Casamance : La justice étranglée par le silence et le sang

Un cri d’indignation face à l’impunité de la justice sénégalaise en Casamance, terre bénite et martyrisée
Depuis plus d’un demi-siècle, la Casamance est devenue un théâtre macabre où la violence de l’État sénégalais s’exerce avec une brutalité indécente, où les cris des victimes s’évanouissent dans l’indifférence, et où la justice, cette noble idée, n’est qu’un mirage moqueur. Des familles brisées, des vies arrachées, des disparus engloutis dans le néant : voilà les jambes amères d’un pouvoir qui, depuis l’assassinat du Professeur Victor Diatta en 1947, fondateur du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), a choisi la répression sanglante comme réponse à une quête légitime d’autonomie. Ce récit n’est pas une simple chronologie : c’est un réquisitoire contre l’injustice institutionnalisée qui ravive, année après année, la flamme indépendantiste.
1947 : Le péché originel
Tout commence avec Victor Diatta, père spirituel d’une Casamance libre, assassiné en 1947. Ce meurtre n’est pas un accident isolé, mais le premier acte d’une tragédie qui se répète inlassablement. Les gouvernements sénégalais successifs ont réalisé ce crime en modèle, distillant mensonges et haine, transformant la Casamance en un laboratoire de la terreur : arrestations arbitraires, tortures, viols, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées. La liste est longue et la justice absente.
2002 : La tragédie du Joola
Le 26 septembre 2002, il y a 22 ans, le bateau Joola , chargé de liaison Dakar à Ziguinchor, la capitale de la Casamance, sombre au large de la Gambie. Le bilan est effroyable : près de 2 000 morts. Vingt-deux ans après ce drame, les familles des victimes continuent de crier justice, réclamant en vain que l’épave soit renflouée pour faire la lumière sur cette catastrophe. Une plaie ouverte, un silence de plus.
2006 : L’horreur s’invite à Sindian
Samedi 30 décembre 2006, Elhadji Oumar Lamine Badji, président du Conseil régional de Ziguinchor, est arraché à la vie dans son village natal de Sindian. Capturé par des assaillants armés, égorgé, sa maison et son véhicule réduit en cendres. Un message clair : même les élites locales ne sont pas épargnées. Quelques mois plus tôt, Mamadou Cissé, député socialiste, avait subi le même sort. Où sont les coupables ? Envolés dans la nature, protégés par un silence complice.
2013-2014 : La barbarie ordinaire
Le 2 juillet 2013, Robert Sambou tombe sous les balles à la pointe Saint-Georges. Quatre militaires suspectés, arrêtés, puis libérés par Mahawa Sémou Diouf, doyenne des juges. Une parodie de justice. Quelques mois plus tard, le 23 mars 2014, Abdou Bodiang, torturé à mort dans les locaux de la gendarmerie de Bignona, devient une victime de plus. Les militaires et leurs relais médiatiques osent salir sa mémoire avec des rumeurs abjectes, niées avec force par sa famille. Qui répondra de ce crime ? Personne.
2018 : L’assassinat de Mariama Sagna
En octobre 2018, dans la banlieue de Dakar, à Keur Massar, unité 4 des parcelles assainies, Mariama Sagna, responsable politique du parti Pastef et native de la Casamance, est assassinée d’une manière épouvantable. Ce crime, d’une sauvagerie rare, reste une énigme non éludée. La justice sénégalaise, une fois encore, demeure muette, abandonnant les proches à leur douleur et leur colère.
2019-2021 : Le sang coule encore
Le 27 octobre 2019, Abdou Elinkine Diatta est lâchement assassiné à Mlomp. Pas d’enquête, pas de justice. En mars 2021, huit jeunes manifestants casamançais sont abattus par les forces sénégalaises à Bignona et Diaobé. Des vies fauchées dans leur élan, des familles laissées dans l’agonie du deuil. Le 28 juin 2021, Georges Emafaye Diatta, gardien à l’hôtel Oasis de Boucotte-Diembéring, est tué dans des circonstances troubles. Les habitants de Kabrousse hurlent leur colère, mais leurs voix se perdent dans le vide.
2022 : L’année des disparus et des massacres
2022 marque un crescendo dans l’horreur. Le 6 avril, Babacar Tandian dit Doucouré, militant pacifiste pour la paix, est arrêté et torturé à Bignona, puis conduit vers Ziguinchor. Sa famille reste sans nouvelles. Le 21 avril, Thierno Diallo est kidnappé à Diarone à 3h du matin par l’armée. Introuvable. Le 5 mai, Adama Bamba Mané, cadre du MFDC, disparaît après son interpellation à Diouloulou. Le 17 juin, lors de manifestations pacifiques à Ziguinchor et Bignona, la gendarmerie tire à balles réelles : Karamo Goudiaby, tué d’une balle dans le cou à Ziguinchor ; Alexis Abdoulaye Diatta, abattu dans le bas-ventre à Bignona. Onze blessés. Le 18 novembre, les gendarmes Fulbert Sambou et Didier Badji s’évaporent dans les eaux et les ténèbres. Enfin, en décembre, Tapha et Bassirou Coly, puis Karfa Diémé et six autres villageois de Diaboudior, sont arrêtés et dispersés dans les geôles de Diouloulou, Bignona et Ziguinchor. Leurs proches ? Plongés dans l’angoisse et l’ignorance.
2023-2024 : La spirale infernale
En 2023, l’impunité continue de régner. En février 2024, Landing Camara, 22 ans, est exécuté par la gendarmerie à Ziguinchor lors d’une manifestation contre les violences militaires. La scène, filmée, déchire les consciences. Six autres tombes blessées. Le 26 février, Prospère Clédor Senghor, étudiant, meurt à Saint-Louis, victime de la répression. Son corps rapatrié à Cabrousse devient un symbole. Enfin, le 29 août 2024, Aliou Sané, 19 ans, est abattu de quatre balles à Kafenkène par l’armée. Un agriculteur innocent, massacré sans raison.
2025 : Les prisonniers oubliés
En mars 2025, 22 prisonniers politiques croupissent dans les geôles de Ziguinchor, certains depuis six ans, sans jamais avoir vu un magistrat. Une détention arbitraire qui illustre l’acharnement d’un système judiciaire aux ordres, sourd aux appels des familles et aux principes fondamentaux du droit.
Un cri dans le désert
Ces noms – Victor, Abdou, Mariama, Landing, Prospère, Aliou – ne sont pas de simples statistiques. Ce sont des fils, des filles, des espoirs Casamançais, anéantis par un État sénégalais qui préfère le plomb à la paix. Chaque goutte de sang versée est un argument de plus pour les indépendantistes du MFDC, un cri de désespoir qui résonne dans une Casamance à bout de souffle. Où est la justice ? Enfumée dans les mensonges officiels, étouffée par une répression qui ne faiblit pas. Les bourreaux, eux, paradent en liberté, protégés par un système qui méprise les victimes et leurs familles.
Il est temps que le Sénégal regarde la Casamance dans les yeux, non pas avec des fusils, mais avec une volonté sincère de rendre des comptes. Car chaque injustice est une braise qui attise le feu d’une lutte légitime. Assez de sang, assez de silence : la Casamance mérite la vérité, et ses martyrs, la justice.
ARDiallo
Commentaires (7)
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Teesito
Le rêve des sénégalais d’éliminer la résistance casaçaise ne sera jamais réalisé. Au contraire, la fin de cette entreprise criminelle marquera le début de la victoire du peuple casaçais, ainsi que la défaite et l’effondrement total du régime sénégalais. Il ne fait aucun doute que le rêve du Sénégal avec la Gambie, la Casamance et la guinée bissao et à la lumière du soutien illimité qu’elle reçoit, de créer une dissuasion et de mettre fin à la résistance en Casamance, mais avec la quantité des massacres qu’elle a commis contre le peuple casaçais opprimé au cours des dernières années, le Sénégal a planté les graines de nombreuses tempêtes dans les Territoires libres et indéepndants de la Casamance.
Mafousse SANE
Les décennies noires, ces Sénégalais qui ont le pouvoir colonial chez nous en Casamance ont massacré tous les hommes et toutes les femmes de la matière grise , journaliste, militaire, policier magistrat intègre, professeurs d’anciens vrais résistants, toute forme de RESISTANCE . POUR QU’ILS REGNENT EN MAITRE MAINTENANT . UNE CHOSE QU’ILS ONT OUBLIÉ QUE LA TERRE DE CASAMANCE FAIT POUSSER DES HOMMES ET FEMMES GLOIRE AUX MARTHYR ALLAH RAHMOUN VIVE LA CASAMANCE LIBRE ET INDEPENDANTE
Kolda Nafoure
Le problème n’est pas tant de choisir entre «la justice sénégalaise » et « l’indépendance de la Casamance», mais de comprendre que la justice sénégalaise, telle qu’elle existe aujourd’hui, n’a pas su saisir la dimension de ce dilemme. La justice, au Sénégal, est un concept impersonnel, régie par des textes froids, des lois qui prétendent réparer les injustices sans jamais reconnaître la nature profonde des blessures. Cette justice n’a pas su réparer les injustices de la colonisation et la douleur d’une guerre qui n’a toujours pas trouvé sa place dans les consciences.
Et pourtant, au XXIe siècle, certains se battent encore pour quele Sénégal reconnaisse pleinement la Guerre pour la Casamance indépendante et les souffrances qu’elle a infligées. Ce n’est pas seulement un problème de réparation financière, mais une question de reconnaissance morale. Les gestes symboliques restent largement insuffisants. Les déclarations de réconciliation, souvent politiques et opportunistes, ne compensent pas l’absence de gestes concrets pour apaiser les souffrances. Les Casamançais, dans leur petits secrets militent pour l’indépendance et c’est cela le plus important. Cette contribution de ARD est éloquente et nous rappelle qui nous sommes et notre résilience dans le silence.Mais qui vivra verra!
Awagna2000
Diomaye, Macky,, Diouf, Wade et Senghor, Ils sont tous kif-kif ( pareils) ..Que ce soit ceux qui ont quitté le pays ou ceux qui sont restés planqué à Dakar..Le sénégalais, c’est quelqu’un ingrat, injuste, menteur,opportuniste et traître
Zeus
Ne tergiversons pas, seule l’indépendance de la Casamance est la garantie pour la justice. Je n’attends rien de la justice sénégalaise. Pure utopie !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Pedro
parfaitement d accord avec toi
Fatima
Vraiment merci le JDP pour le rappel de ces événements tragiques. Le meurtre de ma soeur Mariama me touche beaucoup et que Sonko et Diomaye et Sonko ne font rien. Elle a donné sa vie pour eux. Maintenant un an de pouvoir, rien n’est fait. Dommage. Prions pour elle et toutes les victimes notamment du bateau le diola