les populations locales, Ponty a inspiré un respect profond, mais son rôle de figure d’autorité n’a pas empêché les Casamançais d’exprimer avec audace leurs aspirations.
Un avant-goût des luttes futures
Les slogans scandés en 1914 résonnent encore aujourd’hui comme les premiers échos d’une revendication identitaire et politique. Dans un contexte colonial marqué par l’exploitation et l’oppression, oser revendiquer l’autonomie relevait d’une audace inouïe. Ce cri du cœur a posé les jalons des luttes qui allaient marquer l’histoire de la Casamance, ayant une identité distincte du Sénégal.
Une histoire à redécouvrir
Ce moment clé de 1914 invite à réévaluer l’histoire des luttes politiques en Afrique. Les pancartes arborées à Ziguinchor ne représentaient pas une simple mise en scène pour le gouverneur : elles cristallisaient des aspirations profondes et durables. Aujourd’hui, cet événement reste une pierre angulaire pour comprendre l’idée d’autonomie de la Casamance qui a marqué ce territoire, influençant les débats et tensions qui perdurent encore entre le gouvernement du Sénégal et le MFDC.
L’histoire de la Casamance n’a pas commencé avec les luttes armées ou les mouvements récents. Elle s’est écrite dès ce jour de mars 1914, où un peuple a osé rêver, face à l’autorité coloniale portugaise, anglaise, française et sénégalaise, d’un avenir où la liberté et l’autodétermination ne seraient plus des slogans, mais des réalités.
Antoine Bampoky
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