Groenland : Entre indépendance et convoitises étrangères

Ce mardi, les 57 000 habitants du Groenland se rendent aux urnes pour des élections législatives qui pourraient marquer un tournant décisif dans leur quête d’indépendance. Un scrutin qui se déroule sous l’ombre portée de Donald Trump, dont les déclarations parfois menaçantes ont relancé le débat sur l’avenir de ce territoire autonome danois, riche en ressources naturelles et stratégiquement convoité.
Depuis des mois, l’ancien président américain n’a cessé de manifester son intérêt pour le Groenland, allant jusqu’à évoquer l’idée de son acquisition « d’une manière ou d’une autre ». Dans un message posté sur Truth Social à quelques heures seulement de l’ouverture des bureaux de vote, Trump a une nouvelle fois promis « sécurité et prospérité » aux Groenlandais s’ils choisissaient de rejoindre les États-Unis. Une proposition qui a suscité plus de rejet que d’enthousiasme parmi la population. « Fuck Trump ! On ne veut pas être américains. Il est tellement arrogant », a réagi Rene Olsen, un employé de réparation navale de 58 ans.
Un désir d’indépendance ancré, mais des divergences sur le calendrier
Le Groenland, territoire arctique recouvert à 80 % de glace, est aujourd’hui économiquement dépendant de la pêche et de l’aide annuelle de 530 millions d’euros versée par le Danemark. Pourtant, près de 90 % de ses habitants, majoritairement inuits, aspirent à l’indépendance. Tous les principaux partis politiques partagent cet objectif, mais les divergences portent sur le calendrier.
D’un côté, les nationalistes de Naleraq, principale force d’opposition, plaident pour une indépendance rapide. De l’autre, les partis de la coalition sortante, Inuit Ataqatigiit (gauche écologiste) et Siumut (sociaux-démocrates), conditionnent cette indépendance à une plus grande autonomie économique. Le Groenland mise sur ses ressources minérales, notamment ses terres rares, essentielles à la transition verte, pour voler de ses propres ailes. Mais le secteur minier reste embryonnaire, freiné par des coûts élevés et un climat hostile.
L’ingérence de Trump : une polarisation accrue
Les déclarations de Donald Trump, qualifié d’« imprévisible » par le Premier ministre sortant Mute Egede, ont brouillé les cartes pendant la campagne électorale. Pour certains, comme Juno Berthelsen, cadre du parti Naleraq, ces interventions offrent un cadre plus sûr pour le mouvement indépendantiste. « Nous avons besoin des États-Unis pour notre sécurité nationale et vice versa », a-t-il déclaré à la presse.
Mais pour d’autres, comme Kornelia Ane Rungholm, employée municipale du village de Qaqortoq, l’ingérence de Trump refroidit les ardeurs indépendantistes. « Je ne veux pas de l’indépendance aujourd’hui parce que Trump s’emparera de nous aussitôt », confie-t-elle.
Un scrutin sous haute tension
Les enjeux de ce scrutin dépassent les simples questions de santé et d’éducation, au cœur des débats locaux. Il s’agit aussi de définir les futurs liens avec le Danemark, qui conserve encore les fonctions régaliennes (diplomatie, défense, monnaie). Le résultat des élections établira un rapport de forces entre les partisans d’une indépendance rapide et ceux qui prônent une approche plus progressive.
Pour les analystes, l’immixtion de Trump dans la campagne a polarisé le débat, renforçant chacun dans ses convictions, mais ne devrait pas influer sur l’issue du scrutin. « Son dernier message illustre la manière dont l’administration Trump insiste pour s’ingérer dans les élections d’autres pays, mais après l’Allemagne, ils devraient déjà savoir que cela les dessert », commente Ulrik Pram Gad, politologue danois.
Alors que les Groenlandais se rendent aux urnes, une chose est certaine : leur désir d’indépendance reste intact, mais le chemin pour y parvenir est semé d’embûches, entre convoitises étrangères et défis économiques. Le Groenland, terre de glace et de contrastes, continue d’écrire son histoire, loin des ambitions de Donald Trump.
Cathy Manga
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