Casamance / Sénégal: Vague d’indignation après l’arrestation de l’étudiant Assane Sané à Dakar
L’arrestation musclée, hier de la police au cœur de l’amphithéâtre d’Assane Sané étudiant en Master à la Faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), ne passe pas dans les communautés casamançaises de la capitale sénégalaise et surtout en Casamance.
Plusieurs associations de ressortissants casamançais désapprouvent cette « chasse aux sorcières » que font l’objet les étudiants d’origine du pays des rivières à chaque mouvement de grève. Ce fut le cas d’Apollinaire Diatta le mois de juin dernier. Déjà dans les réseaux sociaux Facebook, Twitter et autres, le soutien à la libération d’Assane Sané mobilise.
Comme le dénonce un membre du FISH :
« Nous sommes singulièrement scandalisés d’apprendre ce qui se passe à l’UCAD après chaque grève. Nous de la Casamance sommes stigmatisés et la police sénégalaise ne s’en prennent qu’à nous. Nous exigeons la libération immédiate et sans condition de notre frère Assane sinon d’autres actions seront prises partout. »
Pour expliquer la raison de leur grève et leur motivation, les étudiants de la FLSH ont publié une déclaration dont le Journal du Pays a reçu une copie : Lisez !
DECLARATION DES ETUDIANTS DE LA FLSH
A la faculté des lettres et sciences humaines, nous avons noté pour cette année la mise en application d’une sélection pour admettre les étudiants ayant obtenu la licence à s’inscrire en master. La sélection n’est ni linéaire, ni uniforme dans son application ; c’est pourquoi les étudiants se sont constitués en mouvement pour défendre leurs intérêts parce qu’ils pensent incontestablement être dans les dispositions légales pour s’inscrire au Master. Nous avons noté au sein de la faculté des Lettres et Sciences Humaines certains départements qui ont effectivement observé cette décision de sélectionner, mais pour ce qui est des autres départements au sein de la faculté la sélection n’est pas entrée en vigueur c’est donc deux poids de mesure.
L’administration a énuméré trois critères pour admettre les étudiants en master: la capacité d’encadrement, l’année d’obtention du bac, l’obtention de la mention. Les étudiants ont émis des réserves face à ces critères dégagés et soutenus par certains professeurs au niveau de l’assemblée de faculté. Les autorités de notre faculté ont refusé de prendre en compte les arguments développés par les étudiants qui eux ont leur mot à dire dans le fonctionnement de la faculté, le problème il est d’abord social avant d’être pédagogique parce qu’ on ne peut pas retenir des étudiants jusqu’au mois d’avril pour ensuite les renvoyer comme des malpropres car les autorités ont attendu jusqu’à cette période pour publier les listes des étudiants autorisés à s’inscrire en master.
Un problème pédagogique se pose in fine à cause des désarrois qui s’emparent des étudiants qui voient ainsi leurs possibilités d’études supérieures complètement anéanties. La cause que défendent les étudiants est plus que jamais légitime parce que nous ne sommes pas du tout concernés par cette décision pour avoir déroulé tout notre cursus dans l’ancien système. Nous n’avons fait qu’une seule inscription dans le nouveau système donc c’est pourquoi nous avons dit que cette décision ne doit pas rétroagir, quand une loi ancienne entre en vigueur elle ne dispose que pour l’avenir par conséquent elle ne doit point avoir d’effet rétroactif.
Nous avons démarré le mouvement de contestation de cette décision sur la sélection depuis le 8 avril pour faire comprendre aux autorités notre refus de se conformer à une telle sentence. Tout au début nous avons écrit des demandes d’audience suivie de notes d’information que nous avons envoyé à toutes les autorités compétentes du pays pour trouver une issue heureuse à ce problème, mais toutes nous ont opposé une fin catégorique de non-recevoir à nos demandes formulées de manière circonstanciée parce que nous accordons respect et déférence à toute autorité.
C’est après la fameuse journée du 21 mai qui a étalé ses métastases au-delà même de l’université que le ministre de l’enseignement supérieur a accepté de nous recevoir pour discuter sur ce problème très délicat. Nous avons rencontré le ministre par l’intermédiaire de Fadel Baro du mouvement *y en a marre*.Nous avions organisé une conférence de presse commune avec les leaders du mouvement. C’est après l’implication du mouvement*y en a marre *que le ministre a accepté de nous recevoir par l’entremise de Fadel Baro qui nous a toujours apporté un soutien constant et renouvelé dans notre combat, nous sommes toujours en contact direct avec lui et il continue de s’impliquer davantage pour la résolution de cette crise.
La première rencontre tenue avec le ministre n’a abouti absolument à rien, les 2 autres rencontres tenues en présence du recteur de l’UCAD et du doyen de la faculté ne nous a pas permis de trouver des plages de convergences. Le ministre s’est toujours contenté de dire que ce sont des questions pédagogiques et que c’est du ressort des professeurs à travers les assemblées départementales et l’assemblée de faculté de prendre les décisions académiques. La question que nous voulons poser au ministre est de savoir comment il a fait pour orienter les nouveaux bacheliers ? En première année d’université on parle de capacité d’accueil, en master on parle de capacité d’encadrement par conséquent la méthode qu’il a utilisée pour orienter les bacheliers, c’est cette même méthode qu’il doit user pour les non sélectionnés en master.
À la faculté des lettres et sciences humaines il n’y a pas de licence et de Master professionnels comme le stipulent clairement les textes du système LMD, à côté des licences et des masters de recherches, il doit y avoir des licences et masters professionnels, pour ce qui est de la FLSH ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous étudiants avons clairement dit aux autorités de notre faculté de surseoir à cette sélection en attendant de se conformer aux exigences du système LMD qui disposent clairement qu’il faut mettre en place ces curricula.
Depuis quelques temps, le doyen de la faculté a monté des étudiants pour s’opposer à ceux qui réclament l’inscription en master alors que le combat que nous sommes en train de mener est pour le présent mais surtout pour l’avenir, parce que si rien n’est fait, la quasi-totalité des étudiants vont être renvoyés de l’université donc nous devons engager le combat dans l’unité comme l’ont fait les autres facultés où il n’y a pas de sélection pour arriver à convaincre l’administration que cette décision est inopportune et impopulaire parce que les jeunes sénégalais ont droit à une éducation de qualité comme le stipule la constitution.
Aujourd’hui le lundi 7 Juillet, un de nos camarades Assane Sané a été appréhendé par la police au sein même de l’amphithéâtre pour ensuite être conduit au commissariat central. C’est une situation de faite que nous condamnons et jugeons inacceptable puisque les stratégies d’intimidations ne peuvent pas nous pousser à laisser le combat. Tant que notre inscription en master n’est pas effective, nous ne pourrons pas lever le mot d’ordre. Il faudrait rappeler à l’opinion que nous avions accepté de suspendre le mot d’ordre comme le ministre et le doyen nous l’avaient suggéré, mais au bout du compte nous n’avons obtenu aucune satisfaction, ce qui nous a poussés à redescendre sur le terrain pour poursuivre le combat en attendant de nouvelles négociations. Nous tenons tout simplement à rappeler à certains professeurs qui défendent l’idée de la sélection que chaque métier a ses contraintes et ses exigences et qu’ils doivent s’y conformer pour encadrer les étudiants qui doivent faire le master au lieu de se barricader derrière des prérogatives en disant que l’encadrement n’est pas obligatoire.
Balanta Mané