Mali : Bras de fer avec la firme canadienne de Barrick Gold autour de l’or et de la souveraineté nationale

Le gouvernement malien a fermé cette semaine les bureaux de la compagnie minière canadienne Barrick Gold à Bamako, l’accusant de ne pas avoir payé des impôts. Cette décision marque un nouveau tournant dans un conflit de plus en plus tendu entre l’État malien et l’une des plus grandes entreprises aurifères au monde.
Au cœur de l’affaire : le complexe minier de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali. Ce site, riche en or, est exploité à 80 % par Barrick Gold, les 20 % restants étant détenus par l’État malien. Mais depuis janvier, l’exploitation y est à l’arrêt, après la saisie de trois tonnes d’or par les autorités. Quatre employés maliens de l’entreprise sont en détention, et des mandats d’arrêt ont été lancés contre deux hauts responsables de Barrick, accusés de blanchiment d’argent.
Un nouveau code minier, des impôts contestés
Le litige est principalement d’ordre fiscal. En 2024, le Mali a adopté un nouveau code minier pour mieux contrôler ses ressources naturelles et renforcer ses revenus. Le gouvernement réclame désormais des centaines de millions de dollars à Barrick au titre d’impôts impayés, évoquant un effet quasi rétroactif de la réforme.
Barrick Gold assure de son côté avoir déjà versé 85 millions de dollars à Bamako en octobre dernier, et qu’un accord a été trouvé en février avec le ministère des Finances. Mais la signature de cet accord serait aujourd’hui bloquée pour des raisons politiques, selon l’entreprise.
Un combat pour la souveraineté et la justice économique
Derrière ce bras de fer se joue une bataille plus large : celle de la souveraineté économique. Le Mali, comme d’autres pays africains riches en ressources, veut s’assurer que l’exploitation de son or profite d’abord à sa population. L’or représente aujourd’hui près d’un quart du budget du pays.
Depuis le double coup d’État de 2020 et 2021, la junte au pouvoir a fait de la lutte contre la corruption et du contrôle des ressources naturelles des priorités nationales. Cette démarche s’inscrit dans une vision panafricaniste : celle d’un continent maître de ses richesses et capable de négocier d’égal à égal avec les grandes multinationales.
Quelle suite possible ?
Barrick Gold affirme vouloir trouver une solution à l’amiable, mais n’écarte pas la voie de l’arbitrage international. De son côté, le gouvernement malien continue de poser des actes forts pour faire respecter ses nouvelles règles.
Ce conflit met en lumière une réalité : les ressources africaines ne peuvent plus être gérées comme avant. Si le Mali parvient à transformer cette crise en opportunité, il pourrait ouvrir la voie à un nouveau modèle de coopération économique plus équitable entre l’Afrique et les investisseurs étrangers.
Balanta Mané
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