Analyse prospective : « La périphérique Casamance » de demain ou comment l’UASZ sert à empêcher l’élévation d’une élite
En 2002, le wadisme* naissant qui allait sécréter l’actuel président de la République Monsieur Macky Sall, inaugurait en Casamance un laxisme criminel qui n’était rien d’autre qu’une nouvelle forme de lutte contre les futures élites casamançaises avec le naufrage du Ferry le Joola. Cette animosité qui ne dit pas son nom contre la Casamance, fut matérialisée par cette catastrophe du 26 septembre 2002 qui avait emporté pas moins de 400 étudiants de la seule ville de Ziguinchor (scoopdeziguinchor, sept. 2010). Et dont les corps de certains ont disparu pour toujours au fond de l’océan comme de vulgaires carcasses humaines, à l’image de la ferraille qui constitue désormais leur sépulture sous-marine.
Quatre cents (400) étudiants, c’est pratiquement le ¼ du nombre qui constituait l’effectif de l’Université deux ans après son ouverture. Mais le rapport entre le wadisme et la Casamance est renseigné avant tout par l’éclatant échec d’une ambition politique : ramener la paix en 100 jours. Et quand on lie la catastrophe à la situation d’insécurité qui prévalait, on finit par se dire que par ses méthodes, le régime du Président Abdoulaye Wade a apporté plus de malheur en Casamance.
Cependant, il était facile d’acquérir le titre de partisan de la liberté et de la paix dans une région qui a le mythe d’être très scolarisée, il suffisait alors pour cela de promettre des infrastructures scolaires comme universitaires. C’est ainsi qu’aller naître l’idée d’ouvrir dans la région un centre universitaire, entendre par là, une future Université qui allait proposer aux enfants de la Casamance les possibilités d’étudier sur place et dans de meilleures conditions. Un tel engagement politique ne pouvait pas être refusé.
En 2007, cinq ans après la catastrophe du Ferry le Joola, le wadisme offrait aux Casamançais la supposée troisième Université du Sénégal. Sous un autre angle, on était en droit de se demander si la castramétation voulue des étudiants casamançais dans leur bled, ne renverrait pas l’image d’une catastrophe qui en cacherait une autre en Casamance, avec l’Université de Ziguinchor qui deviendrait un autre Ferry échoué au cœur de la ville. Pour comprendre notre inquiétude, il faut au regard de l’histoire se poser la question de savoir par exemple, si l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) mérite son statut ?
Car si l’on trouve sur place des enseignants-chercheurs dévoués, il n’en reste pas moins vrai qu’ils ne sont pas mis dans les meilleures conditions de travail. Nous pensons qu’on ouvre une Université à des fins de poursuite de meilleures études avec l’ambition de produire des résultats reconnus par la communauté scientifique. Aussi, l’Université doit-elle bénéficier de tous les privilèges étatiques, de sorte que les étudiants puissent y recevoir une formation intellectuelle qui permette de résoudre les problèmes théoriques du développement (Harold Fisch, 1996). Nous croyons aussi que la fonction de l’enseignement universitaire devrait être subordonnée à celle de la recherche et dirigée vers la sécurisation et la continuité de cette dernière. Et la recherche, c’est ce à quoi devrait s’attacher toute Université qui voudrait s’installer en Casamance et qui veut faire face à la réalité locale
Mais avant d’aborder ce volet recherche, arrêtons-nous sur l’urgente question du manque de moyens et d’infrastructures. L’image de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf vous vient à l’esprit quand vous visitez l’UASZ. C’est juste un petit centre universitaire qu’on a voulu transformer en Université ; alors qu’initialement, il n’en était pas question. Et l’on se demande qu’est-ce qui a bien pu animer un tel choix qui sans les moyens qui vont avec, donne une certaine image des intentions arrêtées que le wadisme avait pour les futures élites casamançaises.
Géographiquement situé entre Diabir, autre symbole de la rébellion casamançaise ; le petit aéroport régional et le cantonnement sauvage de « l’escadron de commandos ( ?) » à Kenya, tristement connu pour être un lieu d’exaction par excellence quand on parlait de Terreur en Casamance (Amnesty, 1998) ; on ne saurait trouver endroit plus sinistre pour faire de cette Université le symbole d’un champ expérimental de la conflictualité en Casamance. Et allégoriquement, comme la grenouille qui crève en voulant se faire gros, la situation à l’UASZ est une parfaite illustration d’un destin explosif.
Pour continuer à explorer les symboles, nous sommes tentés de dire qu’il existe une corrélation entre le choix du parrain, Monsieur Assane Seck, et le gage à tenir pour cette Université. Car il n’y aura pas de hasard à l’UASZ, mais la mystique prégnante d’un héritage du refus. Le président Macky Sall a beau raconté une histoire-mémoire pacifiste du parrain, « homme de science, de culture et d’ouverture, (qui) inspire l’éveil des consciences citoyennes pour la paix, la stabilité et la cohésion nationale » ; ne saurait enlever aux Casamançais cette autre image du Lébou-Casamançais : celui d’un homme du refus. Le mouvement autonome de la Casamance (MAC) serait passé par là.
Pour autant, restons loyal envers la mémoire collective casamançaise, en rappelant que c’est à travers une correspondance que lui avait adressé l’Abbé Diamacoune Senghor en 1994, que l’on découvrit la notion de « Casamanqués » par opposition aux « Fils authentiques de la Casamance, dignes héritiers des vertus et qualités de (leurs) valeureux et glorieux ancêtres ».
Par conséquent, si les étudiants de l’UASZ à qui, on avait promis il y a plus d’un an, « confiance et appui pour conduire (leur) établissement sur les chemins de l’excellence et de l’exemplarité », ne voient rien venir ; il nous parait évident que l’image qu’ils garderont de leur parrain, ne sera pas celle du pacifiste, mais d’un homme du refus « déjà ancré dans l’histoire-mémoire locale, et pour l’éternité » (APS, 19 mars 2014).
La conjoncture donc qui prévaut à l’UASZ et qui motive les étudiants à faire une marche jusqu’à Dakar – sans oublier la dernière mobilisation des collègues enseignants – tous lassés d’attendre avec le doute de l’espoir, une promesse qui ne « ménagerait aucun effort pour une amélioration continue des conditions de vie, d’études et de travail dans cette Université de référence » ; constituera demain une énième preuve flagrante que l’Université de Ziguinchor a été créé pour produire à la longue des élites casamançaises à la périphérie de l’Etat-nation sénégalais.
Telle est la conclusion prospective pour laquelle, il nous semblait avéré qu’une catastrophe pouvait en cacher une autre en Casamance. Elle ne sera pas le fruit de la vérification d’une hypothèse sur une supposée indiscipline des étudiants, mais la logique d’un Etat-nation en crise en Casamance.
Nous ne croyons pas non plus, que Monsieur Macky Sall, le Premier Ministre d’alors qui a vu naître l’Université de Ziguinchor a une solution révolutionnaire pour la désormais UASZ. Laisser supposer qu’il n’y aurait pas continuité du wadisme, serait limite crime de lèse-majesté pour ce républicain fondateur de l’Alliance pour la République(APR). C’est dire qu’il y a bien poursuite de la logique établie à partir de 2002 ; tuer toute possibilité d’éclosion d’une future élite casamançaise qui risquerait de démocratiser (dans un pays vanté pour sa démocratie) la problématique de la crise de l’Etat-nation sénégalais en Casamance.
Moins la Casamance serait instruite mieux se porterait l’Etat-nation. Il suffit d’ailleurs pour le constater de regarder l’attelage gouvernemental. Et c’en est bien là, l’héritage du wadisme chez Macky Sall, cette nouvelle donne étatique qui réprime les excès et le danger que constituent la liberté et la fierté Casamançaise que risquent d’hériter ses futures élites. Nous vous offrons comme exemple le fait que le wadisme a combattu le Professeur Marcel Bassène (et pourquoi selon vous ?)
Soyons clair, à beau parler qui n’a cure de bien faire, dit l’adage. Et combien de fois donc le Président Macky Sall est venu parler aux Casamançais ? Quelle autre promesse les Casamançais pourraient-ils attendre de lui ?
Ainsi, tant que le régime actuel se contentera d’engagements qu’il ne tiendra pas aux Casamançais en général et au monde universitaire local en particulier, alors leur espoir de s’élever pour atteindre les sphères de l’Etat où se construit la Nation et qui passe nécessairement par l’éducation et l’enseignement supérieur sera réduit à néant. [A l’image de ce régime qui apparait comme un intervalle de néantisation de la démocratie sénégalaise (nous y reviendrons certainement).]
Donc, l’UASZ sera bien ce leurre jeté en Casamance pour entraver le développement de nouvelles générations d’intellectuels. Qui pourra-t-on empêcher demain de croire que l’Etat-nation sénégalais, dominé par ceux qu’on connait, a piégé les fils de la Casamance dans de faux-espoirs d’élévation ; que l’UASZ cultive le minima logos et ne fait qu’obstruer le chemin qui conduit à cette élévation ?
D’ailleurs saisissons ici l’occasion pour interpeller les cadres casamançais, ces élites arrivées à l’âge de la sagesse. Chères aînées, avons-nous tort d’imaginer que l’UASZ porte les germes de l’échec et qu’il serait urgent pour la sauver de demander son autonomie afin d’en faire une vraie Université tournée vers la recherche ?
La recherche, comme nous l’évoquions plus haut, devrait être au cœur de l’Université afin de participer à la résolution des problèmes du développement. Encore faut-il dégager les axes prioritaires de recherches pour une Université en Casamance. Comme nous, vous reconnaissez qu’en Casamance la paix et le développement sont les premiers défis des populations. En d’autres termes, l’UASZ située dans une région facteur potentiel de conflictualités devrait exceller dans des domaines au service de la paix, des droits humains et du développement.
Sauf qu’on assiste, en plus du manque de hiérarchisation des priorités, à une bien curieuse architecture des unités de formation et de recherches (UFR), quand des départements tel que celui de Géographie existe loin des Sciences sociales ; tandis que la Biologie et les Sciences Naturelles et même l’Histoire sont absentes. C’est en cela d’ailleurs qu’on dénote un manque de cohérence entre les études menées à l’UASZ et les possibles débouchées dans la région. En effet, sans besoin d’un spécialiste, comment peut-on penser un département de tourisme en Casamance indépendamment et en l’absence totale d’un département d’histoire ?
Certes, il est louable de vouloir « former des cadres et des professionnels du tourisme », mais il faut éviter de donner l’impression d’une confusion entre tourisme et hôtellerie. Car, en l’absence d’un département d’histoire et du patrimoine qui répondent mieux « aux besoins de la région naturelle de Casamance », on a du mal à voir en quoi consiste les débouchées des futurs diplômés du tourisme en Casamance, sans aucune connaissance historique, culturelle, et patrimoniale qui permettent de faire de ce secteur une forte potentialité de développement.
En outre, la Casamance est bien mal servie encore une fois, quand on sait le nombre d’historiens et de diplômés de champs connexes qu’elle a. C’est dans cette famille disciplinaire que les élites casamançaises se sont le plus illustrés en termes de gestion administrative. Nous pouvons citer feu Antoine Tendeng (enseveli dans la ferraille du Ferry le Joola) qui a été à la tête de l’Ecole des Bibliothécaires et archivistes de Dakar (EBAD) ; sans oublier Olivier Sagna qui fut aussi Directeur de l’EBAD et qui parait-il est dans la gestion administrative de l’Enseignement Supérieur. On aurait bien pu l’envoyer au casse-pipe à l’UASZ où il devrait diriger et organiser un département d’histoire dans une région en quête de son héritage historique, patrimonial et culturel tombé en déshérence.
Bref, il y a tant d’urgences à l’UASZ et peu de moyens et de volonté politique. Mais notre voix s’arrête en ces derniers mots, et pour dire que rare sont ceux qui s’aventurent à disséquer le cynisme du wadisme en Casamance. Tandis que, nombreux sont ceux prompts à accuser l’indiscipline des étudiants casamançais qui auraient ainsi passé tout leur temps à faire des revendications au point d’être les ouvriers de leur propre ruine. Mais est-ce sérieux de dire que l’UASZ offre les perspectives d’une Université d’avenir pour les enfants de la Casamance ?
Nous sommes tentés de dire, que tout observateur sérieux, saura avouer que dans sa situation actuelle, l’UASZ offre les contours d’une Casamance qui deviendra, si l’on n’y prend pas garde, périphérique en termes de formation des élites de demain. D’où encore une fois, le besoin de travailler sur l’autonomisation de l’Université en Casamance avec un transfert de compétences et de MOYENS à la hauteur des ambitions de la région.
Une Casamance où seront aussi les bienvenues d’autres Universités telles que l’UCAO et la Soka par exemple !
*Wadisme : Style de gestion politique de l’Etat du Sénégal sous le régime du Président Me Abdoulaye Wade. [Pour en savoir plus sur le rapport entre le wadisme et la Casamance, nous vous conseillons, Abdoulaye Aziz Ndaw (Cl), Pour l’honneur de la Gendarmerie. Tome1, L’Harmattan, 2014.]
Dr. Pape Chérif Bertrand, Akandijack Bassène
Visiting Assistant Professor, UCAD
Bapoulo
Je ne pense pas que nous devrions en tant que Casamançais répéter des expériences depuis 1960 avec le Sénégal. Comme le souligne Akandijack, les politiques de Wade, de Macky mais aussi de Diouf n’ont pas pris au sérieux ou en considération (sauf si c’est un plan ignoble contre la Casamance) du développement humain de nous tous.
Si cela ne fonctionne pas pendant plus d’un demi siècle pourquoi ne pas changer en prenant l’indépendance ! Tout dépend des casamançais eux-mêmes.
Teesito
Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que la politique sénégalaise de l’éducation en Casamance est différente que celle appliquée dans le Sénégal, cela confère à ce pays pauvre une puissance discriminatoire. Le message consiste donc clairement à convaincre les Casamançais qu’ils ne sont ni de près ni de loin des sénégalais. Et c’est ce qui est vrai et une vérité à laquelle toute objection peut s’avérer aussi périlleuse que le reniement de la «sénégalité » de la Casamance occupée. Même si les « Casamanqués » se sentent plus sénégalais que les sénégalais !
Comme le dit le proverbe : Un tronc d’arbre a beau duré dans la rivière ne peut se transformer en crocodile.
La Casamance n’est pas sénégalaise et ne le sera pas ! Vive la séparation, vive la Casamance enfin retrouvée et indépendante
CANADA
Article pertinent qui montre une fois de plus que la Casamance doit intensifier sa lutte d’indépendance pour sauver notre peuple et notre jeunesse. Il n y aura pas de compromis possible avec un Sénégal complètement encré dans sa politique de domination et de destruction de notre chère Casamance.
http://www.journaldupays.com/2014/contribution-de-la-feeca-au-keykendo-fiers-de-notre-rebellitude-estudiantine/
Vive la Casamance INDÉPENDANTE!!!
kankouran
Une contribution compréhensible et pertinente. Le cas de l’UASZ n’est -il pas symptomatique de la relation colon-colonisé. (Aimé Cesaire dans « le Discours du Colonialisme ».)?
La lutte contre le colon devient alors TOTALEMENT LEGITIME ! VIVE LA CASAMANCE LIBEREE